# Madame Y

Maria M

2 septembre 2022

En ce jour de rentrée scolaire, je voudrais rendre hommage à Maria Montessori. Quel personnage et quelle vie que fut celle de Maria Montessori !

Maria est née en 1870 dans une famille bourgeoise italienne, son père fut d’abord militaire puis inspecteur de l’industrie du tabac et du sel, donc assez stricte, sa mère par contre était plutôt d’esprit libéral et progressiste, Malgré une rubéole contractée dans la petite enfance, elle se montre vite brillante à l’école. Elle apprend en même temps auprès de sa mère à être indépendante, à défendre ses idées et aller au bout de ses projets tout en faisant preuve de compassion à l’égard des autres, notamment en tricotant pour les plus démunis.

Alors que ses parents la voient devenir enseignante, une des professions intéressantes ouverte aux femmes à la fin du XIXème siècle, Maria a elle envie de devenir médecin. Donc médecin elle deviendra, une des premières femmes diplômée de la faculté de médecine de Rome en 1896.

Très vite, elle s’intéresse à la pédopsychiatrie, et notamment aux travaux des chercheurs français Jean Itard et Edouard Seguin sur les enfants dits « idiots » ou alternativement « débiles ». Je fais une parenthèse dans cette petite bio de Maria Montessori pour pointer du doigt, un doigt accusateur zolesque et triste à la fois, la manière dont on appréhendait les enfants qui n’étaient pas tout à fait dans la « norme » il y a un siècle. Et encore, en disant cela, j’ai moi-même une forme d’a priori sur ce qu’est la norme et ce qui ne l’est pas. Et si la norme était plus large qu’on ne veut bien l’admettre et qu’il suffisait de changer de méthode pour inclure, plutôt qu’exclure les enfants. On ne parlait pas encore de « dys », tous ces dysfonctionnements cognitifs dont on affuble les mômes aujourd’hui. A l’époque, on était juste « idiot » ou « débile ».

Maria comprend vite que le problème de ces enfants est davantage d’ordre pédagogique que purement médical. Elle va donc consacrer le restant de son existence, qui sera longue puisqu’elle mourut à 81 ans, à développer une méthode d’enseignement basée sur la liberté, l’autodiscipline, le respect des rythmes de chacun et l’apprentissage par l’expérience, une idée qui sera reprise bien des années après par le physicien français et Prix Nobel Georges Charpak au travers de son association La main à la pâte.

Le succès de la méthode fut telle que Benito Mussolini lui demanda dans les années 30 de généraliser son expérimentation en construisant des Casa dei Bambini, des maisons des enfants en bon françois, à travers toute la botte italienne. Mussolini faisant la promotion d’une méthode pédagogique basée sur la liberté, voilà qui est cocasse. Evidemment, cela ne dura pas et la liberté fut vite chassée de la casa et remplacée par l’uniforme et le salut fasciste. Maria dut s’enfuir en Espagne, puis en Inde, où elle passa la seconde Guerre Mondiale à peaufiner sa méthode à l’abris des bombardements et des atrocités.

C’est finalement aux Pays-Bas qu’elle posera ses valises et son matériel pédagogique – ils sont malins ces fichus Hollandais, toujours dans les bons coups dès qu’il s’agit de récupérer les bonnes idées des autres ! Pareil pour les Belges. Mais le concept a essaimé. Il y a aujourd’hui plus de 20 000 écoles Montessori dans le monde, dont près de 200 en France. Maria a été décorée de la Légion d’honneur en 1949, nominée trois fois pour recevoir le Prix Nobel de la Paix (1949, 1950 et 1951). Elle est décédée en 1952.

Alors pourquoi l’Education Nationale s’inspire si peu des travaux de Maria Montessori ? Si vous avez une explication, je suis tout ouï. Plus d’un siècle qu’on sait scientifiquement que l’éducation des enfants doit être construite sur une base individuelle et respectueuse des rythmes de chacun et on continue à faire de l’abattage de masse, à l’aveugle, un système dans lequel les élèves « scolaires » nagent comme des poissons dans l’eau mais qui en broie un paquet d’autres.

