# HistoriX

6 juin

6 juin 2024

Il y a 80 ans jour pour jour, les alliés, des Américains, des Anglais, des Canadiens, et même quelques soldats français, notamment le fameux commando Kieffer, débarquaient en Normandie par les plages de Juno, Sword, Utah et Omaha, une véritable armada, des bateaux partout sur l’horizon, des milliers de soldats sur les plages, canardés par les Allemands depuis leurs bunkers, voilà l’image d’Epinal du 6 juin 1944, autrement appelé D-Day ou Jour le plus long en français, une expression que l’on ne devrait peut-être pas conserver car on la tient du général Rommel.

Quelques jours plus tard, les alliés arrivent à Caen et à leur grand étonnement, ils ne sont pas accueillis comme des libérateurs, c’est à dire dans la liesse. Comment est-ce possible ? Que s’est-il passé pour que l’accueil soit si froid ? Il s’est passé, et on oublie trop souvent de s’en rappeler lors des commémorations, l’heure n’étant pas à la polémique, que la ville de Caen a été bombardée par ces mêmes alliés depuis 1942, détruite à 75% et occasionnant surtout près de 2000 morts parmi les civils. Vous vous imaginez à leur place, pleurer la disparition d’un proche, un parent, un enfant, un cousins ou un ami, tués par ceux qui étaient venus les sauver. C’est comme si vous étiez pris en otage, que le GIGN débarque avec pertes et fracas, et vous tire une balle dans la tête, le fracas c’est eux, la perte c’est vous. Une méthode digne des forces Russes au théâtre de Moscou pour qui les victimes collatérales n’avaient aucune importance. Je ne ferai pas de parallèle douteux avec l’actualité récente pour ne pas jeter d’huile sur le feu, je crie néanmoins toute la douleur des civils qui sont victimes d’actions de guerre. Ce n’était évidemment ni une première, ni une dernière, puisque un an plus tard, les Américains bombardaient Hiroshima et Nagasaki alors qu’il n’y avait pratiquement aucun militaire sur place et que la guerre était déjà gagnée.

Le problème avec le bombardement de Caen, et de bon nombre de villes normandes (Condé-sur-Noireau, Saint-Lô, Le Havre, Vire, Villers Bocage…), est d’ailleurs un peu le même que celui des deux villes japonaises. Le problème est de savoir si cela était réellement nécessaire et si cela a produit les résultats escomptés. Dans le cas de Caen, la réponse à ces deux questions est identique et c’est non. Non, bombarder la ville et les civils qui y vivaient n’était pas nécessaire puisque les troupes allemandes étaient installées plus au nord et s’il s’agissait de neutraliser la SMN, la Société de Métallurgie Normande, eh bien il suffisait de bombarder l’usine. Et est-ce que cela a empêché les Allemands de venir en renfort ou à l’inverse de fuir vers l’arrière, non plus ! L’objectif n’était-il pas, finalement, de semer la terreur et le chaos sur toute la côte normande afin de faire pénétrer plus facilement les troupes alliées ? Et si le prix à payer était la mort de milliers de civils, près de 20 000 en tout, un tiers de toutes les victimes civiles de la Seconde Guerre Mondiale en France, eh bien tant pis. Dans l’Armée plus qu’ailleurs, on sait qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ! Sauf que les œufs en question, c’étaient des enfants, des femmes et des hommes comme vous et moi qui n’avaient rien demandé et qui espéraient être libérés par l’arrivée des alliés, d’une certaine manière, ils l’ont été. Il n’y pas de happy end dans les guerres, pas de morale, par de leçon à tirer pour les générations futures car on sait que les générations futures referont exactement les mêmes conneries que leurs aînés. La guerre, c’est simplement désespérant. Le 6 juin 44, tout le monde a payé la libération au prix fort, libérés et libérateurs, ne l’oublions pas, c’est tout.

Quand on est Caennais (habitant de Caen, Calvados, Normandie) comme moi, le 6 juin évoque un autre anniversaire sanglant, celui des fusillés de la prison, exécutés dans la précipitation par la Gestapo et dont les corps ont été emmenés pour ne pas laisser de trace, ou plutôt de preuves, car il s’agit bien d’un crime, si ce n’est de guerre, car cela n’existait pas juridiquement à l’époque, au moins de droit commun. On n’exécute pas un prisonnier ! C’est arrivé ailleurs bien entendu, dans les deux camps, les résistants du maquis du Tulle, un lieu cher à Chirac et Hollande, ont eux aussi exécuté une cinquantaine de prisonniers allemands et enfouis leurs corps dans la forêt, un secret bien gardé depuis. Dans le cas de la prison de Caen, les corps n’ont jamais été retrouvés et les deuils des familles jamais faits. On ne peut pas savoir ce que ressentent les proches de quelqu’un dont on n’a jamais retrouvé la dépouille tant qu’on n’y a pas été confronté. Il me semble que c’est comme une plaie invisible qui ne cicatrise jamais.

Il y a donc bien des raisons pour un Caennais de commémorer le 6 juin et pas uniquement le souvenir des soldats américains, anglais ou canadiens.


Sources / Réféfences

Les fusillés de la prison de Caen : et maintenant ? Documentaire de l’émission Les jeudis de l’Histoire, sur France TV, 2024.

Fusillés de Meymac : quand la mémoire résiste. Documentaire de l’émission Envoyé spécial, 6 juin, 2024

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