# CitizenX

C’est dur la culture !

22 avril 2021

Je voulais rendre hommage à mon grand-père. Du côté de ma mère, on était facteur de père en fille, comme je l’évoquais dans le post Le fils de la factrice. Du côté de mon père, on était paysan. Mon arrière grand-père était paysan, mon grand-père était paysan, mon père avait fui l’agriculture pour rejoindre « la ville » mais j’ai passé tous les étés de mon enfance dans la ferme de mes grands-parents.

Mon grand-père me disait souvent, tu sais gamin, c’est dur la culture ! Il disait aussi : « ptit bonhomme tchi pomme », je n’ai jamais trop su ce qu’il voulait dire par là, peut-être quelque chose comme t’es un petit bonhomme haut comme trois pommes, lui qui faisait encore son propre cidre et son calva. Il avait son patois et son humour également. Plus tard, hospitalisé pour un problème de prostate, il me dit, voyant mon inquiétude, « ne t’en fais pas, je vais reprendre du poil de la bite ». Et nous avons rit comme deux bossus. C’était ce genre là mon grand-père, un cultivateur cultivé, qui lisait tous les jours le journal, tous les jours, jusqu’à son dernier. Il notait aussi les principaux évènements de la journée dans un petit carnet, tous les jours pendant des dizaines d’années. Il m’interrogeait sur ce que je faisais de beau à l’école, et moi je lui répondais :  » on se repose pépère ! « . Et il riait. Je me reposais en effet (j’étais en marternelle hein) et je dessinais le cabinets de mon grand-père au fond du jardin sous le regard amusé de la maîtresse. Il était déjà écolo sans le savoir mon grand-père.

C’est dur la culture ! Mon grand-père était né en 1919, au lendemain de la Grande Guerre. Il était né dans la ferme familiale et y avait grandi aux côtés de ses quatre frères et de sa soeur. Très jeune, il avait aidé son père à labourer les champs avec une charrue et un cheval, semé et moissonné à la main, rempli des charrettes de foin, tirées par le même bon vieux cheval, ou l’un de ses descendants. Il y eu la Seconde Guerre mondiale, la ferme fut en partie bombardée et détruite. Des poutres avaient bien failli s’écrouler sur leurs têtes mais la chance était de leur côté et personne ne périt pendant ces années terribles.

Il reprit l’exploitation familiale et connut le développement de l’agriculture moderne : premier tracteur, premières machines agricoles, début de l’utilisation de produits phytosanitaires, acquisition de nouvelles terres. Avec le recul, on peut condamner les pesticides et l’agriculture intensive mais à l’époque, c’était un progrès, c’était Le progrès, le sens de l’histoire même et il y participait. Il était fier de sa petite réussite, mon grand-père. Il avait connu des années difficiles, deux guerres sanglantes et vivait à présent une sorte d’âge d’or, les trente glorieuses. Mais ne nous y trompons pas, même aidé par les machines et les produits chimiques, la culture ça restait dur.

Alors quand je lis dans le rapport de la Convention Citoyenne sur le Climat des propositions telles que Développement de l’autoconsommation (PT 11.3), je ne peux m’empêcher de penser à lui. Je nous vois labourer notre lopin de terre avec notre cheval et se dire, c’est dur la culture !

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