# CinémiX

BAC Nord

7 septembre 2021

J’ai dit tout le bien que je pense de François Civil dans un précédent billet et j’avais aussi traité le sujet du Cannabisness dans un autre, eh bien vous mélangez les deux, vous secouez bien fort, quand je dis bien fort, c’est bien bien fort qu’il faut comprendre, ça vous donne Bac Nord, le dernier film de Cédric Jimenez, à qui l’on doit également La French ou encore HHhH.

Alors forcément ça change des Ripoux, un film culte pour moi qui suis né dans les années 70, avec Philippe Noiret et Thierry Lhermitte. Car les Ripoux de 1984 sont des petits joueurs, et quand je dis petit, je pense tout petits petits, à côté de ceux de 2021. En 2021, on poursuit des délinquants à 200 kms/h sur le port de Marseille, on défie un type de 200 kilos droit dans les yeux qui vous dit qu’il va niquer votre mère la pute – mais tout à fait cher ami ! En 2021, on confisque la came des petits consommateurs pour payer son indic pour qu’il nous livre une pure info, par exemple une grosse livraison chez un gros dealer. En 2021, il faut être cent policiers armés jusqu’aux dents, serrés dans leurs gilets pare-balle, pour rentrer dans une cité où ils sont dix fois plus nombreux à vous attendre, cagoule sur la tête, batte de baseball à la main. Sauf que les gilets pare-balles, ça ne protège pas contre les fours à micro-onde qui vous tombent du ciel, c’est pas écrit sur la notice en tout cas.

Immanquablement, Bac Nord rappelle l’ambiance des Misérables de Ladj Li où trois flics aux méthodes de voyous se font alpaguer par des dizaines de gamins jusqu’à la bavure. Ou encore Dheepan, de Jacques Audiard, où le personnage principal éponyme, un Sri Lankais devenu le gardien d’une barre d’immeubles aux mains des trafiquants. Quand on est plongé au coeur de cette banlieue-là, quand c’est bien fait surtout, quand on se croirait sur l’épaule du héros, c’est un vrai choc, une déflagration, une balle en pleine tête pour des trous du cul comme moi, pour qui la violence se vit sur Netflix ou au ciné en mangeant des popcorns.

Dans ces cas là, on comprend aussi que le cinéma a un rôle politique majeur. Je vois d’ici le Français moyen, celui qui regarde le journal télé le soir, aller voir Bac Nord et se demander s’il n’est pas en train de rêver. Ils l’ont tourné à Bagdad ce film, se dit-il, ou dans le Bronx, ou c’est juste une fiction, totalement exagérée, voilà ce qu’il se répète en boucle en se frottant les yeux. Mais il sait bien que c’est à Marseille que la scène centrale est tournée, une véritable scène de guerre. Alors oui c’est du cinéma, oui il y a une forme d’excès propre à cette forme d’art et à l’univers du réalisateur, oui. Mais le Français moyen se dit quand même qu’il y a un vrai souci à faire respecter la loi et l’ordre dans ce pays et qu’aux prochaines élections, il votera Le Pen. Cela ne changera rien au problème mais il le fera. Le Français moyen, il n’habite pas Marseille et il n’est pas confronté à ces problèmes de trafic de stupéfiant, de délinquance et de violence extrême. Même le Marseillais moyen n’est pas confronté à ça, et heureusement. Le résultat est là néanmoins, la police passe pour une bande de tocards incapables de faire leur métier. Et on les plaint franchement.

Car la question centrale est celle-ci, posée par Greg, le personnage joué par Gilles Lelouche dans le film. A quoi on sert ? demande-t-il à son chef. A quoi sert la police dans les quartiers nord de Marseille ou tout autre environnement présentant les mêmes caractéristiques hostiles ? Que peut-elle faire au juste ? Avec quels moyens, quelles méthodes ? Ces trois-là utilisent le système D car on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre figurez-vous. Ils sont plus que limite. La limite, ils l’ont franchi il y a belle lurette. Pour payer l’indic, il faut du cash ou de la dope, le sourire de la crémière ne suffira pas et la menace du bâton encore moins. Mais quand l’IGPN, la police des polices comme on dit, s’en mêle et que la hiérarchie n’a rien vu, rien entendu et ne soutient personne, des têtes doivent tomber. Telle est la morale de cette histoire, quand on est dans les clous on n’arrive à rien et on s’en prend plein la gueule, et quand on sort des clous, pareil, on n’en prend plein la gueule.

Alors je vais répondre à ta question Greg. A quoi vous servez, c’est ça ? Vous servez à remplir des tableaux Excel avec des petites statistiques dedans qui atterrissent au ministère de l’intérieur, puis sur le bureau du ministre, puis sur celui du Président, puis à la poubelle. Voilà, c’est pas compliqué. Tu as fait ce métier pour jouer aux gendarmes et aux voleurs, ou aux cowboys et aux indiens, eh bien sache que dans cette histoire-là, ce sont les indiens qui gagnent.

Par contre, juste une question à Cédric Jimenez, le réalisateur, pour terminer ce billet. Dans la grande scène, pourquoi un type poursuivi par la police courrait comme un dératé pour aller se planquer précisément là où il y a tout le fric, la came, ses potes, etc…. bref le dernier endroit où il faut aller. Mais si, il y va, il y fonce le débilos et là mince, il se fait serrer la main dans le pot de confiture, et toute la bande avec. Dis-donc, tu les prends vraiment pour des cons les trafiquants, Cédric ! Fais gaffe à toi quand même 😉

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