Chambre 2806 : Dodo le retour
Il y a quelques semaines, DSK était de retour sur les écrans. Ils sont forts chez Netflix, et Djalil Lespert (1), également. Des vues du ciel de Manhattan, des confidences exclusives d’agents de la CIA, du FBI, des juges, des experts, des images de caméras de surveillance… tout ça pour DSK ! Bienvenue dans la Chambre 2806. Un peu plus et on voyait Bruce Willis débarquer au Sofitel façon Die Hard et dire à Strauss-Kahn, magne-toi mec, l’hôtel est pris d’assaut par une bande de terroristes, ils vont tout faire péter, faut se tirer de là Dominique ! Bon, t’es gentil Brousse, mais je sens que j’ai une touche avec la femme de ménage de l’hôtel, viens pas me casser la baraque au moment où je vais conclure.
Bon je délire, mais je maintiens qu’ils sont forts chez Netflix, avec une histoire tout ce qu’il y a de plus banal, un homme blanc ventripotent abuse d’une femme noire dans un hôtel. C’est vrai que le gros en question, c’est pas n’importe qui, c’est le big boss du FMI, le Fonds Monétaire International, le gars qui peut dire à des pays entiers, soit 1/ vous avez de la chance, j’ai un peu de ronds pour vous, à qui j’envoie le chèque, soit 2/ vous aurez que dal les mecs, vous êtes trop nuls, démerdez-vous ! C’est ce qu’on appelle avoir du pouvoir en effet. Pas besoin pour autant d’en faire une série, le type tu le fous en salopette orange, orange is the new black apparemment, et tu l’envoies en taule. Voilà c’est réglé. C’est en tout cas ce qui t’arrives si tu ne t’appelles pas DSK et que ta femme n’est pas pleine aux as. En même temps, pour une fois que c’est la femme qui est pleine aux as, les féministes peuvent apprécier la modernité de la situation.
Mais avec Netflix, n’importe quelle histoire devient palpitante. On y est, on vit le truc en live, on est à côté de Domi dans la douche, on est dans la même salopette que lui, on est mal rasé comme lui et on tire une tronche de dix pieds de long comme lui, on survole New-York en drone – pas comme lui, non pas là non ! Et on refait l’enquête de A à Z.
Quand on apprend que Nafissatou est entrée sur le territoire américain en prétendant avoir été violée, une scène de viol qu’elle décrit à peu près de la même manière que celle qu’elle semble avoir vécue avec DSK, et elle même reconnaît avoir menti et s’être entraînée à simuler avec une cassette enregistrée par une relation, une autre femme qui a peut-être vraiment été violée, elle, on se dit, ouh là, pas très crédible comme victime. Et elle continue à faire beaucoup de cinéma devant la caméra de Lespert tout en avouant qu’elle s’est entraînée à simuler autrefois. Question : combien a-t-elle été payée par Netflix pour sa participation à cette série ? Question légitime tout de même. Tout est une question d’argent, aux Etats-Unis plus qu’ailleurs. Nafissatou a accepté de retirer sa plainte moyennant un chèque de plusieurs millions de dollars – finito, plus de viol, tout le monde rentre chez soi !
Quand un peu plus loin, on voit les agents de la sécurité se congratuler suite à la confession de la femme de ménage, on continue de s’interroger ? Que célèbrent-ils ces deux là, qu’une bonne de l’hôtel s’est fait violer ? Curieux ! Un représentant du Sofitel évoque un match de baseball, non mais de qui il se moque celui-là ?
Quand on réalise que la chaîne d’hôtel Sofitel fait partie du groupe Accor et que le responsable de la sécurité du groupe de l’époque était un proche du pouvoir, Sarkozy pour ne pas le nommer, et que DSK était l’unique adversaire potable face à lui dans le cadre de l’élection présidentielle française qui arrivait, que Sarkozy lui-même sera nommé quelques années après au conseil d’administration d’Accor, on fait comme tout le monde, on crie au complot !
Après les premiers épisodes, on se dit, donc, que DSK a été victime d’une machination, plutôt bien orchestrée d’ailleurs, visant à l’écarter définitivement de l’élection présidentielle et plus généralement de la vie politique.
Mais arrive la seconde partie de la série avec pour commencer Tristane Banon, une jeune journaliste qui confie face caméra avoir été « forcée » quelques années avant l’affaire du Sofitel, à avoir un « rapport sexuel » avec le député qu’était alors DSK. En réalité, appelons les choses par leur nom, il s’agissait clairement d’un viol ! A ce moment, l’histoire vire au vaudeville car on voit notre petite tristoune faire le tour des plateaux télé parisiens, celui de Thierry Ardisson en tête, toujours dans les coups les plus sulfureux celui-là, expliquant avoir été abusée par Strauss-Kahn et tout le monde rigole, trinque et en redemande. Là on hallucine un peu il faut bien le dire. Mais ce n’est pas tout, on apprend que la mère de Tristane Banon avait aussi couché avec DSK, de plus en plus cocasse cette histoire.
Et puis, d’un coup d’un seul, on ne rigole plus. Même Baffy aurait du mal à alléger l’ambiance. Arrive le coup de grâce, le témoignage qui vient achever Dodo la saumure, celui d’une escort girl, terme plus chic que prostituée, qui raconte une scène au cours de l’une de ces soirées organisées au Carlton de Lille pour notre invité de luxe. Celle-ci nous confie, on sent que l’émotion est encore vive, que DSK est arrivé dans la chambre, s’est désapé et a voulu entamer une position qui, comment dire pour rester correct, ne plaît pas nécessairement à tout le monde. La fille refuse, lui dit qu’elle ne veut pas faire ce genre de pratique, mais lui ne l’entend pas de cette oreille et poursuit sa manoeuvre. L’émotion surgit, ruisselle. On comprend que là encore, il s’agit d’un viol, que le type en est coutumier, que le type ne comprend pas que, comme dans la chanson Balance ton quoi d’Angèle, quand une fille dit non, c’est non, n’en déplaise à Pierre Niney (2). Ce type, cet enfoiré de première, ce salaud qui mérite la prison et la cure de désintox, c’est notre DSK national, international même, notre ex-futur président, le gars pour qui j’allais voter avec enthousiasme. Ouf ! On l’a échappé belle !
Ceci dit, à la place, on a eu Flamby, le bouquin de Trierweiler, les sans dents, le scooter et Julie Gayet. La politique c’est fantastique, le caoutchouc super doux…
Cette affaire DSK a tout de même eu un mérite majeur, convenons-en, c’est qu’elle a permis de délier les langues, faire ressortir au grand jour le traumatisme de nombreuses femmes, connues ou inconnues, qui se sont réunies autour de mouvements comme Me too ou Balance ton porc, un coming out général qui se poursuit encore aujourd’hui avec les révélations récentes sur Olivier Duhamel, PPDA, Richard Berry, Marc Pulvar… la liste est longue et en cours de rédaction. Alors les filles, au moins pour ça, on peut dire merci à DSK non ? Non je plaisante bien sûr ! Tu sais quoi dodo, va te faire enculer, comme ça tu verras ce que cela fait.
C’est dit.
(1) Djalil Lespert est un acteur et réalisateur français à qui l’on doit notamment la série Versailles.
(2) Comme d’habitude, Pierre Niney joue tellement bien son rôle dans le clip Balance ton quoi, que je vous invite à le revoir.
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