# PolitiX

Somnambules

13 septembre 2024

Bruno Le Maire n’aura pas tenu dix ans sous la présidence d’Emmanuel Macron, mais c’est le ministre qui aura tenu le plus longtemps, un peu plus de sept ans pour être exact, puisqu’il est là depuis le tout départ en 2017. Lui qui a commencé sa carrière comme enseignant de littérature à Lyon il y a trente ans a semble-t-il décidé d’y retourner, on l’annonce éventuellement à Lausanne pour enseigner la géopolitique. Pas idiot l’asticot ! Il y a quelques années, quelqu’un avait demandé à ma fille ce qu’elle voulait faire plus tard, elle avait alors dix ou douze ans et avait répondu, je veux être « ingénieuse » en Suisse. Il est en effet ingénieux de vouloir travailler en Suisse, là où les salaires sont parfois double voire triple par rapport à ce qu’on paie en France pour le même job. Un instituteur par exemple, gagne autour de 4000 euros en Suisse alors qu’en France il en gagne à peine 2000. C’est toujours formidable de voir quelqu’un qui passe son temps à nous dire qu’il faut faire des économies, c’est son rôle en tant que ministre des économies vous me direz, et que donc il ne peut pas augmenter les fonctionnaires, sauf les hauts fonctionnaires bien entendu, dont il fait partie cela va de soi, qui eux culminent à des niveaux bien au delà des 4000 euros. Et quand ces hauts fonctionnaires quittent leur haut poste de haute fonction publique pour un poste plus modeste d’enseignant, fut-il en géopolitique, évidemment ce n’est pas en France, sinon l’écart avec le salaire précédent serait abyssal, mais en Suisse. Bruno Le Maire a toutefois indiqué que si cela se faisait, il continuerait d’habiter en France, sous-entendant pour payer des impôts en France. Il nous prend pour des imbéciles lui ou quoi ? Evidemment qu’il ne veut pas payer ses impôts en Suisse, ballot, ils sont plus élevés qu’ici. Il va faire ce que font les frontaliers, ils bossent en Suisse pour toucher un plus gros salaire mais restent vivre en France pour payer moins d’impôts. Sauf que lui va prendre l’avion. Il croyait nous la faire à l’envers le ministre de l’économie démissionnaire ?

Michel Barnier n’aura semble-t-il pas voulu d’un prof de lettres et romancier, auteur de plusieurs best seller pendant son passage à Bercy. Faut dire que la situation est effectivement tendue, avec 5,6% de déficit public cette année, nous avions déjà atteint 5,5% en 2023, les relations avec Bruxelles vont être compliquées car les traités nous obligent théoriquement à être au dessous des 3%. L’écart est colossal et se compte en dizaines de milliards d’économies à réaliser pour atteindre cet objectif. Face à la gauche qui veut revenir sur la réforme des retraites et augmenter les budgets publics, notamment ceux de la santé et de l’éducation, Bruno Le Maire répond dans son discours de départ en les qualifiant de somnambules. « Tout le monde réclame de l’ordre dans les comptes, personne ne propose des économies. Tout le monde veut le désendettement, personne ne soutient nos réductions de dépenses », a-t-il dit. Et il a ajouté : « Ce sont des somnambules, ceux qui proposent de dépenser toujours plus d’argent public. Ce sont des somnambules, ceux qui promettent de revenir sur la réforme des retraites sans toucher à la feuille de paye ni aux pensions et en promettant plus de pouvoir d’achat ». Cette formule est intéressante car c’est l’un des premiers ministres que j’entends parler de « feuille de paye », ce bout de papier A4 qui constitue pour la grande majorité des Français leur seul pouvoir d’achat justement. Ceux qui n’ont que le travail pour vivre, ceux qui n’ont pas de patrimoine immobilier ou financier qui leur rapporte des loyers ou des dividendes. Et la feuille de paye moyenne en France est de 2000€ en moyenne, laissez-moi vous que ça fait pas bézef et quand vous avez payé vos charges, il ne reste rien. D’ailleurs, beaucoup de ceux qui travaillent ne gagnent même pas ça, le SMIC étant à environ 1500 euros pour un temps complet. Avec 1500 euros aujourd’hui, tu ne fais rien, surtout si ton logement te coût les deux tiers ! Alors entendre un ministre qui gagne près de 20 000 euros par mois, sans parler des avantages, parler de feuille de paye qu’il faudra diminuer si on veut revenir sur la réforme des retraites, c’est difficile à encaisser. Ou à décaisser plutôt. Mieux vaut qu’il aille enseigner en Suisse celui-ci, avant qu’on n’ait plus les moyens de le payer.

Après, sur le fond il n’a pas tort Bruno Le Ministre, pardon Le Maire, on ne peut éternellement dépenser plus qu’on ne gagne. C’est valable pour un individu, un ménage ou un Etat. Il faut donc faire des économies, en effet. Tout ça, on peut le concéder. Ce qu’on ne peut pas concéder, c’est que ce soit toujours les mêmes qui se serrent la ceinture pendant qu’en haut on continue à se verser de gros salaires et recevoir 1200 personnes aux frais du contribuable pour son pot de départ du ministère. Bruno Le Maire aurait pu prendre une position exemplaire en disant qu’il allait falloir faire des économies et que cela allait commencer en haut de l’Etat. Là, cela aurait eu du style. Il se foutait bien des conséquences d’une telle déclaration après tout, puisqu’il part en Suisse enseigner la géopolitique à je ne sais quels gamins de riches où je ne sais quels cadres de je ne sais quelles organisations qui vont tous les ans non loin à Davos.

Mais non, il nous fait une Fillon à l’envers. Fillon avait dit Nous sommes ruinés en arrivant, Le Maire le fait en partant. Je pars, je vous aime mais je pars, a-t-il commencé par dire, reprenant les paroles de Sardou. Nous non plus, pour reprendre celles de Gainsbourg.

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