God save the queers

« Diversity wins », peut-on lire sur l’avion qui a emmené la Mannshaft, l’équipe allemande de football, au Qatar. La diversité gagne et comme le chante le groupe ABBA, The winner takes it all, le gagnant rafle tout.

Il y a des signes qui n’augurent rien de bon, comme la remise en cause ici et là du droit à l’IVG, et puis il y a des signes qui au contraire prouvent que nos vieilles sociétés occidentales ont acquis une ouverture d’esprit qui résiste au rétro pédalage historique, et pas uniquement chez les bobos gauchos tantôt écolos tantôt pas trop, dont accessoirement je fais partie.

Un de ces signes, c’est le succès partout en France du spectacle de cabaret God save the Queers. Un petit jeu de mot en référence au fameux God save the Queen, notons au passage que celui-ci (God) n’a manifestement pas réussi sa mission cette année puisque Elisabeth nous a quitté il y a peu. Queen a donc été remplacée pour les besoins de ce spectacle burlesque par Queers, qui signifie pédés, je le précise pour ceux dont le niveau d’anglais ne dépasserait pas celui de François Hollande et Nicolas Sarkozy réunis. Remarquez, Queen c’est aussi le nom du groupe de rock anglais le plus populaire de tous les temps, eh non ce n’est ni les Beatles ni les Stones contrairement à ce qu’on pourrait penser, un groupe dont le chanteur vedette (Freddie Mercury, est-il utile de préciser ?) était gay et mourut du sida, comme il se doit dans ces années-là.

Tout ça pour dire que 40 ans après la loi dépénalisant l’homosexualité en France (1982), bien que certains affirment que cela date de 1791 puisque la Révolution française décriminalise alors les relations homosexuelles, je suis heureux de voir qu’un spectacle de drag queens, aussi appelés travestis, fasse un carton dans toute la France et pas seulement dans le Marais ou à Montmartre, ni exclusivement auprès du public gay, puisqu’on peut y croiser tout le monde, des enfants, des parents, des grands-parents, des homos quand même un peu forcément mais surtout des hétéros. Vous me direz que le cabaret n’est pas une idée nouvelle, que Michou a organisé chaque soir des soirées cabaret pendant des décennies, quelle différence cela fait-il ? Certes, chers amis, certes, mais jamais Michou n’a osé partir en tournée avec sa joyeuse troupe, peut-être de peur de se faire lyncher par les habitants de la province. Or la province a évolué et Paris n’a plus le monopole de l’ouverture d’esprit. Il est vrai néanmoins que ce show est la version live de Drag Race France, une émission de télé diffusée en juin dernier sur TF1, un concept lui-même repris d’une émission américaine à succès intitulée RuPaul’s Drag Race. TF1 a permis de tester le concept avant de le lancer sur les routes de France en version cabaret. Mais même avec la puissance de TF1, il fallait oser partir en tournée avec ce type de divertissement qui n’est pas du goût de tout le monde. Tout le monde non, mais suffisamment de monde en tout cas pour remplir les salles et faire tellement de bruit que les organisateurs ont dû plusieurs fois baisser le son des ampli pour ne pas dépasser les normes autorisées, c’est dire l’ambiance de folie, ma bergère.

Au delà de l’anecdote, il me semble en effet que c’est le signe que notre société, que l’on sait tentée par le repli sur soi et le vote extrême, n’est pas en si en mauvaise santé mentale qu’on nous le chante. La société française est en réalité bien plus tolérante et bien plus ouverte qu’il y paraît. Il est vrai que sur certains sujets, tels que par exemple la fin de vie volontaire ou la prostitution, il semble impossible de débattre et avancer. Pour le moment, les gens qui veulent mourir ou aller voir une pute sans culpabiliser et ailleurs que dans une camionnette rouge sont priés d’aller en dehors de nos frontières, en Suisse ou en Belgique pour les premiers, en Allemagne, Espagne ou Pays-Bas, entre autres, pour les seconds. Mais sur la liberté sexuelle, nous avons progressé, les couples de même sexe peuvent désormais se marier et bientôt, sans aucun doute, ils pourront avoir le droit d’élever une famille sans aller chercher une solution, encore une fois à l’étranger. Patience.

La coupe du monde au Qatar, un pays qui réserve un sort assez radical aux personnes homosexuelles et à tous ceux qui ne baisent pas droit, est l’occasion pour nous les pays occidentaux, et en particulier les pays d’Europe de l’ouest, d’affirmer nos valeurs en matière de respect des droits humains, pour tous, qu’on soit L pour lesbienne, G pour gay, B pour Bi, T pour trans, Q pour Qatar – oups pardon ! – Q pour queer, I pour intersexe, A pour asexuel ou + pour tous les autres.

Alors God save the queers in Qatar ! Que dieu protège les pédés du Qatar !

Référence

Drag Race France, spectacle de drag queens, TF1, juin 2022