Nomad land

Un mot ! Ou plutôt un nom suffit pour résumer la puissance de ce film : McDormand, Frances McDormand. L’actrice principale et co-productrice du film Nomad Land, un road movie à fleur de peau sur cette Amérique dont on ne fait pas la promo dans les magazines des compagnies aériennes.

Fern, le personnage principal, est une femme d’à peine soixante ans dont la vie bascule lorsque la mine qui emploie son mari et leur fournit un toit ferme. Dans la foulée, celui-ci décède d’un cancer, la ville, qui porte le nom de l’entreprise (Empire), se vide de ses habitants, les commerces ferment, l’école ferme, la pelouse du golf fane et la vie disparaît de cette contrée. C’est le déclin de l’empire américain. Fern et Bo, son mari, n’ont pas eu d’enfant. Elle met toutes leurs affaires dans un garde meuble, rachète un vieux van de travaux publics et part sur la route.

Il y a tout dans ce film, l’économie avec la disparition de la mine d’un côté et Amazon de l’autre, ce Golgoth né sur internet qui fait travailler des milliers de gens, peut-être même des millions je n’en sais trop rien, dans ses plateformes logistiques noires et jaunes. Je prends un carton, je le remplis de papier bulle, je scotche, je prends un carton, je remplis, je scotche, je prends, je remplis, je scotche, prends, remplis, scotche… toute la journée, toute la semaine, toute l’année, toute la vie si on veut, Amazon paie même la place de parking du van. Au début du XXème siècle, il y avait Ford, au début du XXIème, il y a Amazon. Rien n’a vraiment changé. Ceci dit, je caricature un peu car dans le film, Fern ne se plaint pas de ses conditions de travail chez le numéro 1 mondial du e-commerce. Eux au moins continue de proposer du travail, ce qui permet à des tas de gens de ne pas crever la gueule ouverte dans un pays où il n’y pas de filet social pour vous rattraper en cas de chute.

Il y a l’Humain. Ces gens, ces nomades sont violemment bousculés par la vie. Certains perdent leur job, leur maison, des proches, chopent un cancer ou une autre maladie à la con et les voilà seuls dans leur van, « RV » ils disent les Américains, et pas le RV façon péniche sur route comme ils savent faire, avec tout le confort moderne à bord, non là c’est plutôt le camion tout pourri qu’on tente de rapiécer avec les moyens du bord, avec un sceau pour faire ses besoins dedans. Et quand la panne survient, le genre de panne qui coûte la moitié de la valeur du camion à réparer, c’est une vraie catastrophe, un arrêt de mort presque, la dernière ligne droite avant la rue et les ponts. Alors ces gens se regroupent dans le désert pour se parler, s’écouter, s’encourager pour ne pas baisser les bras, ne pas déserpérer.

Mais il y a surtout Frances McDormard, l’actrice fétiche des frères Coen, et pour cause, Joel Coen l’a épousée dès leur premier film ensemble (Sang pour Sang, 1984) et ne l’a plus quittée depuis. Frances, c’est Marge, cette policière enceinte dans Fargo (Oscar de la meilleure actrice 1997), c’est Mildred, cette mère qui cherche désespérément le meurtrier de sa fille dans Three Billboards (Oscar de la meilleure actrice 2017) et c’est aussi Fern, cette femme qui après avoir tout perdu, part vivre dans un vieux van à la recherche d’un travail ici où là, comme accrochée à son radeau de la méduse en plein océan (Oscar de la meilleure actrice 2021). Frances McDormand, c’est du lourd, du très lourd. Quand elle est à l’affiche, vous savez par avance que vous allez en prendre plein les mirettes, plein les yeux, plein le coeur.

Bien sûr, Nomad land ce n’est pas un Star Wars ni un Marvel, il n’y pas d’effets spéciaux, pas de sabres lazer, pas de super héros, enfin si, une super héroïne du quotidien et une super actrice pour l’interpréter. Alors comme dirait Quentin Tarentino, Vive le cinéma !