# CinémiX

La gifle du prince

30 mars 2022

Ce qu’un prince peut faire par amour pour sa princesse ! Il peut par exemple monter sur scène et mettre une grosse gifle à un autre prince, au prétexte que celui-ci a fait une mauvaise blague sur la princesse. Voilà ce qui est arrivé à Will Smith hier soir lors la cérémonie des Oscars. C’est clairement le buzz planétaire du moment. Un instant, juste un instant, la guerre en Ukraine a été éclipsée par la claque magistrale encaissée par l’humoriste et présentateur de la cérémonie, Chris Rock. Si vous ne l’avez pas vue, je vous conseille de courir de ce pas sur YouTube, cela vous changera des chars et des bombardements sur Kiev.

Will Smith, le héros de mon adolescence, le Prince de Bel Air, ses Air Jordan et son air super cool. Son oncle, Philipp Banks, un avocat de deux mètres de haut sur deux mètres de large, son cousin Carlton et ses cousines trop mimi… qu’est-ce que j’ai aimé cette série, à une époque où il n’y en avait pas autant qu’aujourd’hui.

J’ai moins aimé les films dans lesquels il a joué depuis mais j’ai gardé une tendresse particulière pour Will Smith, je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs. Enfin si, je sais, du moins, je crois savoir. Il avait l’air gentil, ce prince de bel air, tellement gentil qu’on avait envie d’être son pote. Et c’est ce mec-là, sensible, que l’on retrouve de nouveau sur scène, quelques minutes après La gifle, une gifle qui restera sans doute dans les annales des Oscars, pour venir chercher l’Oscar du meilleur acteur, pour son rôle dans La méthode Williams (1). La méthode Will…iams est un biopic consacré à la famille Williams, celle de Venus et Serana s’entend, parce que des familles Williams aux Etats-Unis, il y en a sans doute des milliers. Et là, les larmes s’échappent de l’acteur oscarisé, comme la situation lui avait échappée juste avant, la sensibilité à fleur de peau, un prince quoi.

Un prince avec un coeur d’artichaut et le sang chaud donc, mais un prince qui s’est excusé platement ce matin sur son compte Twitter, parce que les princes ont des comptes Twitter aujourd’hui. Au risque d’en choquer certains ou certaines, moi je dis, ne t’excuse pas Will, tu n’as pas agi par méchanceté, tu as fait ce que ton amour t’a dicté, tout simplement. Au diable le politiquement correct et la bienséance ! Et puis tu ne l’as pas tué non plus, tu lui as juste mis une bonne grosse baffe corrective, une baffe à la Depardieu dans La Chèvre (2) ou à la Terence Hill dans Mon nom est personne (3). Une belle gifle, digne d’Hollywood justement, presque trop belle d’ailleurs, si j’étais suspicieux et platiste, je dirais que ça sent la mise en scène. Il faut dire qu’il l’avait bien cherchée Chris Rock, sa beigne, en se moquant de la nouvelle coupe de cheveux de ta femme Jada, la comparant à la coupe militaire de Demi Moor dans GI. La pauvre Jada, une femme magnifique avec de beaux cheveux mais qui souffre d’alopécie, une pathologie qui vous fait perdre tous vos poils, cheveux y compris. Pour une femme, c’est un coup dur tout de même. Alors ça le fait peut-être marrer Chris Rock, cette blague, mais était-ce vraiment drôle ? Jada a levé les yeux au ciel, l’air de penser « il est relou celui-ci ». Le sang de Will, par contre n’a fait qu’un tour, il est monté directement sur scène, lui a décroché une mandale et lui a dit de fermer « sa putain de gueule »… Silence dans l’assemblée ! A Hollywood, on est habitué à tout mais là personne ne sait si c’est du lard ou du cochon. Will a pleuré un bon coup, Bradley Cooper l’a consolé, excuses sur Twitter, tout est bien qui finit bien, happy end comme on dit à L.A.

Toute cette histoire nous renvoie au débat sur l’humour. Est-ce qu’on peut rire de tout ou pas, t’es Charlie ou pas Charlie, tiens où est Charlie d’ailleurs, avec son bonnet rouge ? Est-ce qu’on a le droit de réagir comme ça, violemment, quand on se sent blessé, insulté, sali, moqué ? Peut-t-on se comporter comme Nora dans Les Olympiades, le dernier Audiard (4), qui boxe une ancienne copine de fac parce que celle-ci avait fait circuler une vidéo porno la concernant (enfin ce n’était pas vraiment elle mais je ne vais pas tout détailler ici, ce serait un peu long), faisant d’elle la risée de tout l’amphi. Alors oui, c’est maaaaaal de frapper quelqu’un. Oui, il faut avoir le sens de l’humour, relativiser, ne pas se formaliser, passer à autre chose, prendre sur soi, faire comme si on n’avait pas entendu. Mais qu’est-ce que ça fait du bien aussi parfois d’en balancer une. Juste une, comme ça, au coin du nez. C’est mal mais c’est sacrément libératoire.

Quelle gifle, mes enfants, quelle gifle ! C’était jouissif dis-donc cette cérémonie des Oscars. Décidément, ils sont forts ces Américains !


Sources / Notes

(1) La méthode Williams, de RM Green, 2021

(2) La Chèvre, de Francis Veber, 1981

(3) Mon nom est personne, de Tonino Valerii, 1973

(4) Les Olympiades, de Jacques Audiard, 2021

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