# Monsieur X

La méthode Williams

20 août 2022

J’ai eu l’occasion de dire tout le bien que je pense de Will Smith dans La Gifle du prince alors que tout Hollywood, toute l’Amérique, voire même le monde entier, le pointait du doigt pour son manque d’humour et son acte de violence en pleine cérémonie des Oscars. Les Américains ne sont pas à un paradoxe près. Un pays où le deuxième amendement de la constitution vous donne le droit d’avoir une arme à feu et de tirer sur quiconque vient piétiner vos platebandes, où des policiers tabassent des noirs, où des noirs tabassent d’autres noirs avant de vider leur chargeur dessus, où des quartiers entiers sont laissés à l’abandon et ses habitants aux délinquants et aux trafiquants de drogues, ça c’est de la violence messieurs. Je ne dis pas que mettre une gifle, c’est bien. Je ne nie même pas que ce soit un acte de violence, mais enfin ayons un tant soit peu le sens de la mesure, on parle d’une gifle les gars, et qui plus est une gifle qui me semble méritée, car je fais partie de ceux qui pensent qu’on ne peut pas rire de tout. Sur ce point, je ne suis pas Charlie.

J’ai repensé à cette gifle en voyant La Méthode Williams (1), avec Will Smith justement dans le rôle du père Williams, un rôle qui lui vaudra d’ailleurs l’oscar du meilleur acteur, quelques minutes après la fameuse gifle. Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon il ne resterait plus grand monde au pays de l’Oncle Sam. Une scène en particulier m’a interpellé. Venus est en colère car son père ne veut pas la laisser participer au tournoi d’Oakland, ni à aucun autre tournoi depuis près de trois ans. Elle lui tire dessus à coup de balles jaunes. Son père lui dit d’approcher au filet, il veut lui expliquer quelque chose. Il commence par lui raconter une anecdote personnelle. J’ai grandi dans le sud, lui dit-il, ce sud qui fut autrefois esclavagiste et où les gens mettent parfois des chapeaux pointus sur leur tête avant d’aller pendre un noir à un arbre en signe d’avertissement et de symbole. Un jour, mon père m’envoie rendre 5 dollars à un blanc. A cette époque dans le sud, enchaine-t-il, les noirs n’avaient pas le droit de toucher physiquement les blancs. En lui rendant son billet, j’ai malencontreusement touché sa main. Le type l’a mal pris, m’a bousculé et s’est mis en me rouer de coups et ses copains s’y sont mis aussi. J’ai alors vu mon père qui prenait la fuite pour ne pas avoir d’ennuis. Si je n’ai pas voulu que tu participes aux tournoi juniors, Venus Williams, c’est pour te protéger, achève-t-il les yeux plein de larmes.

A ce moment de l’histoire, ce n’est pas le père Williams que je voyais mais Will Smith lui-même. Je comprenais qu’il ne fallait pas toucher à ceux qu’il aime, sa mère, ses enfants, sa femme. En ce moquant de la maladie de celle-ci, une maladie qui lui fait perdre ses cheveux, Chris Rock a touché un point sensible, un point de non-retour. La gifle est partie comme un mécanisme de défense. Si quelqu’un s’était moqué de l’une de ses filles sur un cour de tennis, je pense que le père Williams n’y serait pas allé de main morte non plus. Est-ce bien ? Sans doute que non. Mais interroge-t-on le bien fondé de celui qui se moque ? Will Smith est un homme grand, costaud, confiant, fort de son succès. Mais c’est aussi un homme sensible et ce rôle lui va comme un gant, de boxe. I love you Will.

Revenons à présent à la méthode Williams. Que dire à part que ce type est un peu dingue non ? Certes, tel Hannibal dans L’Agence tous risques (2), il peut dire, cigare au bec, que son plan s’est déroulé sans accroc, un plan écrit à la naissance de Venus ou un an plus tard, à la naissance de Serena, au début des années 80. Un plan incroyable en effet, faire de deux filles noires de Compton, l’un des pires quartiers de Los Angeles, des championnes du monde de tennis, un sport outrageusement dominés par les blancs, notre Yannick Noah national faisant figure d’exception lui-aussi. Qui l’eut cru ? Personne ! Personne, sauf lui. Et ses filles, à qui il a su communiquer cette confiance inébranlable. A la question, quel est ton modèle de joueuse préférée ? Venus répondait à 14 ans, mon modèle, c’est moi. A la question, penses-tu pouvoir battre la numéro 1 mondiale chez les pro, Venus répondait à 14 ans, oui je le crois. Qui peut se permettre de répondre ça ? Une Williams sans aucun doute. Un an plus tard, à seulement 15 ans donc, elle signait un contrat de 12 millions de dollars avec Reebook et devenait dans la foulée numéro une mondiale. Elle qui rêvait de remporter un jour Wimbledon, a remporté cinq fois le fameux tournoi londonien. Sa petite soeur Serena, longtemps restée dans l’ombre a remporté 23 titres en Grand Chelem. Certains la considère comme la meilleure joueuse de tennis de tous les temps, devant Venus, Graff, Navratilova et tout ce que le tennis féminin a compté de championnes. Voilà le résultat de la méthode Williams.

Une autre scène du film a retenu mon attention. Celle où la famille Williams regarde Cendrillon à l’initiative du paternel suite à une dispute préalable dans le van familial au retour d’un tournoi de plus remporté par Venus. A la fin du dessin animé, Williams se lève et demande à chacune de ses filles, ce qu’elle a appris de cette histoire. La première répond qu’il ne faut pas oublier ses chaussures, elle est immédiatement envoyée dans sa chambre. Ce qu’il voulait leur faire comprendre, c’était l’importance de l’humilité. Elles gagneraient peut-être des tournois, deviendraient certainement numéro unes mondiales, en tout cas c’était écrit sur le plan, mais elles devraient rester humbles et continuer de fournir des efforts.

Ce que moi je retiens de La Méthode Williams, c’est exactement ça. C’est qu’on a rien sans efforts. Parfois les efforts ne suffisent pas mais dans tous les cas, sans efforts, on n’obtient rien. Pas même une seule victoire dans un seul match.

Si vous aimez vous amuser avec les mots et les lettres, vous remarquerez peut-être que si vous lisez le mot EFFORT dans l’autre sens, vous obtenez TROFFE. Orthographe mise à part, on comprend que les trophées se cachent derrière les efforts, voilà l’enseignement de la méthode Williams.


Sources / Notes

(1) La Méthode Williams, film de Reinaldo Marcus Green, 2021.

(2) L’Agence tous risques, A-Team en anglais, est une série culte des années 80 avec entre autres personnages Hannibal, Barracuda, Futé et Looping. Hannibal, ancien colonel et chef de la bande, finissait toujours les épisodes en fumant un cigare et déclarant : « J’adore quand un plan se déroule sans accroc ! »

Vous souhaitez intéragir ? Écrivez un commentaire !

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • America
    # PolitiX

    America

    15 février 2021
    L'Amérique est un pays étonnant à bien des égards, je m'en aperçois en lisant François Busnel et sa revue trimestrielle America, alors que le dernier numéro vient de paraître. L'Amérique, c'est ce pays qui ...
    Lire la suite
  • Adieu les cons
    # CinémiX

    Adieu les cons

    23 mai 2021
    Mercredi 19 mai 2021, nous respirons de nouveau, enfin ! Premier réflexe, retourner au cinéma, vite ! J'avais loupé le dernier Dupontel en novembre, j'avais hâte de le voir. Adieu les cons (1) Tout un programme, ...
    Lire la suite