Match retour

Que dire de ce premier tour des élections présidentielles 2022 ?

Pour commencer, y a-t-il eu de vraies surprises ? Dans la mesure où c’est pratiquement le même trio de tête, hormis Fillon qui n’est plus là, et pour cause, on ne peut pas parler de surprise. Certes la popularité de Mélenchon avait semblé s’essouffler selon les sondages préélectoraux, mais le vieux lion a de la ressources, des seconds couteaux énergiques et une campagne menée tambour battant sur le terrain depuis dix-huit mois dont les effets ont payé. Et cela s’est joué à très peu pour être au second tour, un peu plus de 1% des voix et moins de 500000 votes ! A quoi se joue un destin ?

La seconde non-surprise, c’est la participation qui continue de baisser, ou l’abstention de progresser comme bon vous semble, à 26,3%, contre 22,2% en 2017, un record historique pour l’élection présidentielle. Trente-cinq millions de français se sont exprimés, soit un Français sur deux environ. Vous me direz que je comptabilise les nouveaux-nés et les vieux fourneaux qui sucrent les fraises et les bénéfices d’ORPEA dans mon total et je vous répondrais tout à fait !

Ce régime démocratique à la française est-il pour autant à bout de souffle ? Difficile de résumer en quelques lignes l’avis de plusieurs millions d’individus aussi différents les uns des autres, qu’il s’agisse de niveau, de mode ou de lieu de vie, de culture, d’origine, de couleur de peau, de religion et surtout de caractère, cet élément particulier qui nous rend si singuliers, ressemblants mais uniques malgré tout. Une France archipélisée diront les politologues, où chacun joue pour soi ou son petit groupe d’intérêt. Dans ce contexte, force est de constater que le Un Président pour tous et Tous pour un Président, ne fonctionne plus. C’était peut-être bon du temps du Général de Gaule, et encore, cela ne marche plus aujourd’hui. Les gens sont blasés, déçus, désintéressés, piégés. Oui piégés ! Car il ne se dessine aucune alternative au régime présidentiel, aucune. La France continuera d’être dirigée par un Président de la République, plus ou moins autoritaire selon la personnalité de « l’élu », une Assemblée Nationale engluée par la lourdeur juridique du système, un Sénat endormi à l’heure de la sieste et de l’apéro et surtout une armée de technocrates bien planqués, invisibles, qui tirent les ficelles et tiennent les cordons de la bourse. Sans parler des infiltrés, ces consultants, ou cons sultans j’hésite, qui parlent à l’oreille des puissants moyennant une rémunération rondelette payée par le contribuable, cela va de soi. Voilà le système en place, solide, et ce n’est pas quelques Gilets jaunes, ou quelques bulletins de vote, qui changeront la donne.

Ce qui aurait pu changer la donne, et je souligne ici le conditionnel passé, c’est que quelques candidats, par exemple de gauche, mettent de côté leur ego pour échafauder une coalition, dans l’intérêt du plus grand nombre. Je dis n’importe quoi, mais imaginons que Mélenchon, Jadot et Hidalgo, et leurs conseillers surtout, aient réussi à s’entendre, quel aurait été le résultat de ce premier tour ? On sait que les mathématiques ne s’appliquent pas à la politique. Cependant, on peut imaginer que sur les six et quelques pourcents de Jadot et Hidalgo, peut-être deux ou trois auraient pu voter Mélenchon, un score suffisant pour être au second tour et envisager un autre futur à notre pays, plutôt que de renouveler un mandat, presque par tacite reconduction. Si ça se trouve, c’était écrit en tout petit en bas du bulletin en 2017. Mais un monde politique sans ego n’existe pas, c’est pourquoi ce monde est sans égal. Un monde de requins où il faut écraser pour gagner.

Le second tour est-il joué d’avance ? Pas si évident, tant sont nombreux les électeurs qui se grattent la tête en ce moment. Pour certains, c’est « ni ni », ni Macron ni Le Pen. Sauf que dimanche en quinze, il faudra bien afficher la tête de quelqu’un à la télé, et dans toutes les mairies de France ensuite, avec ou sans vous. Vous faîtes du boudin, très bien, restez chez vous. Personnellement, je voterai Macron. Sans enthousiasme, mais je voterai Macron. Je me suis exprimé dans un précédent billet sur le vote Le Pen. Le Pen est une pure construction, une marque, un héritage et Marion Maréchal attend son tour avec impatience. C’est aussi une entreprise, qui s’enrichit d’élection en élection en vendant des kits de campagnes et en profitant de remboursements publics conséquents, contrairement au PS, LR et EELV, qui avec moins de 5% des votes, sont pratiquement ruinés. Les militants vont devoir mettre la main à la poche pour sauver les meubles.

Marine Le Pen n’a que faire des gens qui votent pour elle, qui sont en général les classes populaires et les ruraux, tous ces gens qui se sentent abandonnés, trahis, les perdants de la mondialisation dit-on tout en haut de la France, et je parle pas des Hauts de France bien évidemment. Marine Le Pen n’est pas différente des autres. Elle fait partie de la France d’en-haut chère à Raffarin, vit depuis toujours de la politique, et donc de l’endettement sans fin du pays, et elle en vit très bien merci. Elle a juste une capacité jamais démentie à faire prendre des vessies pour des lanternes.

Je le redis, je n’irai pas voter pour Macron dans la joie, l’espérance et la bonne humeur. Mais au moins cette fois, je sais qu’une part de mes impôts ira dans les poches de Mc Kinsey et que la France sera chèrement conseillée.

J’espère malgré tout, comme on espère la venue du Messie (pas au PSG hein!), où plutôt des messies, que les prochaines têtes d’affiche seront moins cons et moins centrées sur leur petite personne, pour qu’enfin on puisse faire un vrai choix.

A bons entendeurs…