Fattal
Comment être surpris des choix faits par Gabriel Attal pour son gouvernement ? Faut-il même les commenter, tant tout cela paraît ridicule, petit et déplorable ?
J’étais enthousiaste il y a encore deux jours, du moins essayais-je d’être optimiste en attendant la liste des ministres de ce nouveau gouvernement, même si au fond de moi je n’avais guère d’illusions. Car je savais que ce nouveau Premier ministre qui selon ses propres mots, doit tout à Emmanuel Macron, ne ferait que donner à Alexis Kohler, le porte-parole de l’Elysée, les noms que le Président lui transmettrai. J’imagine qu’il a donné son avis, cela ne veut pas dire que celui-ci a eu la moindre influence. Résultat, beaucoup de com pour rien puisque rien ne change ou presque. Les principaux ministères, qu’on dit aussi régaliens, n’ont pas changé de chef, les Lemaire, Darmanin et Dupond-Moretti sont toujours en place. Seule Catherine Vautrin, qui avait été un temps imaginée à la place d’Elisabeth Borne à Matignon, une vieille routarde de la politique qui avait été ministre sous Chirac, c’est dire, arrive à la santé et au travail, et devient ainsi la quatrième mousquetaire au service du roi Louis Emmanuel.
La sensation de ce gouvernement cependant, ce n’est pas Catherine Vautrin, mais Rachida Dati, nommée à la culture. On connaissait la proximité du chef de l’Etat avec Nicolas Sarkozy, on a maintenant la preuve de l’influence du second sur le premier. Je ne vois pas d’autre explication puisque Rachida Dati n’a ni expérience ni compétence particulière dans le domaine de la culture et celle-ci n’a eu de cesse par ailleurs de critiquer tout ce qu’a pu faire Emmanuel Macron et ses différents gouvernements depuis 2017 avec la plus grande virulence, travaillant même ses attaques au cordeau. Il s’agit donc d’un choix politique en piquant à la droite traditionnelle l’une des ses plus grandes gueules afin de l’utiliser contre le Rassemblement national. La culture a-t-elle si peu de valeur aux yeux du pouvoir en place pour mériter pareille ministre. Ils en ont connu d’autres, vous allez me dire, notamment Roselyne Bachelot en 2020, une ancienne pharmacienne qui après la santé, le ministère, pas la prison, avait rejoint le plateau de Cyril Hanouna. Ou encore Fleur Pellerin, qui payée 14000€ par mois, estimait sur le plateau de Nul part ailleurs qu’elle faisait quasiment du bénévolat, alors qu’on ne vienne pas l’emmerder avec son salaire. Clairement le monde de la culture n’a pas toujours été bien servi, il faudra une fois de plus serrer les dents en attendant le prochain ou la prochaine ministre.
Amélie Oudéa-Castéra commence bien elle aussi sa mission en nous expliquant qu’il y a trop de profs absents dans le public et que ses enfants sont désormais bien plus heureux dans le privé au sein du très sélect lycée Stanislas à Paris. Il est évident que lorsqu’on est entre soi, on se sent tout de suite bien mieux. Après tout, rien ne lui interdit de mettre ses enfants dans le privé, nous sommes un pays libre. Les miens sont aussi dans le privé, à l’époque de faire ce choix clivant, l’établissement privé que nous avions sélectionné disait mettre le paquet sur l’anglais et les langues étrangères et cela nous avait plu. Chacun ses raisons, gardons-nous de juger celles des autres, et chaque parent fera toujours son maximum pour que ses enfants soient bien. On ne peut pas lui reprocher ça. Dont acte, fin de la discussion. Sauf que Amélie Oudéa-Castéra n’est pas une parente d’élève comme les autres, elle est désormais ministre de l’Education nationale, entre autres puisqu’elle conserve les sports et les JO, auxquels on a cru bon d’ajouter la jeunesse, tout cela fait sens il est vrai. Cela fait sens mais la tâche est immense et l’Education nationale n’est pas un ministère facile et sans enjeu. Faire ce genre de déclaration à brûle pourpoint, dans la rue, parce qu’elle est attaquée par des journalistes qui cherchent à la piéger, c’est une faute politique et stratégique majeure. On croirait entendre Claude Allègre, sinistre de l’Education nationale sous Jospin qui avait déclaré vouloir « dégraisser le mammouth ». Il savait parler aux profs celui-ci dîtes donc, résultat son mandat a été de très courte durée. Il n’a rien dégraissé du tout, l’école s’est dégraissée toute seule puisque la vocation est en chute libre depuis lors. Faut dire qu’avec les salaires de misère qu’on leur propose et les conditions d’enseignement toujours plus difficile, tous les problèmes de la société finissant par débarquer à l’école d’une manière ou d’une autre, pauvreté, immigration, violence, racisme, antisémitisme, sans parler des écrans qui rendent les élèves de plus en plus incultes, addicts et dissipés. Clairement, la tâche de la ministre est ardue et c’est commencer du mauvais pied que d’attaquer l’institution publique sur les absences non remplacées car les profs en souffrent autant que les parents, je mets de côté les élèves qui probablement s’en réjouissent. Je lui souhaite donc bon courage à Amélie Oudéa-Castéra, si elle est mal reçue au ministère de l’Education nationale, elle pourra toujours s’enfuir au ministère des sports et de la jeunesse ou au comité d’organisation des JO, elle n’a que l’embarras du choix et nous qu’elle ait été choisie.
Fatalité, ou destin diront certains, la nomination de Gabriel Attal fait ressortir les archives des placards de la télévision. C’est ainsi qu’on voit tourner une vidéo de 2011 où une bande de jeunes est interviewée par Bruce Toussaint à propos du rapport des jeunes à la politique, et surtout un en particulier, un certain Gaby, qui parle mieux que ses potes et tous voient déjà en lui le futur président et ils le disent. Vous l’aurez compris, Gaby c’est Gabriel Attal et avant d’être président, il lui faudra être un Premier ministre convaincant.
Nouveau concours de circonstance comme il y en a tant, au moment je commençais ce billet ce matin, Gabriel Attal était à quelques kilomètres de chez moi à prendre le café et la température dans ma petite ville de Caen. Et la température était bien fraîche, tout comme l’accueil des caennais qui ne se sont pas gênés pour lui dire leur insatisfaction, et pas toujours de manière polie. Cet exercice, aller à la rencontre des Français là où ils sont, dans la rue, au café, sur le marché, au boulot, un exercice auquel il s’est plié de bonne ou de mauvaise grâce depuis quelques jours, rappelle le style Macron des débuts, et avant lui le style Sarkozy. Des rencontres frontales desquelles ne sort jamais rien de bon à part des petites phrase malheureuses telles que « si tu veux te payer un beau costume, tu n’as qu’à traverser le trottoir et aller bosser » ou encore « vous en avez marre de ces racailles, eh bien on va vous en débarrasser à coup de Karsher ». Amélie Oudéa-Castéra a elle aussi été prise au piège. Cette façon de faire de la politique à hauteur de caniveau ne les grandit pas et ce pays non plus.
Le fataliste, selon le dictionnaire Larousse, est celui qui s’abandonne aux évènements, qui les accepte avec résignation : passif, résigné. J’ai parfois l’impression de le devenir. Au secours, sortez-moi de ce cauchemar !
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