La force et la femme

Alors que viennent de débuter les JO paralympiques de Tokyo, je ne comprends pas pourquoi ceux-ci n’ont pas lieu en même temps que les JO des « valides » – je ne sais pas trop quel terme utiliser pour être politiquement correct.

Bebe Vio non plus, c’est pourquoi elle a convaincu le Président de la fédé italienne d’escrime de fusionner sa fédération avec la fédé d’handi-escrime.

Il faut dire que, comme beaucoup d’enfants gâtés, ce que Bebe veut, Bebe l’obtient. Quand je dis enfant gâtée, il ne faut pas me prendre au pied de la lettre car Beatrice Vio, que tout le monde appelle Bebe, donc, n’a pas toujours eu de la chance, en tout cas pas en 2008, lorsque à l’âge de 11 ans, elle attrape une méningite avec nécrose des quatre membres. Après trois mois d’hospitalisation, elle ressort amputée des mains et des pieds mais bien décidée à reprendre l’escrime, qu’elle pratique depuis qu’elle a cinq ans. Pas de bras, pas de chocolat, dit-on parfois avec humour. Que dit-on quand on a ni bras ni jambe, ou plus exactement ni mains ni pieds. Pas de sport ma petite ! Eh bien, c’est ce qu’on va voir. Sa maîtresse de maternelle disait d’elle qu’elle avait du caractère, que c’était une leader. Eh bien, on peut dire qu’elle ne s’est pas trompée car 8 ans après cette terrible maladie invalidante, Bebe devient championne paralympique de fleuret. Là je dis respect. Je dis, je dis… je ne dis rien, je ferme ma grande gueule de « valide » qui grimace dès qu’il doit faire un footing et je m’incline. Chapeau bas ! Chapeau à toi Bebe pour ta combativité, chapeau à tes parents d’avoir tenu le choc – et je sais ce que c’est d’avoir un enfant à l’hôpital – et de l’avoir remise sur les rails de la vie. Et sa vie ne fait que commencer.

Car Beatrice Vio a de l’ambition. Comme le dit son père, Ruggero, « Elle n’aura pas une longue carrière d’athlète. En 2028, elle veut devenir Présidente du comité paralympique italien, puis du comité olympique italien en 2032, et unifier les deux. »

Moi, je rêve encore plus haut que son père en souhaitant qu’elle prenne la présidence du CIO après Thomas Bach. Certains diront qu’on ne va quand même pas nommer deux fleuretiste de suite. Et alors ! Pourquoi pas ? Car comme dirait Cyrano :

Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l’abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Myrmidon,
Qu’à la fin de l’envoi, je touche !

Sachez qu’à la fin de l’envoi, Bebe touche.

PS : Depuis l’écriture de ce billet il y a deux semaines, Bebe Vio est devenue, après Rio en 2016, double championne olympique de fleuret en remportant la compétition à Tokyo en 2021.

Références

L’Equipe magazine spécial Jeux Paralympiques de Tokyo, 21 août 2021