# SériX

Little bird

14 juin 2024

Lors des commémorations du 6 juin, à part Joe Biden qui sucre les fraises depuis un certain temps déjà, pas beaucoup de différence physique en effet entre lui et certains anciens combattants à qui il a serré la paluche, en dehors de lui donc, c’était plutôt le défilé des BG, les beaux gosses de la politique, Gabriel Attal, Emmanuel Macron, Justin Trudeau, le premier ministre canadien. Sauf que désormais, quand je vois Trudeau, je ne peux plus m’enlever de la tête l’image du politique pur sucre, hâbleur, beau parleur, bonimenteur surtout, et ce depuis que j’ai vu la série Little Bird (1) et surtout le documentaire à suivre, Tuer l’indien dans le cœur de l’enfant (2).

On leur souhaite généralement tout le bonheur du monde à nos enfants. Je ne parle pas seulement des nôtres bien évidemment, je pense à tous les enfants. l’enfance est une terre sacrée, on n’a pas le droit d’y toucher, interdit, c’est une barrière morale infranchissable. Et pourtant ce qu’on peut leur faire du mal parfois. On, c’est la société dans son ensemble, le système, l’Histoire. C’est le cas par exemple des enfants amérindiens au Canada. Je n’oublie pas pour autant la peine immense des parents à qui on a arrache les enfants pour les mettre dans des pensionnats avant qu’ils ne soient adoptés par des Canadiens respectables, des blancs évidemment. Interrogé sur le sujet devant la chambre des députés, sur ça et sur les viols et disparitions de centaines de jeunes femmes amérindiennes, Justin Trudeau s’est exprimé avec force et conviction, c’est la honte de notre pays, a-t-il répondu le poing serré, et cela doit cesser. Et tous l’ont applaudi. Et les familles amérindiennes y ont cru, ou peut-être que non après tout, des promesses, ils ont dû en entendre beaucoup. Moi j’y ai cru, je me suis dit, waouh il est couillu ce jeune caribou de Trudeau, car le sujet ne fait pas consensus dans ce vieux pays de colons nord-américain. Or, quelques années après cette déclaration bravache, que constate-t-on ? Rien ! Rien de chez rien, car reconnaître la responsabilité de l’Etat canadien les obligerait à verser des milliards d’indemnités, une fortune qu’ils préfèrent bien évidemment garder, et enquêter sur les disparitions les emmèneraient tôt ou tard sur la piste de policiers, parmi d’autres psychopathes, et ça non plus ce n’est pas possible. Mettre sur la place publique un dossier où ce sont les forces de l’ordre les criminels, les violeurs, les meurtriers, ce n’est pas envisageable. Une déclaration du premier ministre, sans doute sincère, c’est tout ce que vous aurez chers amis issus des Premières Nations, dit-on aussi, ne comptez pas sur des actes. La loi sur le statut des Amérindiens ne sera pas abrogée, les réserves ne seront pas démantelées, les familles ne toucheront pas d’indemnités, les jeunes continueront de pointer massivement au chômage, de boire, de se droguer et de se prostituer, avant de disparaître mystérieusement. Voilà la réalité du peuple amérindiens du Canada en 2024.

Revenons au cas spécifique des enfants. Little bird, c’est l’histoire dans les années 60 d’une fratrie séparée de leurs parents parce que l’un d’entre-eux a eu la malencontreuse idée de tirer au lance-pierre sur la voiture de la police. Il est vrai qu’il y a plus intelligent à faire mais que voulez-vous, quand on a dix ans et qu’on passe le plus clair de son temps dans les champs à la campagne, on en fait des conneries, le grand air ça donne des idées, pas toujours les meilleures. Seulement, quand on est un gamin amérindien, on ne provoque pas impunément des policiers blancs, mauvaise appréciation du risque mon ptit gars ! Ni une ni deux, les cops débarquent chez les parents avec les services sociaux, constatent qu’il n’y a ni électricité ni eau courante ni père de famille, que la maison est petite pour six, la mère a planqué le petit dernier sous le plancher, comme Chouchana dans Inglorious Bastard (3), seulement il est fiévreux, il tousse, l’assistante sociale l’entend, découvre la cachette, l’enfant, les évènements s’enchaînent rapidement, ou alors au ralenti, comme lorsque l’on fait une chute, la mère s’oppose violemment, les policiers l’attachent au poil et partent avec tous les enfants. Enfin pas tous non, l’aîné était parti chassé avec son père. Lorsqu’ils reviennent, ils découvrent la mère au sol, la main pendue par sa menotte, noyée dans son chagrin. Le père devient fou, il part à la recherche des policiers, les retrouve, il veut récupérer ses enfants, devient agressif et reçoit une dérouillée magistrale, coma. Il mourra à l’hôpital. La mère fuira, abandonnant son fils aîné au grand-père. Tout ça pour un jet de lance-pierre ! Et parce que les blancs n’ont jamais considéré les Amérindiens comme des êtres humains.

Voilà, c’est juste le début de l’histoire, je ne vous raconterai pas la fin ni le milieu pour ne pas divulgâcher, comme disent nos amis québécois, je vous laisse la découvrir cette série époustouflante sur Arte.tv, une série qui a d’ailleurs reçu le prix du public au festival Série Mania 2023. Et dans la foulée, regardez le documentaire Tuer l’indien dans le cœur de l’enfant, vous ne verrez peut-être plus le Canada de même aussi bucolique et romanesque.


Sources / Références

(1) Little Bird, série télévisée canadienne créée par Jennifer Podemski et Hannah Moscovitch et réalisée par Zoe Leigh Hopkins (en) et Elle-Maija Tailfeathers, mai 2023, Arte.tv

Il est précisé en introduction de la série que le nombre d’enfants amérindiens adoptés est encore plus important aujourd’hui que dans les années 60.

(2) Tuer l’indien dans le coeur de d’enfant, documentaire de Gwenlaouen Le Gouil, 2021, Arte.tv

(3) Inglorious Basterds, de Quentin Tarentino, 2009

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