Cette question brulante me renvoie au cas Céline Alvarez, que j’ai déjà évoqué dans mon billet précédent (Nouvelle école). J’utilise cette expression, car il s’agit véritablement d’un cas d’école, dans tous les sens du terme. Céline Alvarez a mené pendant trois ans, de 2011 à 2014, une expérimentation pédagogique de type Montessori dans une école primaire de Gennevilliers ? A l’issue de cette expérience, les résultats ont été très positifs sur le niveau de lecture, d’écriture et de calcul de ces jeunes enfants, allant de la petite section au CP. Sans surprise, j’ai envie de dire, sinon pourquoi y aurait-il plus de 20 000 écoles Montessori dans le monde si cette pédagogie est foireuse et qu’il s’agit d’une vaste escroquerie. Car on a tout entendu à propos de Céline Alvarez, qu’elle avait fait ça pour vendre des bouquins et gagner du fric – évidemment, tout le monde sait ça,y a pas mieux pour gagner du pognon que de s’emmerder l’existence pendant trois ans dans l’Education nationale, allez-y essayez, vous allez devenir millionnaire, Bill Gates lui-même avait pensé faire ça avant de créer Microsoft – sans blague ! On a dit aussi que sa méthode n’avait aucune base scientifique – comment ça ducon, un siècle que Maria Montessori, médecin de formation, a prouvé que la méthode était bonne pour le développement de l’enfant, qu’il y a des tonnes de documentation sur le sujet, mais nan c’est pas prouvé scientifiquement qu’il dit ce naze ! Céline Alvarez avait pourtant le soutien de l’association Agir pour l’école, de l’Institut Montaigne et de Jean-Michel Blanquer qui sera plus tard ministre. Mais non mon vieux, on a pris cette expérimentation, on en a fait une grosse boule de papier et on l’a foutue à la poubelle. Et Céline Alvarez est allée se faire voir chez les Belges. Bravo les mecs, chapeau et tous les mots en o, bande d’idiots ! Si on n’était pas sûr, on refaisait l’expérimentation avec dix classes, cent classes, mille classes et on dépêchait une batterie d’inspecteurs de l’EN pour analyser, disséquer et bien sûr critiquer tout ça. Au moins, on serait allé au bout de l’histoire. Mais non, circulez, y a rien à voir. L’Education Nationale c’est une autoroute, une méga route où on fonce à 150 à l’heure sans se poser de questions, avec des péages partout et des sorties, pardon des voies de garage, toutes les vingt bornes pour les débiles. Au fond, je me demande si on a vraiment progressé depuis Itard et Seguin.

Je voudrais profiter de cet hommage à Maria Montessori pour rendre un autre hommage à un auteur britannique qui nous a quitté en 2020 et qui m’a beaucoup inspiré, il s’agit de Ken Robinson. Kenneth Robinson, très connu outre-manche, moins en France à part peut-être par ceux qui comme moi s’intéressent à l’école, est un auteur et pédagogue anglais qui a dédié sa vie à encourager le développement de la créativité et de l’art au coeur de l’école. Il s’est sans doute lui-aussi beaucoup inspiré des travaux de Maria Montessori car il encourageait la personnalisation des méthodes d’apprentissage et le développement de la curiosité au travers de cours inventifs. Surtout, son idée centrale est que chacun est fait pour quelque chose, lui appelle ça « l’élément », comme dans l’expression être dans son élément, et le but de l’école doit être de permettre à chaque élève de trouver son élément. En cela Robinson se rapproche de la philosophie kantienne que le but de l’existence est d’aller vers soi, se trouver, trouver son élément.

Il raconte dans le premier chapitre de son best-seller (1) l’histoire de cette jeune enfant de 8 ans qui ne tenait pas en place, avait des notes misérables et perturbait régulièrement la classe. L’école convoqua les parents, leur préconisant de la mettre dans une institution plus adaptée aux enfants ayant des difficultés significatives, sans qu’on puisse toutefois en définir la cause et encore moins la solution. Jusqu’au jour où les parents eurent l’idée judicieuse de consulter un pédopsy qui en avait vu d’autres et ne contentait pas de préjugés. Il comprit en une seule séance grâce à un gramophone laissé astucieusement dans la pièce que le « problème » de cette enfant n’était pas un véritable problème. Elle était simplement hyperactive, avait besoin de bouger pour réfléchir et s’exprimer. Mieux encore que bouger, elle avait besoin de danser. Il conseilla alors à ses parents de la changer effectivement d’école pour l’inscrire dans une école de danse. Cette enfant, c’est Gillian Lynne, qui grandit dans les années 30 et devint une des plus grandes danseuses et chorégraphes du XXème siècle, à l’origine entre autres des comédies musicales Cats et Le fantôme de l’opéra. Que se serait-il passé si on avait continué à la considérer comme une idiote et qu’on s’était contenté de lui donner des médocs pour calmer ses élans ? Rien sans doute !

Maria Montessori avait justement relevé, à peu près à la même époque où Gillian grandissait dans la frustration, que « l’intellect de l’enfant ne travail pas seul, mais partout et toujours, en liaison intime avec son corps, et plus particulièrement avec son système nerveux et musculaire ». Je voudrais vous citer une autre idée de Maria Montessori et montre toute l’importance de l’école et des méthodes que l’on y utilise : « N’élevons pas non enfants pour le monde d’aujourd’hui. Ce monde n’existera plus lorsqu’ils seront grands. Et rien ne nous permet de savoir quel monde sera le leur : alors apprenons-leur à s’adapter. » (2)

Au lieu de gaver les gamins de connaissances pré-mâchées, l’école devrait apprendre aux enfants à apprendre par eux-même et développer un esprit critique et à raisonner. Les enfants sont notre avenir et l’école les y prépare. Nous devrions donc mettre le paquet sur l’école comme nous l’avons fait pour le Covid et nous inspirer de ce qui marche, et la méthode Montessori en fait partie.

Pour tout ça, merci Maria.


Sources / Notes

(1) The Element, How finding your passion changes everything, Ken Robinson, Penguin Books, 2009

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Maria_Montessori

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