# Monsieur X

Citizen O.

30 août 2021

Il y a des vies comme la mienne avec un O, comme ordinaire. Salarié, provincial, classe moyenne, hétéro en couple, deux enfants, un garçon, une fille, deux chats, un lapin, un hamster, un poisson à la couleur indéfinissable, une maison, un crédit sur 25 ans pour la rembourser, un monospace payé à crédit également et plusieurs vélos, payés cash. Ceci dit, je ne me plains pas du tout de ma vie ordinaire à laquelle je trouve en définitive beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. Il y a des vies ordinaires disais-je et il y a des vies extra-ordinaires, avec un O, comme Onassis.

Cela fait près de dix ans que je vais en Grèce et je ne m’étais jamais vraiment intéressé à Aristote Onassis jusqu’à ce que je m’achète un tee-shirt avec sa trogne dessus, ses lunettes noires et son gros cigare.

Quelle vie que celle d’Onassis ! Vous me direz, facile d’avoir une vie extraordinaire quand on est milliardaire et facile de devenir milliardaire quand votre père est lui même extrêmement riche. Et je vous répondrais que vous êtes complètement à côté de la plaque concernant Aristote Onassis. Certes son père était un très riche négociant de tabac de Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie) au début du XXème siècle, l’homme le plus riche de la ville et l’un des plus riche du pays à l’époque. Mais ça, c’était avant 1922, quand les Turcs décidèrent de chasser les Grecs qu’ils ne pouvaient pas éliminer ou envoyer dans des camps de travail, Auschwitz avant l’heure. La moitié de la famille Onassis fut exterminée mais Aristote parvint à s’enfuir en Argentine.

A Buenos Aires, il vit de petits boulots pour survivre puis se lance à son tour dans le négoce de tabac en revendant les ballots de tabac que son père lui envoie depuis Athènes. Mais passionné par les bateaux et sentant le développement futur du fret maritime d’une part, et du pétrole de l’autre, il investit ses premiers gains dans le rachat de cargos au gouvernement canadien. En 1934, ce séducteur impénitent se marie une première fois avec Ingeborg Dedichen, dont le père est un riche armateur suédois. Clairement, vu le pédigrée et la malice du loustique, on n’aurait été surpris d’apprendre qu’il avait convolé avec la fille du boulanger ou du puisatier, n’en déplaise à Marcel Pagnol. Grace à ce mariage arrangeant, il fait construire le plus gros navire pétrolier de l’époque. La carrière du jeune homme est lancée et l’explosion des échanges mondiaux après la Deuxième guerre mondiale feront bientôt de lui un homme riche, bien plus riche même que ne l’était son père à l’époque de Smyrne.

Mariages et business faisant toujours bon ménage chez Onassis, il se marie en 1946 avec Athina Livanos, la fille d’un des plus grands armateurs grecs, avec qui il aura deux enfants, Alexandre et Christina.

Les affaires continuent de se développer, l’argent d’affluer par milliards, Aristote vit la grande vie et fréquente la jet set mondiale qu’il invite régulièrement sur son immense yacht, le Christina O. ou sur son île privée de Skorpio. Il sait que toutes ces célébrités le fréquentent pour son argent mais cela ne le dérange pas. Il n’a aucun problème avec l’argent. Il est un homme d’argent, il le sait, l’assume et le vit très bien. L’aimer pour son argent, c’est l’aimer lui. Ainsi soit-il. Ainsi sera-t-il l’amant de Maria Callas, puis de Jackie Bouvier, qu’il épouse quelques années après la mort de son président de mari, JF Kennedy, en 1968.

Mais croiser le destin maudit des Kennedy ne fut peut-être pas sa meilleure idée. Le 22 avril 1973, son fils Alexandre, alors âgé de 25 ans, se tue au décollage de son hydravion privé à Athènes et sa fille Christina mourra quelques années après, à seulement 38 ans, d’une crise cardiaque. Toutes les grandes sagas comportent des évènements dramatiques, les Onassis n’ échappent pas à cette règle.

Onassis, où l’histoire d’un môme de Smyrne qui échappa au massacre des siens et devint l’un des hommes les plus riches du monde, quelle aventure tout de même ! Lorsque le milliardaire Charles Foster Kane s’éteint seul dans son château, il prononce dans un dernier souffle « Rosebud ». Que signifie ce « bouton de rose » prononcé sur son lit de mort ? Tel est le fil conducteur du premier film d’Orson Welles, Citizen Kane. Si vous n’avez pas vu le film, je ne vous dirais pas de quoi il s’agit. J’ignore ce que furent les derniers mots d’Onassis, mais je constate avec Welles, qu’on ne guérit jamais vraiment de son enfance.

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