Kamala & Taylor vs Donald & Elon
Pendant que nous allons devoir nous contenter de Michel Barnier, qui est certes expérimenté mais aussi excitant qu’un rouleau de sopalin, les Américains vont vivre dans les semaines qui viennent l’une des campagnes les plus funky qu’ils aient connus. Il s’en est fallu de peu, remarquez, pour que ce soit le vieux Jo qui s’y colle à la place de sa vice-présidente Kamala Harris, jusqu’à ce fameux débat catastrophique du 5 mai où il ne savait plus très bien où il était. Les Américains sont des gens pragmatiques et ils ne craignent pas le ridicule, ils l’ont même inventé, alors quand ils se sont aperçus, chez les Démocrates, que finalement ça n’allait pas le faire avec Joe Biden et qu’ils passaient pour des cons, ni une ni deux ils l’ont rangé au placard et en ont sorti Kamala, qui attendait patiemment son heure. La prochaine élection présidentielle opposera donc Kamala Harris et Donald Trump, que l’on ne présente plus. On s’étonne en revanche que lui puisse encore se présenter alors qu’il est plus ou moins à l’origine d’une tentative de putch sur le Capitole et qu’il a embarqué chez lui tout un tas de documents classés secret défense. Bref, normalement, dans un pays normal, le type devrait croupir en prison. Pas aux Etats-Unis où le ridicule ne tue pas, disais-je, au contraire même, il vous distingue des autres candidats plus classiques, plus « système », Hillary Clinton a eu tort de se moquer de lui, elle en a payé le prix.
La semaine dernière a eu lieu le premier, et le dernier, débat entre Kamala et Donald, et celui-ci a pu s’adonner à son jeu favori, à savoir dire n’importe quoi, de la légalisation de l’avortement après la naissance aux immigrés qui mangent les chiens et les chats des bons Américains, Trump n’a aucune limite dans la connerie, tant que ça buzz, que ça twitte, on ne dit même plus twit puisque Twitter ne s’appelle plus Twitter mais X, que ça fasse du bruit, du clic, du bouche à oreille numérique, de la rumeur, tout est bon dans le canard, Donald, pour lui faut clairement remplacer le a par un o. Mais Kamala, un peu timide au début, ne s’est pas laissée déstabiliser, elle est restée focus, comme on dit, rappelons qu’elle est procureur de profession, une femme de dossiers, une femme solide à qui on ne la fait pas. Trump l’a bien compris, il a compris qu’il ne gagnerait pas sur le terrain du débat télé alors il a annoncé qu’il n’y en aura pas d’autre. Fin de non-recevoir, l’élection se jouera sur internet et dans les médias.
Juste après le débat, Kamala a immédiatement reçu le soutien de Taylor Swift, la chanteuse country originaire de Pennsylvanie devenue une pop star mondiale, un véritable phénomène de société, capable de remplir tous les hôtels de Lyon lors de sa venue cette année m’obligeant à dormir dans ma voiture, tsss. De son côté, Donald a reçu depuis quelques mois déjà celui d’Elon Musk, le patron fantasque de Space X, Tesla, Star Link et plus récemment de Twitter devenu X, le réseau social le plus puissant de la planète, qu’il s’est offert pour son anniversaire pour la bagatelle de 44 milliards de dollars. Trump a même annoncé que s’il gagnait, il en ferait son vice-président. Nous aurons donc une joute politico-médiatique entre deux femmes, Kamala et Taylor dans le camp des démocrates, et deux hommes, Donald et Elon, dans celui des républicains. L’Amérique raffole de ces combats hyper médiatiques à la Rocky, d’autant que sur le ring, nous avons du très haut niveau, des personnages qui savent manier le verbe et la provocation pour certains, trois milliardaires parmi les quatre, aux Etats-Unis, si t’es pas milliardaire, t’es rien.
Mais ce n’est pas juste une histoire d’argent. Certes money is king out there, mais surtout, ces quatre fantastiques qu’on croirait tout droit sortis d’Hollywood sont tellement emblématiques de l’American way of life et de l’American dream, ils incarnent tellement la Réussite avec un grand R que le show ne peut pas décevoir. Kamala, c’est la fille d’un Jamaïcain et d’une Indienne venus aux Etats-Unis dans les années 60 pour étudier à Stanford, le top du top universitaire, pour briller dans leurs domaines respectifs, l’économie pour l’un, la médecine pour l’autre. Leur fille, Kamala, suivra un parcours juridique, deviendra assistante, puis procureur, puis vice-présidente et peut-être demain la première femme présidente des Etats-Unis, excusez du peu. Taylor Swift, qu’on ne présente plus aux jeunes, c’est une carrière musicale explosive depuis son premier album country à l’âge de 16 ans, ce sont des millions d’albums vendus, chacun ayant battu tous les records de vente, des centaines de concerts dans le monde toujours archi pleins à l’avance, des droits juridiques gérés à la virgule car Taylor n’est ni une godiche ni Godrech, pas moyen qu’on abuse d’elle, ni sexuellement ni financièrement. Résultat, elle est la première artiste féminine à être devenue milliardaire grâce à son talent musical et son savoir-faire marketing, sans se faire dépouiller par des agents ou des maisons de production voraces et sans foi ni loi. Un sacré personnage cette Taylor, une vieille fille à chats comme elle dit sur X pour répondre à Donald, qui a apporté son soutien et ses millions de followers à la candidature de Kamala Harris.
