Joyeux dimanche
Après une journée de jury samedi, j’ai pu me livrer à l’une de mes activités favorites le dimanche, l’excursion urbaine. J’aime bien me balader en forêt, en campagne ou à la montagne, cela permet de retrouver la nature qui nous manque en ville, de se ressourcer. J’aime voir du paysage en effet. Mais je crois que j’aime encore plus les excursions urbaines. On ne se refait pas, j’ai grandi en ville, j’ai étudié en ville, je travaille et je vis en ville aujourd’hui. J’aime la ville, la mienne pour commencer, et les autres aussi. J’aime observer l’architecture, les gens, les boutiques, parcourir les boulevards, les rues, les parcs, à pied, à vélo, en auto, en trottinette, peu importe tant que ça avance, ça me va. Il y a quelques années, j’avais emmené mon fils à Paris et nous avions loué des trottinettes pour aller du Palais Royal au Parc des Princes, mon fils est fan du PSG, je n’avais pas le choix. Nous aurions pu y aller en métro, cela n’aurait pas été rigolo. En trot’, nous avons pu vraiment profiter de Paris, il a adoré et moi aussi.
Cette fois, je ne suis pas à Paris, je suis à Lyon et je suis tout seul. Cela ne va pas m’empêcher de faire ma petite excursion. J’étais là il y a vingt ans en tant qu’étudiant, voyons comment l’ancienne capitale des Gaules a évolué depuis. Une bonne journée commence par un bon petit déjeuner, direction les quais des Saône, quai Saint-Antoine pour être précis, où chaque dimanche se tient l’un des marchés de Lyon. Je sais ce que je cherche, la grande spécialité locale, la brioche à la praline, rose écarlate. Trouvé ! Reste plus que le petit café lyonnais, d’aucuns les appellent des bouchons, où les habitués ne vont pas tarder à venir déguster quelques huitres avec un verre de vin blanc. Pour moi, ce sera un café allongé, tout simplement.
Voilà soudain que le temps se gâte, je file chez Franprix acheter un parapluie, en mauvais normand que je suis, je suis venu sans, comptant sans doute sur la clémence du climat local. Ainsi à l’abri, je poursuis sur la place Bellecourt, direction la gare de Perrache, puis dans l’autre sens vers l’hôtel de ville. Je m’arrête un instant sous les immenses érables où un groupe de Salsa du dimanche anime la place. C’est chouette la danse, ils ont tous l’air heureux, même ceux qui dansent comme des pieds. Je devrais sans doute me taire, je ferais pire. Je continue vers la mairie, la pluie aussi, mon estomac me dit que le dimanche c’est jour de brunch, alors quand je passe devant une vitrine où je vois des belles assiettes d’avocats, saumon fumé, toasts, ma boussole change soudain de direction et je rentre chez Arctic, un coffee shop nordique. Je ne connaissais pas, maintenant je connais et je recommande.
La pluie ne semblant pas vouloir s’arrêter, un seul réflexe, le ciné. Je check la programmation, les séances. J’ai beaucoup entendu parler du film Un ptit truc en plus ces derniers jours, une histoire d’handicapés genre Le 8ème jour, à la sauce Artus. Pourquoi pas, me dis-je, avec ce temps tout gris, ça va me donner le sourire pour la journée. Et ça n’a pas manqué. Faire tourner des handicapés n’est pas chose aisée, il faut trouver le juste milieu entre l’humour, si tant est que votre film soit une comédie, et le ridicule, voire la moquerie, ce qui serait évidemment de mauvais goût. L’histoire en soi n’a aucun intérêt, des braqueurs de bijouteries loufoques qui finissent en vacance avec une joyeuse bande de jeunes gens, handicapés donc, dans un refuge à la montagne, faut admettre que c’est un peu capillo tracté (tiré par les cheveux). Mais Artus s’en tire bien, les dialogues sont bien écrits, les acteurs au top, l’émotion et la larmichette sont au rendez-vous. Je sors du cinoche à 15h remonté à bloc, direction Gerland à présent où je veux découvrir le nouveau campus de mon ancienne école de commerce.
En chemin, je tombe sur le Café Joyeux, moi ce genre de hasards étonnants, j’appelle ça quantique, une café qui se définit comme la « première famille de cafés-restaurants qui contribue à l’inclusion professionnelle de personnes en situation de handicap mental et cognitif ».
Leur constat : En France, 700 000 personnes sont diagnostiquées comme ayant des troubles du spectre autistique et 65 000 sont porteuses de Trisomie 21. Elles sont deux à trois fois plus touchées par le chômage que le reste de la population. Seules 0,5% des personnes atteintes de handicap mental travaillent en milieu ordinaire.
Au-delà d’apporter une solution innovante d’inclusion pour les personnes recrutées, Café Joyeux entend réparer cette inégalité. En 2017 naît le premier café-restaurant solidaire Café Joyeux qui emploie et forme des personnes en situation de handicap mental et cognitif.
Leur vision : Nous voulons ouvrir les cœurs à la différence pour un monde meilleur.
Leur mission : L’inclusion de la fragilité dans le monde par le travail et la rencontre.
