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Il va nous manquer

16 juin 2024

Ainsi s’est exprimée Marine Le Pen lors d’une rencontre à Bruxelles avec des collègues européens de l’extrême droite. Félicitations ! lui ont-ils dit en substance, bientôt au pouvoir grâce à Emmanuel Macron, en rigolant de bon cœur. La scène est hallucinante, de quoi rendre fou de rage un gauchiste. Et elle de répondre, il va nous manquer celui-là ! Elle signifie avec humour que le président de la République lui aura bien facilité les choses, d’abord en énervant les Français avec des sujets mineurs tels que le prix de l’essence, la limitation de la vitesse sur les routes, deux sujets de crispation qui ont suscité le mouvement des gilets jaunes, puis la réforme des retraites passée aux forceps, les reformes du chômage, j’en passe et des pires, le tout dans un contexte post covid de stress intense et généralisé, tout comme l’inflation ridiculement élevée qui a fortement détérioré le pouvoir d’achat du plus grand nombre, en tout cas ceux qui ne vivent pas de leur capital, financier ou immobilier. Car dans le même temps, le CAC 40 a retrouvé les sommets et l’immobilier ne les a jamais quittés. Tout cela a fait dire à certains que Macron était le président des riches et de la finance, après-tout c’est un ancien banquier de Rothschild, on ne peut pas jouer les surpris. Hollande avait dit que l’ennemi c’était la finance, il a engendré un président de la finance, il y a les discours et il y a les actes, il ne faut jamais l’oublier. En marche d’accord, de là à servir de marche pied à l’extrême droite, il y a un gap qu’il aurait été appréciable de ne pas franchir. Quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron et son staff de joyeux stratèges pour qu’ils décident de dissoudre l’Assemblée Nationale suite à cette élection européenne pour le moins ratée il faut l’avouer ?

Les spécialistes du droit constitutionnel disent que ce gouvernement aurait tôt ou tard été renversé, en devançant les choses, EM reste le gardien de l’horloge, il maîtrise le calendrier et poussent ses adversaires à la faute. Mais qui sont ses adversaires au juste ? On se le demande. Si son adversaire principal, c’est le RN, eh bien il s’agit d’une erreur car ils sont prêts depuis des mois au Rassemblement National, un plan a été imaginé il y a un an déjà, le plan Matignon justement, et les armées sont en ordre de bataille. Par contre en face, à gauche, je vous l’accorde, c’est l’impréparation totale. Et pour cause puisqu’il ne s’agit pas d’une formation politique unique mais de cinq, six, sept mouvements relativement immobiles… bref toute une ribambelle de beaux parleurs plus ou moins légitimes qui doivent faire avec l’arrivée nouvelle de Raphaël Glucksman et l’ego démesuré de Jean-Luc Mélenchon, le grand manitou de la France Insoumise. Voilà une belle armée mexicaine, qui si le peuple de gauche ne se mobilise pas plus que d’habitude, ne rencontrera pas le succès escompté, en tout cas pas de quoi empêcher le RN de gouverner.

Les esprits tordus prêtent à Emmanuel Macron la stratégie de vouloir donner le pouvoir au RN pour les griller lors des prochaines présidentielles. Un pari pour le moins risqué et coûteux démocratiquement car à quoi vont ressembler trois ans de gouvernance nationaliste. Il va y avoir des manifestations et des blocages à tous les niveaux, sans parler de possibles guerres civiles locales, en particulier dans les quartiers chauds des grandes villes. Cela va coûter un fric monstre, comme à chaque fois qu’il y a des émeutes. On oublie trop souvent de dire le coût de tels évènements violents. Macron s’en fout lui, son job est assuré, il a déjà dit qu’il ne démissionnerait pas, et sa rémunération tout autant. Qu’il fasse du bon ou du mauvais boulot, il est payé pareil. C’est la prime à la connerie non ? Ce n’est pas le Président qui paiera les dégâts, ce sera les mêmes, toujours les mêmes, les usagers, les commerçants qui se font détruire la vitrine ou piller, les manifestants et les policiers blessés, bref un bien beau bilan de milieu de mandat Monsieur le chef d’Etat !