Du côté des garçons, y a aussi du lourd, du très lourd même si on considère la capacité des deux lascars à secouer les cocotiers, quitte à dire n’importe quoi. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de talent, au contraire. On pourrait penser, comme ça au premier abord, que Trump est un abruti fini, une sorte de clown tout juste bon à faire le show sur les plateaux de télévision. Sauf que ce serait oublier son sens des affaires peu commun. Il est vrai qu’il n’est pas parti de zéro, que son père Fred était déjà un promoteur immobilier qui gérait et développait des milliers de logements et d’immeubles dans le New York de la deuxième moitié du XXème siècle, lui le fils d’immigré allemand qui avait fui la misère en Europe et débarqué à Ellis Island en 1885. Moins d’un siècle plus tard, son fils serait milliardaire et son petit-fils le 45ème président des Etats-Unis, quel destin tout de même que celui des Trump. Je ne suis pas fan de Donald, j’ai toujours préféré Mickey, mais je dois reconnaître que lui et ses prédécesseurs ont su mener leur barque dans le nouveau monde. Il y a tant de fils de riches qui deviennent rien du tout et se contentent de dépenser ce que leur père ou leur grand-père a mis une vie à construire. Force est de constater que non seulement Donald n’a pas dilapidé la fortune Trump, mais il l’a fait fructifier. Quant au nom Trump, il aura clairement fait ce qu’il faut pour qu’il passe à la postérité, pour le meilleur ou pour le pire, ce n’est pas à moi de le dire.
Last but not least, le dernier des Mohicans mais pas des moindres, Elon Musk est véritablement un extra-terrestre. Pas parce qu’il veut s’enfuir sur Mars, pas parce qu’il a pour cela créé sa propre entreprise spaciale mais parce qu’il n’a que quelques années de plus que moi qui suis encore jeune, qu’il est venu d’Afrique du Sud pour ses études supérieures, comme beaucoup, et qu’à partir de là, tout ce qu’il a entrepris s’est transformé en or, en platine, en tout ce que vous voudrait qui vaut cher. Il monte sa première société à 25 ans, Zip2, un simple annuaire d’entreprises, il l’a revend très rapidement pour 300 millions, puis monte une société de paiement en ligne, Paypal, qu’il revend 1,5 milliards. Puis il crée une société de voitures électrique qu’il est inutile de présenter puisque qu’elles ont désormais envahi la planète et obligé les géants allemands à revoir leur stratégie de développement. Les Chinois eux, ont bien observé et compris, résultat ils ont dix ans d’avance. Musk a tout simplement révolutionné l’industrie automobile. Puisque tout ça n’était pas suffisant, il s’est lancé dans une conquête de l’espace face à la Nasa, face aux Russes et aux Européens et a pris une place significative, centrale, dans l’industrie spatiale avec plus de 60 fusées lancées l’année dernière, contre 5 pour Ariane Espace. Il ne lui manquait plus que l’influence, qu’il pratiquait beaucoup en tant qu’utilisateur, alors il a sorti son porte-monnaie, a trouvé deux trois pièces de 20 milliards et s’est acheté Twitter, rebaptisé X, pour lui servir de porte-voix à dimension mondiale. Un atout de première importance pour Donald Trump.
Ces quatre personnages impliqués dans l’élection de novembre incarnent mieux que personne la réussite stratosphérique à l’Américaine dans ce qu’elle a de plus dingue, sky is the limit, dit-on outre atlantique, le ciel est la seule limite. Pour Musk, l’eXpression la plus appropriée serait plutôt No limit !
Non clairement, cette élection s’annonce haute en couleurs, telle une comédie sur Broadway, tel un film d’action à Hollywood. Est-ce que cela changera l’Amérique ? Sans doute que non. Pas plus qu’après l’élection de Barack Obama, ou celle de Donald, saison 1. La politique n’est qu’un spectacle, un show, une pièce de théâtre, le monde continue toujours sa route, quel que soit le ou la prochaine présidente des Etats-Unis.
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