# SportiX

LA 2028

13 août 2024

D’ici les Jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles, je vous recommande de regarder le documentaire sur l’attribution des JO diffusé sur France 2 après la cérémonie de clôture dimanche, une cérémonie moins originale que celle d’ouverture, et plus sombre aussi. Par contre, dites-moi c’est quoi ce teaser des Américains à la fin ? Franchement, c’était nul non ? Ils n’ont pas trouvé mieux que de convoquer leurs vieilles stars du cinéma et de la musique, à commencer par Tom Cruise dans une énième version de Mission Impossible. Il a beau dépenser des fortunes dans la chirurgie esthétique et le sport, il a clairement vieilli et ses cascades, on les connaît par cœur, de la moto, des sauts en parachute, moais bon, whatelse vieux ? Puis, il file le relais à un cycliste en VTT qui dévale la colline d’Hollywood, direction Long Beach où l’attendent les Red Hot Chilli Peppers et le duo de rappeurs Snoop dog et Dr Dre. Sauf que tous ces gars-là ont soixante piges mec, ils sont certes tous devenus milliardaires et mènent la belle vie mais c’est du déjà-vu tout ça comme on dit outre-atlantique. Et puis quel rapport y a-t-il entre les JO et des stars du show biz qui se trémoussent sur la plage en entonnant leurs vieux hits ? Franchement, j’ai trouvé ça ridicule, surjoué, surfait, sur tout. Ils ont du pain sur la planche à LA s’ils veulent battre Paris en termes de mise en scène des épreuves, Tour Eiffel, Invalides, Grand Palais, Montmartre… rien à voir avec Santa Monica, Beverly Hills et Malibu.

En regardant le documentaire de France TV, j’ai mieux compris ce spot qui mise tout sur les people et le show biz. Ils ont fait la même chose en 2016 quand ils ont reçu les membres du CIO pour leur présenter leur projet, c’est à dire les convier à dîner dans la maison de Wasserman, le milliardaire à qui la ville à confié la mission de coordonner le projet de candidature, inviter des acteurs et des actrices connus pour leur tenir compagnie, de la poudre aux yeux en veux-tu en voilà comme savent si bien le faire les Américains, et je ne parle pas de cocaïne hein, j’ai dit poudre aux yeux, pas au nez. Les Français, de leur côté, quand ils ont reçu ces mêmes membres quelques semaines plus tard, ont privatisé le Petit Palais, juste en face du Grand, où se sont tenues les épreuves d’escrime, et sont allés fouiller dans le passé de ces anciens sportifs devenus membres du CIO afin de dénicher des photos souvenir qu’ils ont astucieusement disposé devant leur assiette sur la table du repas. Les Ricains ont misé sur le bling bling, les Français eux ont joué la carte de la nostalgie et de l’intime, pour certains membres, ils ont même dégoté une photo d’un parent, père ou mère, déjà champion avant eux. Moi je dis, c’est très fort de la part de l’équipe à notre petit Tony, Estanguet, pas Tony Parker, le franco-américain.

Ce doc est vraiment super intéressant, à montrer dans les écoles de candidats aux JO, car il montre à quel point obtenir les Jeux Olympiques n’est pas une mince affaire, que cette affaire est très politique et qu’à ce titre elle nécessite de l’expérience et du savoir-faire. De l’expérience, nous en avions à revendre car nous avions déjà tenté de les obtenir en 1992, et c’est Barcelone qui les avait eus. Nous avons retenté en 2008 et c’est Pékin qui a gagné. Déçus mais pas découragés, nous avons réitéré pour ceux de 2012 en pensant que cette fois, le CIO ne pourrait pas nous les refuser. Bertrand Delanoé, alors maire de Paris avait constitué une belle équipe avec notamment Jean-François Lamour, multiple médaillé en escrime, et David Douillet, double champion olympique de Judo. Nous étions si certains de l’emporter que nous avions réuni une foule de supporters place de la mairie, sous la houlette de Anne Hidalgo, alors première adjointe. Mais c’était sans compter sur Londres, Sebastian Coe, double champion olympique du 1500 mètres, une course à mi-chemin entre le sprint et le demi-fond, et surtout Tony Blair, que les Anglais surnommaient Bliar the Liar (Blair le menteur), premier ministre britannique, qui, faut-il le rappeler, dirigeait le Commonwealth, un homme politique au réseau colossal et international et qui s’est déplacé jusqu’à Singapour pour recevoir tous les membres du CIO un à un dans sa chambre d’hôtel et assister à la victoire surprise de Londres (une surprise pour Paris, pas pour Londres). Tony Blair conseille aujourd’hui les pays arabes exportateurs de pétrole dans leurs affaires internationales, plus malin qui lui tu meurs ! Bertrand Delanoé eut ces mots en boucle après l’annonce, « on s’est fait baiser, on s’est fait baiser », on dit « screwed » en anglais. En tout cas, il fallait retenir une leçon importante, pour gagner il faut un Tony dans son équipe.

