L’ogresse

En France, nous avons une religion. Pas le catholicisme, non, tout ça c’est du passé. Non pas l’islam non plus, n’en déplaise à tous les sympatisans de la théorie du grand remplacement. La France n’est pas juive non, contrairement à ce qu’élucubrent les antisémites (je précise que je sais parfaitement que le verbe élucubrer n’existe pas, mais j’ai trouvé que cela faisait sens alors je l’ai inventé). Trois fois non.

Non, la vraie religion majoritaire dans l’hexagone, c’est la cuisine les amis. Nous, les Français vouons un culte quasi-religieux à la cuisine, je corrige, pas la cuisine mais les cuisines. Car nous, les Français, nous aimons toutes les cuisines, de la gastronomie de Bocuse aux fast food et aux bouibouis en bas de la rue, même s’il vaut mieux ne pas aller derrière voir comme ça se passe, demandez à Etchebest, il vous expliquera. Nous aimons les hamburgers, les sushis, les spaghettis, les pizzas, le couscous, le mafé et le café, nous aimons tout je vous dis. Nous regardons même en masse des émissions du genre, le meilleur cuisinier de France, ou Top chef pour faire court, le meilleur pâtissier, le meilleur boulanger, on n’a pas encore fait le meilleur boucher ou le meilleur fromager mais ça ne saurait tarder. En tout cas pas à la télé, car dans la vraie vie, ce genre de concours a lieu tous les ans et cela s’elle les MOF, les Meilleurs Ouvriers de France. Rien à voir avec les ouvriers de la mine ou de l’usine cela dit, je me demande d’ailleurs pour on a appelé ce concours ainsi. Bref !

Dans toute religion, il faut des prêtres, ou des prêtresses ne soyons pas misogynes, même si vous avouerez que peu de religions laissent une grande place aux femmes. Sur France Inter, celui-ci se nomme François Régis Gaudry. Ce matin, il avait invité Ranwa Stephan. Ranwa a été reporter de guerre pendant quinze ans, en Afghanistan ou en Syrie, pour donner la parole à ces gens que l’histoire et les évènements écrasent. Puis sa passion pour la cuisine l’a rattrapée, elle a posé ses valises en Seine Saint-Denis et y a créée une conserverie locale, équitable et bio, une entreprise au nom diaboliquement cool : Les délices de l’ogresse (cliquez ici pour faire vos courses). Tartinade de poix cassés à l’estragon, pâte à tartiner de chocolat au lait et au pralin, ketchup de tomate verte… si vous n’avez pas l’eau à la bouche, c’est que vous n’êtes pas français. Qui ne mange pas n’est pas français, çais, qui ne mange pas, n’est pas Français, çais, y a pas que les supporters du PSG qui ont le droit d’entonner des chants partisans à la con, si ?

Mais encore une fois, nous aimons toutes les cuisines. J’en veux pour preuve ce championnat du Monde des cuisines du Monde organisé à partir du 14 mai par le département de la Seine Saint-Denis et Zone Sensible, la ferme urbaine imaginée par Olivier Darné, artiste, apiculteur et autre invité de l’émission On va déguster de François Régis Gaudry.

Il est bon de rappeler que ce genre de manifestation cosmopolite et joyeuse existe dans une France où près d’un Français sur deux vote pour le Rassemblement national. J’ai grandi dans une ville un peu similaire à Saint-Denis où tous les ans il y a ce qu’on appelle la fête des communautés et croyez-moi, chaque année c’est vraiment une fête. Voilà ma France à moi, la France de la baguette, du camembert et du saucisson, mais aussi celle du kebab, des burgers, du canard laqué et des ramens.

Vive le riz public et vive la France !

Et si tu préfères, on ira juste derrière
Manger une crêpe là où ça sent Quimper
Et où ça a un petit air du Finistère
Et puis en repassant par Tizi-Ouzou
On finira aux Antilles
Là où il y a des grosses re-noi qui font
Pchit, toi aussi kaou ka fé la ma fille

Au marché de Saint Denis, il faudra rester zik-phy
Mais si t'aimes pas être bousculé, tu devras rester zen
Mais sur tu prendras des accents plein les tympans et des odeurs plein le zen
Après le marché on ira che-mar rue de la République (1)

Sources :

(1) Saint-Denis, Grand Corps Malade, Midi 20, 2006