Bâtard

Et c’est reparti pour les insultes de cour de récré. Espèce de bâtard ! Se disait-on parfois entre nous à l’école primaire, ça et fils de pute ! Le gars, non seulement n’avait pas de père mais en sus, sa mère était une prostituée, normal qu’il l’ait mauvaise.

Ce matin, c’est François Ruffin, le député de Picardie de la France Insoumise à qui j’ai déjà consacré deux billets (1), qui traitait Emmanuel Macron sur France Inter de, je cite, « Bâtard de François Hollande ». Léa Salamé en fut prise d’un spasme, ne pouvant réprimer un « ohhhhhhh » de désapprobation. Fallait oser tout de même ! Mais pour ce qui est d’oser, on fait confiance à François Ruffin, l’homme n’a pas froid aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’a pas décoléré depuis le premier tour, ou pas digéré sa déception, et pour cause. Il a alors repris son bâton de pèlerin contre la mondialisation pour faire ce qu’il fait de mieux, faire parler de lui.

François Ruffin est un bon orateur, et en bon orateur qu’il est, il sait prendre des exemples qui parlent et claquent, la punch line n’étant jamais très loin. S’adressant toujours à Léa Salamé et Nicolas Demorand, il leur dit en substance, imaginez qu’on trouve en Pologne des journalistes qui sourient comme vous mais cinq fois moins chers et qu’on délocalise les studios de Radio France à Varsovie, vous seriez sans doute plus concernés par les délocalisations. Silence radio ! Et si on disait aux journalistes de la presse écrite qu’on a trouvé des scribes chinois dix fois moins chers, quelle serait leur réaction ? Voilà la problématique Mme Salamé, tant que vous n’êtes pas touchée au premier degré, vous faites juste semblant d’être concernée.

François Ruffin a la gâchette facile quand il s’agit d’attaquer les grands patrons ou les médias. Mais pour les solutions, des solutions applicables dans la vraie vie et qui obtiennent un maximum d’adhésion populaire, va falloir repasser. Alors, quand les deux interviewers stars de la matinale la plus écoutée de France (dixit les intéressés) répliquent en lui demandant pourquoi c’est pas Mélanchon mais Le Pen qui arrive en tête en Picardie, en dehors d’Amiens s’entend, le député LFI ne trouve pas mieux que de répondre : « C’est parce qu’ils se sont emparés des sujets qui fâchent avant Nous – comprendre Nous la gauche ». Eh là, on aurait juste envie de lui dire à François Ruffin, cher François, la politique ce n’est pas une course aux sujets. Ce n’est pas « C’est qui qu’a parlé d’immigration en premier, c’est nous ou c’est eux, c’est eux, zut ! » La gauche n’est pas arrivée après l’extrême droite, la gauche a simplement abandonné les classes populaires à l’extrême droite, voilà la réalité. Parce que la gauche s’est embourgeoisée car elle n’a que peu ou pas été touchée par la désindustrialisation, le chômage et la désertification des campagnes. La gauche s’est repliée dans les villes, elle s’est gentrifiée comme on dit, du vocable anglais gentry, c’est à dire les nobles ayant leurs armoiries. Alors les classes populaires et les campagnes votent Le Pen, et pas Mélanchon, point barre. Mélanchon, Ruffin et LFI, c’est pour les bobos.

Alors tu peux traiter Macron de bâtard, cela doit te défouler, il n’empêche qu’il va falloir faire avec lui pour les cinq prochaines années. Tu ambitionnes sans doute avec ta bande d’insoumis de centre-ville de faire barrage à la République en Marche et à tous leurs projets de loi. La France soumise va elle sombrer davantage dans l’immobilisme et couler un peu plus encore dans le grand bain de cette mondialisation que tu condamnes.

Alors franchement François, je ne te félicite pas pour cette insulte envers ton camarade Emmanuel. Va lui serrer la main, dis-lui que tu t’excuses et jouez ensemble enfin.

Sale gosse va !

Notes / Sources

Il est où le bonheur ? / Leur folie, nos vies.