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Course d’orientation

14 octobre 2024

Tandis que mon fils se demande pourquoi bosser à l’école et que signifie réussir sa vie, ma fille, de un an sa cadette, doit trouver un stage de 3ème. Fan de cinéma comme son père, je lui ai proposé de le faire dans le Pathé du coin, ayant des accointances avec le directeur, elle m’a répondu, qu’est-ce que tu veux que je fasse dans un cinéma ? Pas faux, à part vendre des pop-corns ou les ramasser à la fin de la séance, il n’y a plus rien à faire dans les cinémas d’aujourd’hui, plus de projectionnistes, plus personne pour poinçonner les tickets, terminé le cinéma Paradiso ! Ok, as-tu une idée, une envie particulière ? lui ai-je alors répondu. Je voudrais travailler dans un restaurant, mais pas n’importe quel restaurant, un bon ! Pas bête la guêpe, quitte à découvrir la restauration, autant que ce soit dans de bonnes conditions. Reste à trouver le resto en question, ce qui sera peut-être l’objet d’un autre billet. Tout ceci nous renvoie vers la question, cruciale, de l’orientation. Commencer à réfléchir à l’orientation de mes enfants m’a fait revenir sur ma propre orientation. Avec le recul, 47 ans de recul, je me demande si la vie n’est pas en effet une course d’orientation, un jeu de piste, course parce qu’il faut toujours courir, orientation car il faut toujours choisir, droite, gauche, tout droit, droite, gauche, tout droit, ainsi de suite, et cela commence dès le début, dès que tes parents reviennent de la mater avec un bébé dans les bras.

La première question d’orientation qui se pose c’est crèche ou nounou ? Pour moi, ce fut nounou. Puis mes parents m’ont orienté vers l’école. Ils auraient très bien pu me garder à la maison, certains le font, l’école à la maison, quelle horreur sociale ! Je me souviens parfaitement de mon premier jour à l’école, étonnamment, la plupart des gens oublient. Moi non. Y avait des gamins qui chialaient à droite à gauche, je me demandais dans quel asile de fou j’arrivais. Puis mes camarades se sont calmés, c’était l’heure de la sieste. Quand j’étais tout petit, mon grand-père me demandait, qu’est-ce que tu fais à l’école ? Je lui répondais, on se repose ! Arrivé en CP, j’ai été orienté vers le psy car je ne montais pas les escaliers comme il fallait apparemment. La dame m’a fait mettre des cubes dans des trous carrés, je me demandais si elle allait continuer de me prendre pour un débile pendant longtemps comme ça. Comme j’ai réussi à mettre les carrés avec les carrés, les ronds avec les ronds et les triangles avec les triangles, j’ai pu être réorienté vers l’école, ouf ! A une figure géométrique près, j’allais pour de vrai à l’HP, là où un de mes copains allait être envoyé après m’avoir enfoncé son crayon à papier bien taillé dans la main. Pas toujours facile le primaire ! En CM2, j’ai été orienté dans le préau, j’avais été oublié, mon nom ne figurait sur aucune liste. Le directeur, un grand type impressionnant qui s’appelait Monsieur Henri m’a dit, bah qu’est-ce que tu fais encore là petit ? Je lui ai répondu, je n’ai pas de classe Monsieur. Bon bah, je te prends dans la mienne. C’est ainsi que j’ai été orienté dans la classe du directeur et que j’ai chopé la bosse des maths. En effet, vers le milieu d’année, voyant que j’aimais les chiffres et que je ne me débrouillais pas trop mal, il est venu me voir et m’a donné un petit carnet vert, là encore je m’en souviens comme si c’était hier, c’était il y a quarante ans. Il me dit, quand tu n’auras rien à faire chez toi, fais des problèmes de ce petit carnet. C’était un carnet de certificat d’étude qui datait de Mathusalem où il était question de baignoires qui se vident ou se remplissent et fallait trouver en combien de temps. J’ai trouvé ça marrant et j’ai torpillé son carnet en deux coups de cuillère à pot. Arrivé en fin d’année, Monsieur Henri m’a orienté en sixième avec allemand première langue. Pourquoi l’allemand, c’est nul l’allemand, j’ai dit. Et il a dit, t’occupe, fais-moi confiance, comme ça tu seras avec les meilleurs. Drôle de manière de s’orienter, ai-je pensé, mais je n’ai pas trop eu le choix en fait.

En cinquième, après l’allemand, on m’a obligé à faire du latin, une langue morte depuis des siècles dont je ne voyais pas non plus l’intérêt mais il y avait des histoires de dieux et des aventures romanesques, alors ça m’a bien plu en définitive. Et aujourd’hui encore, je me réfère souvent à l’étymologie des mots pour en comprendre le sens. Les années collèges sont passées vite, quatrième, troisième, brevet, une formalité.