Leur ambition : Développer une famille de cafés-restaurant de qualité pour recruter et former des personnes en situation de handicap mental et cognitif.
Et voici leur bobine :
Le café a l’air trop cool, jaune pétant comme ça c’est difficile de ne pas le voir, seulement c’est fermé le dimanche, c’est ballot.
Tant pis, allez zoo ! je prends les quais du Rhône cette fois pour rejoindre le 7ème. Tout n’est pas aussi joyeux qu’au café du même nom dans le 7ème, sous le pont Jean Macé s’entassent des dizaines, peut-être des centaines de tentes de SDF et de migrants, pas certain qu’ils aient la même banane, ni dans le ventre, ni sur les lèvres.
J’arrive enfin sur le campus qui ressemble à s’y méprendre au siège social d’une banque, tout gris, tout froid, je me demande ce que des étudiants vont venir faire là-dedans, en plus askip y a ni parking, ni gymnase, ni parc, juste des bureaux, des salles de classes et des amphis ! J’avoue, je suis déçu. Je tombe alors sur un type qui balade sa gamine, un bout de chou tout blond qui commence juste à marcher et fait l’équilibriste sur les lignes du trottoir, et qui me demande si je vais bientôt intégrer l’école, puisqu’elle va ouvrir ses portes en septembre. Je lui réponds que non, que pour moi c’était il y a vingt ans déjà, vingt ans et un jour, puisque hier je faisais passer les oraux. Je dis aussi que je suis déçu, que je préfère le campus d’Ecully avec ses collines et sa verdure, même si je peux comprendre que c’est un peu loin du centre-ville. Nous faisons finalement connaissance, lui aussi est un ancien étudiant, nous parlons business, basket et en dignes anciens nous parlons aussi bière. Il me recommande alors d’aller faire un tour juste à côté, dans les grands entrepôts destroy où il y aura très prochainement un évènement organisé par Brooklyn Brewery, la fameuse brasserie Newyorkaise.
Il s’agit en fait de la Cité des Halles, une ancienne manufacture de câbles créée en 1897, détruite par les Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale puis reconstruite pour être finalement abandonnée en 2014. Depuis, le lieu est une sorte de mélange foutraque de plein de choses, voici ce que ses initiateurs en disent :
« La Cité des Halles, agite le territoire entre culture, art et urbanisme.
Ce lieu hybride de production artisanale et culturelle préfigure la ville de demain, engagé dans une démarche expérimentale d’urbanisme transitoire sur la friche Nexans (7ème arrondissement de Lyon).
Initié en 2021 par Bouygues Immobilier UrbanEra et accompagné par les structures lyonnaises du Groupe Darwin et de Akka Studio, ce projet valorise les acteurs locaux par la mise en place d’un écosystème créatif. L’objectif commun est de développer des initiatives locales pour proposer une nouvelle forme de co-conception urbaine et ainsi accompagner la mutation du site.
Un terrain de jeu inédit, la Cité des Halles propose une programmation culturelle riche et intrépide avec des formats hebdomadaires récurrents (ateliers, activités sportives et artistiques, DJ set, scène ouverte) et ponctuels (festival, expositions, carte blanche, spectacles, résidence…).
À la fois espace de travail, hébergeant artistes, artisans, producteurs, salariés et manufactures en tous genres, l’usine demeure un terrain propice aux activités manuelles, à l’assemblage et à l’invention, comptant aujourd’hui près de 20 structures résidentes. »
Voilà ! C’est vraiment ça que j’adore dans les villes, cette rencontre du passé, du présent et de l’avenir, et ce mélange de gens aux univers très différents, pour ne pas dire complètement opposés parfois. Après tout, peut-être que l’école sera très bien ici, je pense même que les étudiants passeront plus de temps à la Cité des Halles que sur leur campus tout moche.
J’achète deux ou trois Brooklyn et je remonte à Caluire voir des amis avant de repartir vers l’aéroport où je compte trouver une chambre pour la nuit, une courte nuit puisque mon avion est à 7h. C’était sans compter sur Taylor Swift ! Car figurez-vous que Taylor Swift est en concert à Lyon ce soir et demain et qu’il n’y a plus une chambre d’hôtel disponible sur des kilomètres à la ronde, ou alors il vous faut payer des centaines d’euros, la faute à cette économie moderne où plus rien n’a de prix et c’est la loi de l’offre et de la demande qui règne. Demain, j’irai à la boulangerie et on me dira c’est 50€ la baguette, bah vous comprenez, Taylor Swift est en ville ! Quel monde de dingue tout de même ! Je me demande même si les écoles de commerce et les gens qu’elles forment n’y sont pas un peu pour quelque chose. Mais ceci est un autre débat. Tout ça ne va pas gâcher ma joyeuse excursion dominicale. Le plus drôle, c’est qu’après l’épisode de Manchester (Lire Erasmus mon amour), quand je cherchais une chambre d’étudiant, je m’étais juré de ne jamais plus dormir dans ma voiture. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais.
Sources / Références
Un ptit truc en plus, de Artus, 2024
Pour en savoir plus sur le café joyeux > www.cafejoyeux.com
Pour en savoir sur la Cité des Halles > www.lacitedeshalles.com
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