Dans ce tourbillon politique qui voit les carpes et les lapins de gauche s’unir, la droite traditionnelle se déchire avec son premier représentant et président du mouvement se rallier officiellement au RN sans avoir consulté qui que ce soit, se faire jeter de son siège par le comité de direction puis remettre en place par le tribunal administratif. Un beau bordel à droite, peut-être pire qu’à gauche. Si c’était ça l’objectif d’Emmanuel Macron, foutre le bordel en France, on peut dire que l’objectif est atteint. On peut même affirmer qu’avec Jordan Bardella, ce sera le bordel là ! On peut même dire que Macron a développé une certaine compétence pour mettre le feu aux poudres. Alors pour une fois, mais pas deux si possible, je rejoins Marine Le Pen, il va nous manquer celui-là ! Signifiant me concernant qu’il ne nous manquera pas, c’est ce qu’on appelle une anti-phrase.

Le résultat le plus probable de cette élection législative anticipée, et surtout précipitée, est que le RN l’emporte sans majorité absolue, avec derrière lui Renaissance, un parti qui ferait bien d’arrêter de renaître pour se contenter de mourir, et le nouveau Front Populaire de 2024. Se souvient-on d’ailleurs à ce propos qu’en dehors des congés payés et quelques avancées sociales certes intéressantes mais pas significatives, le Front Populaire de 1936 fut un échec, ramenant la droite au pouvoir rapidement après et la suite on la connaît, une guerre, une étrange défaite diront les uns, une raclée magistrale diront les autres, et Leon Blum fut déporté avec des millions de juifs. Je ne suis donc pas certain que la référence était si opportune mais bon, laissons cela de côté. Le RN va l’emporter, pas de manière aussi spectaculaire que prévu, un groupe Renaissance, un groupe Front Pop donc et quelques indépendants de droite, extrême droite, gauche, extrême gauche et nous seront revenu à la case départ, une Assemblée bloquée avec un gouvernement RN dirigé par le benjamin de l’étape Bardella, qui devra apprendre à faire joujou avec ses jouets constitutionnels avant de s’en servir. Ce sera de nouveau le recours au 49.3 en veux-tu en voilà, des députés qui se déchirent, ou qui se foutent sur la gueule comme en Italie, selon les jours, bref un bel exemple de démocratie apaisée et adulte, De Gaule avait un terme pour cela, peut-être un peu trop léger et éculé, la chienlit !

Parlons un peu du fond. Selon moi, le problème de la gauche, c’est qu’elle ne s’intéresse pas aux problèmes des gens, qui les expriment pourtant de manière claire d’élection en élection. Quand on lui parle d’immigration, la gauche détourne le regard et répond contrôle au faciès et discrimination. Quand on lui parle de trafic de drogue, elle répond légalisation. Quand on lui parle d’ordre, elle répond fraternité. Bref, la gauche botte en touche sur les sujets qui la dérangent au lieu d’y apporter des solutions. Mais la réalité du peuple dépasse la fiction intellectuelle des politiques. Vous avez beau détourner le regard, faire comme si de rien était, les problèmes restent et s’aggravent. Les gens en ont marre, même ceux qui votaient auparavant à gauche, alors soit ils s’abstiennent par dégoût de la politique, soit ils votent RN ou Reconquête, c’est à dire Le Pen dans tous les cas. Jean-Marie doit jubiler, la relève est assurée.

