Ministres du chaos

Je reviens sur ce que j’ai écrit précédemment dans le Barnier de Séville, il y a effectivement des ministres utiles. Utiles à quoi reste toutefois la question. Il y a par exemple des ministres qui ont pour mission de semer le chaos dans leur pays et qui mettent tout en œuvre pour y parvenir. C’est le cas notamment de Itamar Ben Gvir, Bezalel Smotrich et dans une moindre mesure de Benyamin Netanyahou, respectivement Ministre de la sécurité, Ministre des Finances et Premier Ministre en Israël. J’avais déjà évoqué les ingénieurs du chaos, ces éminences grises qui conseillent les dirigeants pour mettre le feu aux poudres afin de servir leurs propres intérêts ou leur idéologie. Ces ingénieurs sont dans l’ombre et souhaitent le rester. Et puis il y a ceux qui aiment la lumière, qui la recherche, c’est le cas des hommes politiques, qui tels des papillons de nuit, sont attirés par les projecteurs des plateaux télé afin de répandre leur propagande incitant à la haine et à la guerre.

Itamar Ben Gvir est le leader du parti ultra orthodoxe Otzma Yehudit qui milite pour l’expulsion de tous les palestiniens qui vivent en Israël, qu’ils soient considérés comme dangereux ou pas. Pour lui, tous les Arabes sont des ennemis de toute façon. Très jeune, il s’est fait remarquer pour ces opérations médiatiques visant des Palestiniens, participant à des camps d’entraînement du mouvement Kach, rien à voir avec les colo de vacances, il y est question de maniement de la mitraillette et de lancer de cocktails Molotov. Il a également longtemps assumé, comme bon nombre d’Israéliens fanatiques religieux, sa fascination pour Baruch Goldstein, cet israélo-américain tristement célèbre pour avoir tué 29 Palestiniens en 1994 qui venaient prier au Tombeau des Patriarches à Hébron, en Cisjordanie. Pour beaucoup, Goldstein est aujourd’hui un martyr et Ben Gvir a longtemps eu son portrait au mur de son salon, jusqu’à ce qu’il devienne ministre de la sécurité du gouvernement Netanyahou et qu’il retourne à cette occasion sur ce fameux Tombeau. Ministre de la sécurité, vous rendez-vous compte, pour quelqu’un qui a passé sa vie à provoquer la partie d’en face, exacerbant les tensions et menant au chaos que l’on connaît aujourd’hui, le massacre du 7 octobre, la vengeance dévastatrice sur Gaza et maintenant le bombardement du sud Liban.

Bezalel Smotrich est également l’un des grands artisans de la guerre contre les Arabes, à qui Bibi, le surnom de Netanyahou, a confié le porte-feuille des finances et de la gestion des colonies en Cisjordanie. D’emblée, on ne voit pas trop le rapport entre les deux, sauf à considérer que les finances israéliennes doivent servir à poursuivre le mouvement de colonisation, avoir mis les deux dans le même ministère est déjà une provocation en soi. Car telle est l’ambition de Smotrich, étendre le territoire Israélien bien au-delà des limites fixées par les accords d’Oslo, les purger de ses habitants arabes à qui il laisse toutefois le choix entre abandonner toute velléité d’indépendance et de droit civique ou émigrer dans un pays arabe voisin. Troisième option, moins médiatique mais largement sous-entendue par le leader politique, l’élimination. Tout ça au nom d’une idéologie religieuse extrême, une recherche de pureté identitaire, qui n’est pas sans rappeler par certains côtés l’Allemagne nazie. Là encore, l’histoire a de l’humour, noir.

Benyamin Netanyahou enfin, le chef du Likoud, la droite traditionnelle israélienne, a une très longue expérience politique et une capacité à durer malgré les attaques et les poursuites pour corruption et prise illégale d’intérêt. Pour y échapper, il devait se faire réélire et pour se faire réélire, il devait composer avec la droite ultra orthodoxe de Ben Gvir et Smotrich, de plus en plus en vogue dans un pays en proie à la peur des attentats du Hamas ou du Hesbollah. Semez le vent, vous récolterez la tempête, ces deux-là ont bien appris l’adage populaire et sont en bonne voie pour atteindre leur objectif, le chaos dans toute la région, une situation justifiant une sécurité maximal et potentiellement l’expulsion ou l’élimination de millions de civils arabes.

En face, les partisans de la paix qui défilent dans les rues de Jérusalem ou de Tel Aviv depuis des mois, des années, sont en minorité et ne peuvent rien face au déchaînement de la haine. Une haine réciproque et partagée, l’extrême droite israélienne et le Hamas étant les deux faces d’une même pièce. Chacun se nourrit de la violence de l’autre, au détriment du plus grand nombre, de part et d’autre du mur, qu’il soit des lamentations ou de séparation entre Israël et Gaza.

Alors oui un ministre peut être utile, car être utile c’est servir à quelque chose, un objectif, une cause, un combat. Qu’il soit bien ou mal, ou par delà, est autre question.

Références / Sources

Israël, les ministres du chaos, Jérôme Sesquin, Arte.tv, 2024