En second, j’ai enfin pu choisir mon orientation tout seul et j’ai choisi de m’orienter vers la paresse. C’est pour ça que lorsque mon fils me demande pourquoi bosser à l’école, je suis un peu gêné et je dois me référer à la bonne vieille règle de tout parent qui se respecte, fais ce que je dis et pas ce que je fais, petit con ! Entre travail et paresse, j’ai choisi mon camp camarade, et ce serait la paresse. Attention, pas la paresse complète, la paresse à temps partiel, syndicale en quelque sorte, je travaille jusqu’à 10/20 et arrivé à 10 j’arrête et je me repose. Pour que je puisse continuer à dire à mon grand père qu’à l’école je me repose. Une stratégie qui ne m’a pas empêcher de continuer, première, terminale, terminale au cours de laquelle j’ai dû être absent à deux tiers des cours environ. Et comme le CPE nous avait à la bonne, nous avions réussi à rentrer dans son ordinateur pour en enlever quelques-unes, l’un d’entre-nous avait développé de sérieuses compétences de hacker. L’absentéisme néanmoins ne garantit pas le succès au bac et ce qui arriver arriva, j’ai loupé mon bac, d’un tout petit point !!! Je ne sais pas si vous réalisez ce que cela fait de rater un examen pour un ridicule point. C’est comme d’arriver sur le quai de la gare, de voir le train qui part, d’accrocher la porte et de se traler sur le quai. Le pire souvenir scolaire de ma vie, et sans doute aussi la chance de ma vie. Car j’ai compris alors que sans travail, j’allais sans doute rester sur le quai un sacré bout de temps. Alors, après la paresse, je me suis réorienté vers le travail. Cela a été difficile au début, je n’avais pas l’habitude, puis c’est venu petit à petit, après on n’y pense plus et on bosse pour réussir. L’année d’avant, si j’avais eu le bac, je serai allé en droit pour devenir avocat et défendre la veuve et l’orphelin. Lors cette deuxième terminale, j’ai découvert l’économie, j’ai aimé et je me suis orienté vers Sciences éco à la fac.

Une année, deux années, trois, puis une quatrième en Angleterre grâce au fabuleux programme Erasmus, j’étais titulaire d’une maîtrise en économie, très fier et surtout l’air d’un con car je n’avais pas la moindre idée de ce que je pouvais faire avec ça. C’est alors qu’un vieux pote ivoirien m’a dit qu’un vieux pote cambodgien était en école de commerce et qu’il avait la belle vie et qu’après il aurait un super métier bien payé. Alors j’ai fait comme mon pote ivoirien m’a dit, j’ai fait une école de commerce. Depuis le pote cambodgien est mort d’une overdose, ou d’un cancer, personne ne sait vraiment, tout seul dans son appart pourri, il n’a pas eu la belle vie, et pourtant il avait toutes les cartes en main. Quant à moi, j’ai tâché de mieux utiliser ces cartes, j’ai voyagé, j’ai rencontré un tas de gens intéressant et avec mon diplôme, je me suis rapidement trouvé un boulot. Puis je suis devenu entrepreneur, entreprise que j’ai plantée mais c’est pas grave, je me suis relevé, j’ai rebondi comme on dit, dans la pharmacie pour être précis et aujourd’hui je continue ma vie et j’écris des billets.

Pour avoir plus d’infos afin de pouvoir éclairer mes enfants, je suis allé sur le site de l’Onisep, l’office national sur les enseignements et les professions, une mine d’information pour l’orientation. Il y a tellement d’information d’ailleurs que cela n’aide pas du tout. J’ai cliqué sur Des métiers selon mes goûts et j’ai fait le quiz me permettant de trouver le métier adéquat. Résultat, ce qui en est ressorti en premier, c’est Je veux être utile aux autres. Ok très bien, mais c’est pas un métier ça, être utile aux autres. Quel métier je peux faire avec ce goût ? Je clique alors sur la fiche correspondante et je découvre les métiers qui pourraient m’intéresser, à savoir enseignant, formateur, why not, psy, assistant social, éduc spé, au secours, infirmier, kiné, puériculteur, médecin, bof non j’aime pas voir tous les bobos dégueu des gens, sans parler de l’intérieur du corps. Policier, gendarme, pompier, oui chef non chef, avocat, juge, proc, notaires, par ici la monnaie, mais bon j’aurais peur de m’emmerder rapidement. Reste enfin électricien, plombier, mécano si j’aime bien bricoler, moi j’aime bien le bricolage mais je ne suis pas sûr que le bricolage m’aime bien lui. Bref, autant dire qu’avec ce goût, si je devais m’orienter aujourd’hui, je ne serais pas très avancé.

Le second goût mis en avant par le quiz de l’Onisep, c’est J’ai le sens de la formule. Là, ça me parle et je me dis que l’Education nationale a bien fait de payer ce quiz plusieurs centaines de milliers d’euros à McKinsey car ça marche, la machine m’a bien cerné. Et là patatra, et je vous jure que c’est vrai, je cherche la fiche des métiers qui correspondent à ce goût, et elle n’existe pas. Je ne sais si elle a été oubliée ou si les gens de McKinsey ont considéré que ces métiers n’avaient aucun intérêt pour les jeunes, en tout cas, disparue, aucune fiche à consulter quand on a le sens de la formule, j’adore cette expression d’ailleurs, avoir le sens de la formule, ça claque non ? Pourtant, je peux vous en citer une palanquée de métiers correspondant à cette expression : journaliste, écrivain, avocat, politicien, diplomate, enseignant, acteur…

Je vais donc me mettre à chercher un métier où on peut être utile aux autres en ayant le sens de la formule, à 47 ans, il est grand temps que je trouve mon orientation.


Références / Sources

Onisep.fr

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