Le problème de la droite, traditionnelle s’entend, et je mets le Président dedans bien qu’il ait fait parti d’un gouvernement de gauche auparavant, c’est qu’elle veut de l’ordre et du travail mais nie complètement la précarité de plus en plus grande d’une partie de plus en plus grande de la population. Ils pensent qu’il s’agit surtout d’une bande de fainéants incapables de traverser le trottoir pour trouver un travail et s’acheter un beau costume cravate. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, vous savez très bien qui c’est et si vous estimez que c’est une caricature de la droite, vous conviendrez peut-être aussi qu’EM s’est contenté de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Les mots dépassent parfois la pensée, ou alors ils la trahissent, d’où la réforme de l’assurance chômage vers toujours moins d’indemnité, toujours plus de contrainte. L’idéologie n’a pas changé depuis sa campagne de 2017. Pour faire simple, la droite veut simplement que les gagnants de la mondialisation puissent dormir tranquille et les perdants ferment leur gueule et aillent bosser. Estimez que je caricature si vous voulez, voilà en tout cas ce que je pense et ce pourquoi bon nombre de gens s’en détournent car malheureusement les perdants de l’histoire sont de plus en plus nombreux et les gagnants de moins en moins nombreux mais de plus en plus gagnants. Toutes les statistiques montrent cet écart grandissant entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont peu ou rien, et au milieu vous devez être malin pour raccrocher le pont où il y a les chaloupes sous peine de rester sur le Titanic avec les troisièmes classes pendant qu’il coule. Pour eux, c’est plutôt le Tita-nique ! Moais bof cette vanne, j’avoue !

Depuis des années, on est en train de monter les gens les uns contre les autres alors qu’un consensus est possible. Car que veulent les gens au fond ? Les gens veulent des choses simples. Ils veulent de la sécurité, électeurs de droite comme de gauche, ceux qui disent le contraire sont des ecrocs de la politique, ils veulent de l’ordre mais aussi de la liberté, ils veulent de la justice sociale, ils veulent que les riches contribuent, ce qu’ils font déjà, mais pas assez car ils peuvent optimiser, ils veulent que les pauvres n’abusent pas du système de protection sociale, ils veulent des services publics qui fonctionnent, des hôpitaux, des écoles, des tribunaux, des prisons, des espaces verts. Les gens veulent un avenir durable. Mais je crois que ce que les gens veulent le plus en matière politique, c’est des responsables politiques sérieux, exemplaires, c’est à dire qui montrent l’exemple. Et s’il faut faire des économies, qu’ils commencent par se les appliquer, à leur salaire, leurs avantages, etc. Vous ne pouvez pas demander à smicard de faire des efforts quand vous êtes payés 7000, 10000, 20000 euros par mois pour débiter des conneries et enfiler des perles, quel que soit votre niveau d’étude et de responsabilité. Les gauchistes appellent ce genre de raisonnement, celui que je viens de faire à propos des rémunérations et avantages des élus et hauts fonctionnaires, du populisme. Moi je leur réponds que c’est du bon sens. Si le budget se réduit, le chef doit montrer l’exemple et réduire son train de vie. Sinon quoi ? Sinon on est où là ? On est au XIXème siècle, on est chez Hugo, chez Zola, les bourgeois (publics, privés) se gavent et le peuple travaille et ferme sa gueule. C’est ça le plan ? Non messieurs, mesdames les bien pensants de gauche qui ont amené le RN là où il est, penser que les politiques doivent montrer l’exemple, notamment en matière de rémunération, car la rémunération n’est pas un sujet anecdotique, tout le monde connaît sa propre rémunération, ses indemnités et s’intéresse à celles des autres pour être certain de ne pas se faire avoir, les femmes en particulier, ce n’est pas du populisme que de le dire et de l’exiger, c’est du bon sens et de la décence. Continuez à vous gaver et à insulter les électeurs, ils vont le rendront, dans les urnes.

De toute façon, quel que soit le résultat du scrutin au soir du 30 juin et du 7 juillet, le mal est déjà fait puisqu’on en est là aujourd’hui. Qu’on le veuille ou non, le RN est dans la place et compte bien y rester, diviser pour mieux régner. C’est une formule de Philippe de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand. Aujourd’hui, quinze siècle après, c’est nous les Français qui sommes dans la Macédoine.

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