Mille feuille

Les Français sont fans d’émissions culinaires du type Master Chef, Top Chef ou Le meilleur pâtissier. Faut dire qu’on est Le pays de la Gaaastronomie Môsieur ! Il y a une spécialité qu’on aime par dessus tout, c’est le mille feuille, surtout quand il est administratif et politique. Voici ce que cela donne, de haut en bas, du sommet jusqu’au citoyen ordinaire.

10/ Commissaires européens, députés européens

9/ Président de la République, Conseillers

8/ Premier Ministre, Ministres, Conseillers ministériels

7/ Députés, Sénateurs, assistants parlementaires

6 / Président de Région, vice-présidents, Conseillers régionaux

5/ Président du conseil départemental, vice-présidents, Conseillers départementaux

4/ Président d’agglomération, communauté de communes, communauté urbaines, vice, Conseillers

3/ Maire, Adjoints au maire, Conseillers municipaux

2/ Conseillers de quartier

1/ Citoyens, électeurs

Il faut bien réaliser qu’à chaque couche du mille feuilles, il y a des budgets, des dépenses, de l’endettement et une myriade de fonctionnaires dont les fonctions justement ne sont pas toujours très claires, ni la liste des privilèges qui s’y rattachent. Il faut savoir par exemple que les fonctionnaires européens ne paient pas d’impôt sur le revenu car leurs revenus sont considérés comme extra-nationaux et comme il n’y a pas d’impôt européen, ils échappent tout simplement à cet impôt. Formidable non ? C’est juste un exemple, mais soyons certains qu’à chaque niveau de la fusée, une fusée qui n’est pas près de décoller, il y a des avantages, des spécificités, des ficelles, savamment élaborés et exploités par les intéressés. On se souvient de François Fillon qui a embauché toute sa famille à l’Assemblée Nationale et avait domicilié son local professionnel de député dans son château de la Sarthe. Ou les fameux fonds secrets dont disposaient les ministères pour financer on ne sait quoi on ne sait qui, le régime de faveur des anciens présidents de la République, etc, etc, etc. On croyait s’être débarrassé des privilèges avec la Révolution, ils ont juste été remplacés par d’autres, encore plus nombreux, et coûteux.

Aujourd’hui, on nous demande de voter pour élire les conseillers régionaux. Mais qui s’intéresse vraiment aux élections régionales ? D’ailleurs qui connaît les conseillers régionaux ? Le Président de la région à la rigueur, et encore, je serais curieux qu’on fasse un sondage sur ce sujet. Et qui sait quelles sont les missions des régions, sachant que pour les accomplir celles-ci disposent de moins de 4% du PIB, autant dire très peu. Les régions, qui ont pourtant une identité forte dans un vieux pays multiculturel comme la France, n’ont donc pratiquement aucun moyens financiers réels comparativement à l’Etat central jacobin. Certes on en a diminué le nombre pour en augmenter la taille et la puissance mais celle-ci reste en définitive toute relative. Par contre, c’est une source de dépenses, une de plus dans le mille feuilles français, français et européen pardon, j’oubliais la couche de crème européenne.

On a en fait l’impression que les Régionales servent simplement de répétition à l’élection présidentielle. J’en veux pour preuve l’intervention permanente des futurs candidats présidentiels, véritables têtes de gondoles politiques, dans le débat régional alors que les candidats régionaux eux passent au second plan. Exemple avec Marine Le Pen qui fait la une de tous les journaux alors qu’elle est candidate nulle part et son parti ne remportera sans doute aucune région. Alors pourquoi lui donne-t-on autant la parole sur une élection qui ne la concerne pas, si ce n’est pour lui servir de rampe de lancement pour la présidentielle ? Idem pour Macron, qui occupe toute la place, normal me direz-vous, c’est quand même le Président en poste. Oui mais quel est le rapport ? Il est Président, soit ! Mais on est censés parler des régions. On voit donc que cette élection est complètement biaisée et sert simplement d’échauffement pour la seule élection qui intéresse les français, les présidentielles.

Les régionales permettent néanmoins d’observer les grandes évolutions politiques à travers les années. Domination du centre droit jusqu’à la fin des années 90 puis éclipse de soleil totale pour la droite à partir des années 2000 avec la fin du règne de Chirac et le premier mandat de Sarkorzy. Une gauche qui finit par reculer, concédant la moitié des régions en 2015, un centre droit absent (à part en Normandie) et la droite qui monte.

Les cartes ci-dessous sont encore plus explicites à cet égard, en bleu clair le centre, en bleu foncé la droite et en rose la gauche.

Quid de 2021 ? Faites vos paris. Personnellement, je vois bien une carte très bleu, bleu foncé je veux dire. Rendez-vous dans un mois.

Plus d’un mois est passé depuis l’élection et je dois avouer que j’avais raison. Avec 35% de participation, du jamais vu, on peut dire que les Régionales n’intéressent vraiment pas les Français.

Par contre, je me suis aussi complètement trompé. La carte n’est pas bleue mais exactement la même qu’en 2015, on prend les mêmes et on recommence, preuve d’une certaine stabilité de notre système politique, et de l’inexistence de La République en Marche au niveau régional.