Je ne perds jamais
Il y a cinq ans, j’étais allongé sur un lit d’hôpital au CHU. J’avais choppé une pneumopathie, une cousine du Covid, qui m’avait flingué la respiration et cloué le bec. Je n’en suis pas mort, mais j’avoue que je me suis demandé ce qu’il m’arrivait. Surtout, heureusement pour moi, c’était au mois d’août et c’était les JO de Rio. Mon voisin de chambrée, un type de 80 et quelques années à qui on avait trouvé un double cancer poumons cerveau, un mois avant il était sur le GR 20 en Corse, le pauvre, n’en pouvait plus de la télé. Alors on avait trouvé un accord. Je pouvais regarder les JO autant que je voulais mais sans le son. Deal !
Ancien basketteur mais du genre touche à tous les sports, je voulais tout regarder mais gardait un oeil concentré sur les matchs des bleus de Tony Parker. Jusqu’à ce terrible quart de finale face notre ennemi juré de toujours, l’Espagne. Et là, ma respiration fut coupée une fois de plus et mon sang a coulé. Véritablement, je veux dire. J’avais subi un peu plus tôt dans la journée une coronarographie, une intervention consistant à aller examiner votre coeur depuis l’intérieur en passant par l’artère du poignet. Pour ce faire, ils font un gros trou afin de laisser passer l’endoscope, trou que l’on presse ensuite avec un poignet en plastique quand l’opération est terminée. Moi, j’avais réussi à convaincre l’infirmier de me l’enlever prématurément car cela me faisait affreusement mal. Il accepta sous condition que je ne lève pas le bras. Mais dans la folie de cet quart de finale historique, je ne pensais plus à rien d’autre qu’au jeu et m’énervait devant mon écran silencieux. Ce qui devait arriver arriva. La cicatrisation lâcha et je perdis du sang par gros bouillons via mon poignet troué. Le plus étonnant, c’est que je ne m’en suis pas aperçu tout de suite, comme quoi le suicide par incision des veines, ce ne doit pas être si douloureux que ça, du moins pas au début. Ce n’est qu’après quelques minutes, mon lit devenant presque tout rouge que je dus me rendre à l’évidence que quelque chose n’allait pas, et pas uniquement chez les bleus. L’histoire se finit bien pour moi mais pas pour l’équipe de France de basket, qui prit une de ses plus grosses raclées en tournoi olympique : 92-67 pour les Espagnols. Un cauchemar que je voulais effacer de ma mémoire.
Aujourd’hui, jeudi 5 août 2021, je suis face à mon ordi et je suis le plus heureux des sportifs. Primo, j’ai un spot extraordinaire devant les yeux : la baie de Granville, où on peut s’adonner à tous les sports nautiques : voile, paddle, canoë, kyte..
Deuxio, hier j’ai réussi à ramener à une bouée un type qui avait à peu près le même âge avancé que mon voisin il y a cinq ans et qui venait de dessaler avec son petit dériveur. Je faisais quelques longueurs de crawl au large et je vois le gars se débattre avec sa coque de noix. J’approche et je vois qu’il n’est pas au top, j’ai même cru qu’il allait s’évanouir, ce qui aurait sérieusement compliqué la situation. Il me dit qu’il a un téléphone dans la poche en plastique de son gilet de sauvetage. Ni une ni deux, j’appelle les secours. Jamais je n’aurais imaginé passer un coup de fil à trois cent mètres de la plage, le téléphone dans une main, un type dans l’autre. Là encore, tout s’est bien terminé, un zodiaque est venu le chercher et les pompiers l’ont emmené à l’hosto le plus proche. Je ne me prends pas pour un héro hein, mais je suis quand même assez fier de moi sur ce coup là. Et ça n’arrive pas tous les jours.
Tertio, l’équipe de France de Basket, emmenée cette fois par Nicolas Batum, Nando De Colo, Evan Fournier, Rudy Gobert etc. vient de battre la Slovénie d’un tout petit point dans une ambiance finale à couper au couteau. Le mauvais sort est rompu, la France est en finale. Je suis heureux.
Mais l’objet de ce billet n’est pas de célébrer cette victoire, même si je boirai sans aucun doute un coup à leur santé ce soir.
L’objet de ce billet est de réaliser que les défaites d’hier, si douloureuses soient-elles sur le moment, préparent les victoires de demain. Les exemples sont nombreux. France-Bulgarie 1993, Ginola et ses coéquipiers (les Papin, les Cantona, que du beau monde) s’apprêtent à se qualifier pour la coupe du Monde de football aux Etats-Unis. Nous sommes dans les arrêts de jeu, le match est pratiquement terminé. Mais pas tout à fait. Ce diable de Kostadinov perce une dernière fois la défense française et trouve le chemin des filets. Coup de sifflet final. La France n’ira pas au mondial et on entend Thierry Rolland geindre comme s’il faisait un malaise cardiaque. Cette défaite eut cependant le mérite de renouveler l’équipe et d’ouvrir la porte à des joueurs tels que Zidane, Deschamps, Thuram – je ne vais tous les énumérer non plus – qui emmenèrent la France sur le toit de la planète football quatre ans plus tard.
Michael Jordan, le basketteur légendaire, mon idole de jeunesse, un demi-dieu pour moi et pour toute une génération de gamins biberonnés au playground, à ces matches de rue qu’on faisait avec les copains jusqu’à plus d’heure. Jordan dira : « J’ai raté plus de neuf mille shoots. J’ai perdu environ trois cent matchs. Vingt-six fois, on m’a fait confiance pour que j’inscrive le panier de la victoire et je l’ai raté. Tout au long de ma vie, j’ai échoué encore et encore… C’est la raison pour laquelle j’ai finalement réussi ! » (1).
C’est la chose importante à retenir, la chose que je voudrais enseigner à mon fils, pour qui à son âge, chaque défaite est un drame. Les défaites sont fondatrices et préparent les succès de demain.
Nelson Mandela, qui n’est pas un sportif mais un homme qui a tout de même passé 27 ans de sa vie en prison (vingt-sept ans, vous rendez-vous compte ?) et devint plus tard président de son pays, disait : » Je ne pers jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ».
L’important n’est pas de gagner, mais de participer, me disait-on quand je n’étais pas plus haut que trois ballons. Avec le temps, l’âge et la sagesse, on finit par le comprendre.
Mais gagner, c’est quand même mieux que perdre. Allez les ptits gars, on va leur botter le derrière à ces amerloques, leur montrer ce qu’est un coq sportif.
Rendez-vous samedi matin à 4h30 du matin – ouille ça va piquer !
Références
(1) Plus loin que la lose, Laurent-David Samama, GQ N°150, juin 2021
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