Rentrée politique
L’avantage des démocraties bordéliques comme la nôtre, c’est qu’on ne s’ennuie jamais, contrairement aux régimes autocratiques tels que la Chine, où il n’y a ni élection, ni alternance, ni cohabitation, ni coalitions à chercher, quelque soit le problème, c’est Xi qui décide point barre. Plus efficace mais moins fun faut avouer.
Cette rentrée politique, après un été olympique, s’annonce comme l’une des plus riches en suspens et rebondissements que la Cinquième république ait vue. Emmanuel Macron, qui a choisi de dissoudre l’Assemblée Nationale juste avant l’été, doit à présent se trouver un nouveau, ou une nouvelle, Premier.e ministre et cela s’avère être un véritable casse-tête, tout jeu de mot avec l’ancien PM Jean Castex ou la potentielle future Lucie Castets serait totalement fortuit. Le problème est en effet complexe car la nouvelle assemblée se décompose en trois tiers grosso modo, un premier tiers Nouveau front populaire, un second Ensemble majorité présidentielle et un dernier tiers RN et divers droite, ciotistes dissidents y compris. Aucune vraie majorité ne se dégage par conséquent suite à cette élection sortie du chapeau présidentiel, pour un hatt trick, faudra repasser. En football, le coup du chapeau, ou Hatt trick en anglais, survient lorsqu’un même joueur, généralement un attaquant vedette, marque trois buts dans un même match, une vraie performance offensive individuelle bien que le foot reste un sport d’équipe. Macron n’étant pas M’Bappe, son coup de chapeau restera un coup d’épée dans l’eau.
Quelles sont désormais ses options ? Le NFP qui se considère vainqueur de l’élection avec 182 sièges, sur un total de 577 soit 32%, a fini par se mettre d’accord sur un nom, celui de Lucie Castets, la directrice financière de la mairie de Paris, que personne ne connaissait jusqu’ici mais qui semble mettre tout le monde d’accord à gauche, y compris LFI et Mélanchon, qui est à la politique ce que Delon était au cinéma, paix à son âme, à Delon bien sûr, pas à Mélanchon, qui n’est pas encore mort, ni politiquement, ni physiquement, et qui n’est pas prêt d’avoir l’âme en paix. Pourquoi pas Lucie Castets, après tout la jeune femme d’à peine 40 ans semble avoir les épaules solides et la tête bien remplie, mais pour gouverner il lui faudra aller chercher des voix dans la majorité présidentielle, un président qui pour le moment ne veut pas d’elle. Cela commence donc mal.
En dehors de Lucie Castets, les possibilités sont plus scabreuses, voire complètement saugrenues, on parle de Bernard Caseneuve, du déjà vu sous François Hollande, Valérie Pécresse, doit-on rappeler son score à l’élection présidentielle 2022, Xavier Bertrand, qui semble certes faire son trou dans le Nord mais avait perdu les primaires de droite face à Pécresse, c’est dire la capacité du bonhomme à rassembler. Emmanuel Macron pourrait nous sortir un lapin de garenne de son chapeau magique, en bon Willy Wonka de la politique qu’il est devenu, un haut fonctionnaire hyper compétent, hyper intelligent, bardé de diplômes, un technocrate comme il y en a tant au sein de l’appareil d’Etat, un choix technique diront les politologues. Un tel lapin ferait un bon perdreau, destitué en quelques semaines, tué en plein vol, éjecté avant d’avoir commencé. Moi j’ai émis un pronostic il y a quelques semaines déjà, un prono qui fait rire tout le monde autour de moi, une option dont on n’entend pas parler dans les médias : François Bayrou. Je ne dis pas que ce choix me convient, je dis simplement que Bayrou est le seul qui a suffisamment de bouteille politique, l’un des moins clivants, un tir au centre pour faire la synthèse entre la gauche, les macroniens et le RN. Le Président a reçu tous les partis à l’Elysée, les dés sont jetés, nous devrions en savoir plus en milieu de semaine prochaine.
L’actualité, c’est aussi l’attentat relativement raté à la synagogue de la Grande Motte et l’antisémitisme qui s’invite encore une fois dans le débat national. Aucune relation a priori entre ce qui se passe à Gaza et la conduite des affaires en France sauf que LFI en a décidé autrement. Les insoumis ont choisi de clamer haut et fort leur opposition à la politique d’Israël à Gaza et de soutenir les Palestiniens. Ce faisant, certains estiment qu’ils sortent de « l’arc républicain », une nouvelle expression pour définir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas d’un point de vue politique. Quand on compte 143 députés RN à l’Assemblée Nationale, un parti dont les origines sont clairement antisémites et xénophobes, on ne sait plus très bien quelle est la circonférence exacte de cet arc. Il n’empêche, pour beaucoup désormais, le RN étant rentré dans les têtes et les mœurs, c’est LFI qu’il faut abattre. La droite a d’ailleurs annoncé qu’elle demanderait une motion de censure si le prochain gouvernement intégrait ne serait-ce qu’un seul ministre issu des rangs de LFI. Ce qui complique encore davantage la tâche du Président et du futur, ou de la future, Premier.e ministre.
Ceci étant, l’avenir du monde ne dépend pas de la politique française, heureusement me direz-vous, on regarde davantage ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique où Joe Biden a fini par accepter de rejoindre son fauteuil roulant et laisser la place à Kamala Harris, sa vice-présidente. Les démocrates américains ont poussé un grand ouf de soulagement quand ils ont appris la nouvelle, vu le début de campagne catastrophique qu’avait fait le vieux Jo, en particulier lors du débat tv l’opposant à Donald Trump, qu’un descendant de Lee Harvey Oswald n’a pas réussi à descendre, tout juste lui a-t-il fait un piercing à l’oreille. Dommage ! Les chances démocrates sont cependant bien meilleures qu’il y a quelques semaines même si rien n’est fait. Il y a encore fort à faire en effet pour convaincre l’Américain moyen du Mid-West ou de la banlieue de Pittsburgh, celui qui se sent abandonné par ses dirigeants, politiques, économiques ou médiatiques, que Kamala Harris est LA solution pour remettre l’Amérique dans la bonne direction, celle du développement économique et du progrès social, progrès pour tous et non pas seulement pour une poignée de privilégiés, au fond le même problème que partout ailleurs dans le monde occidental.
Ailleurs justement, le monde retient son souffle en espérant que Poutine ne commettra pas d’acte irréparable en Ukraine, que les Israéliens ne vont pas mettre le feu à toute la région en représailles des attentats du 7 octobre, que la Chine restera loin au large de Taiwan, que le Mpox ne sera pas le prochain Covid, que les populistes ne vont pas devenir majoritaires dans la plupart des grands pays démocratiques. Bref, la rentrée politique s’annonce dense, de quoi alimenter de futurs billets d’humeur, peut-être pas d’humour.
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