Après avoir séché ses larmes, Anne Hidalgo a juré qu’on ne l’y reprendrait plus, elle connaissait à présent la chanson, jamais plus elle ne se ferait baiser de la sorte, tant pis pour les JO, tant pis pour Paris. Puis il y eut les attentats de novembre 2015 et elle se dit alors qu’il fallait un grand évènement positif pour panser la plaie des Parisiens, meurtris par ces terribles attentats. Il fallait aussi un homme fort et influent internationalement au niveau sportif, ce serait Bernard Lapasset, le président de la fédé internationale de rugby, qui avait réussi à faire rentrer le rugby à 7 aux JO, et il fallait un Tony, et ce serait Tony Estanguet, triple champion olympique de kayak. L’histoire des JO de Paris 2024 était en marche et rien ne pourrait nous empêcher de gagner désormais, 2024 ça avait de la gueule, cent ans après les JO de 1924, même Los Angeles, seul autre candidat en lys, LA et toute leur esbroufe hollywoodienne, même eux n’y pourraient rien. Ils pourraient aller chercher tous les milliardaires et toutes les stars dont ils ont gravé le nom sur leurs trottoirs, ils ne pourraient rien contre nous car nous avions Tony.

Notre Tony ne la jouerait pas show off comme eux, lorsqu’il monterait sur scène, il n’essaierait pas d’en mettre plein la vue, lui c’est un champion de kayak, habitué à remonté les rivières tel un saumon, pas du football ou du basket, éblouis par les flashs des photographes. Cela change tout. Lui raconterait simplement son histoire à lui, celle d’un gamin qui rêvait de faire comme son frère ainé, champion de kayak également et médaillé de bronze aux JO d’Atlanta en 96, un gamin qui a grandi et dépassé son frère, prenant sa place aux JO de Sydney. Le lien aurait pu casser, l’aîné ne supportant pas la concurrence du cadet, comme chez les Fourcade (Simon et Martin, tous deux champions de biathlon), mais les Estanguet ne sont pas les Fourcade, l’eau c’est de la neige qui a fondu au soleil, un soleil bienveillant conseillant à Patrice le grand frère de proposer à son petit frère Tony de devenir son coach pour aller décrocher ensemble cette médaille d’or tant convoitée. Voilà ce que Tony a raconté aux membres du CIO réunis au Petit Palais devant leur photo souvenir et voilà pourquoi on a gagné. Parce que ce Tony est non seulement un grand champion mais aussi un type d’une humilité incroyable, le Tony qu’il nous fallait pour gagner et battre Los Angeles. Peut-être auraient-ils dû recruter Tony Montana le mafieux (de la série Les Sopranos), il se serait chargé de faire buter Tony Estanguet.

C’est alors que Thomas Bach, champion olympique d’escrime en 1976, belle année s’il en est puisque c’est celle de ma naissance, et accessoirement président du CIO, a l’idée lumineuse de faire un lot 2024 et 2028 plutôt que de faire un déçu de taille, que ce soit Paris ou LA, au risque de le perdre et de dissuader d’autres villes dans le monde de tenter l’aventure des JO. L’un aura 2024 et l’autre 2028, et tout le monde sera gagnant. Restait à savoir qui aurait 2024 et qui aurait 2028, sachant que bien entendu, les Américains n’aiment pas passer en deuxième. Les premières négociations furent houleuses dans un hôtel miteux près de l’aéroport JFK à New York, à mi-chemin entre les deux villes. Une vraie partie de poker menteur où personne ne sourit et tout le monde attend de voir ce que l’autre a dans son jeu.

Nous avions marqué des points au Petit Palais grâce à Tony et à Bernard Lapasset, qui a malheureusement trépassé et n’a pas pu assister à cet évènement qu’il a tant voulu, était très influent, les Ricains avaient un peu forcé le trait, comme dans un mauvais film d’action, et puis ils avaient eu Atlanta en 96. Cette fois, les jeux étaient faits, tout allait bien, nous ne nous ferions pas baiser au dernier moment par un premier ministre sorti d’un chapeau et Anne Hidalgo pourrait sourire, les JO 2024 seraient organisés à Paris. Quelle aventure n’est-ce pas ?


Sources / Références

(1) Paris 2024, l’histoire secrète de la victoire, documentaire France TV, 2024

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