# SociétiX

Plus jamais seul

6 septembre 2024

A propos de jeunes en souffrance, je suis tombé sur le témoignage d’un certain Marving, alias Hazerka son nom d’artiste, et ça m’a fendu le cœur. C’est vrai, c’est terrible de lire une histoire comme la sienne, ce gamin moqué, mis à l’écart, cogné parfois, qui ne demandait qu’une chose, être aimé comme il était, ni plus ni moins, jouer au foot, se faire des copains. Seulement, la cour de récré n’est pas le monde des Bisounours, il faut savoir s’y imposer, ou au moins ne pas se faire écraser si on a la malchance de tomber dans le collimateur d’une ou plusieurs petites frappes. Bon, il est vrai qu’avec un prénom comme ça, difficile d’éviter les quolibets, Marvin ok, à part si votre gamin est gay, mais pourquoi ajouter un g ? Marving, quelle drôle d’idée de prénom tout de même. Après, l’Etat civil en voit passer de toutes les couleurs des prénoms à la con, parfois même refusés par la Justice, heureusement me direz-vous, genre Titeuf ou Nutella, au secours, mais il y a pire, il y a les parents qui se croient drôles, avec des Pierre quand on s’appelle Tombal ou Lara quand on s’appelle Clette. Bref, sans aller jusqu’au prénom refusé par la Justice, Marving allait de toute façon faire l’objet de moqueries prénominales, me semble-t-il. Malheureusement, son calvaire a été bien pire que des vannes sur son blaze et cela a commencé avec le divorce de ses parents, son père garde du corps de je ne sais quel prince arabe les mettant dehors un soir en hiver avec sa mère, et vogue la galère, changer d’école et de vie, pas facile quand on a six ou sept ans.

Malingre, timide, boutonneux, portant des lunettes, la cible idéale pour devenir la tête de turc de la classe, voire même du collège tout entier, car les gamins, on le sait, chassent souvent en meute. Ce genre de témoignage est toujours frustrant car on se dit, mais pourquoi tu ne vas pas voir les surveillants, ou les profs, ou la direction, ou ta mère, ou des copains, ou la police, n’importe qui qui te sorte de cette situation. Ne reste pas comme ça à prendre des coups Marving, merde quoi, bouge-toi ! Moi aussi, j’ai parfois eu affaire à des petits connards qui en voulaient à mes billes, mes images, mon blouson, que sais-je, et je n’étais pas de nature à savoir me défendre tout seul, le manque de confiance, la peur. Alors j’allais voir un pote que je savais plus courageux que moi et plus fort à la bagarre, il allait voir le ptit con, lui demandait de rendre ce qu’il avait pris et de me laisser tranquille à l’avenir sinon ça barderait pour son matricule. Parfois, ça bardait avant même de l’avoir mis en garde, et moi j’étais bien content, planqué derrière mon pote costaud. Je n’en suis pas fier, j’aurais préféré être le costaud de l’histoire, mais au moins j’avais l’instinct de survie, on peut même appeler cela une forme d’intelligence je pense, de ne pas garder ça pour moi, de ne pas avoir honte de m’être fait secouer et d’aller chercher du renfort. De toute façon, le gars en face, le méchant, en général ne venait pas seul non plus. Vous verrez, c’est typique, dans tous les faits divers ou un gars se fait agresser, en général, ils sont à deux, trois voire plus sur lui, voilà le grand courage des agresseurs et des harceleurs, être en bande et s’en prendre à un plus faible ou plus petit que soi. Alors moi je dis qu’il n’y a pas de honte à aller chercher un plus fort que soi pour rééquilibrer les forces, et bizarrement, celui qui faisait le malin cinq minutes avant face à vous, eh bien il fait moins le malin face à vote pote balaise. Ma chance à moi, c’est d’avoir eu pas mal de potes balaises, et donc peu d’ennemis dans la cour. Alors, quand je pense à ce Marving qui a encaissé les coups pendant des années sans rien dire, jusqu’à penser à se suicider, j’enrage. J’insiste, dis quelque-chose, va chercher quelqu’un, y a forcément quelqu’un qui peut t’aider. Rentre dans le premier club de boxe du coin et tu verras, les gars viendront, car c’est dans leur ADN. Tous ceux qui font un sport de combat se rêvent tous un jour en super héros justicier. Il ne faut pas se laisser marcher dessus sans rien dire, y a toujours moyen de se défendre.

Il n’est malheureusement pas seul dans son cas, bon nombre d’enfants, de jeunes, subissent sans rien dire, et parfois quand les parents s’en aperçoivent, c’est trop tard, il ou elle s’est flingué.e. Tous les ans, on apprend des histoires comme celle-ci, qu’il s’agisse d’un garçon ou d’une fille, quelle que soit la nature du harcèlement. Les gamins ont honte, se taisent, s’enterrent, parfois pour de vrai. Alors les adultes doivent être attentifs au moindre signe, parents, enseignants, encadrants, mais aussi les copains, car si la cour de récré n’est pas un monde de Bisounours, les enfants ne sont pas tous des monstres non plus. Je disais dans ma précédente chronique que le sujet d’inquiétude numéro un des parents aujourd’hui était la sur-consommation d’écrans et l’usage des réseaux dits sociaux. Et si la santé mentale des jeunes inquiète de plus en plus, les réseaux sociaux n’y sont pas pour rien. Les réseaux sociaux peuvent être un défouloir à merde incroyable, des gens bien sous tout rapport en apparence peuvent se transformer en horribles personnages planqués derrière l’anonymat du web. L’anonymat est tout relatif cela dit et quand vous portez plainte pour cyber harcèlement, dans la plupart des cas les services de police savent vite remonter aux auteurs d’insultes, menaces de mort, entre autres joyeusetés, et quand la police vient sonner à la porte, ils font moins les fiers à bras, les caïds du clavier, plus que du quartier. C’est pour cela qu’il ne faut jamais hésiter à porter plainte, le silence est la pire des réponses face au harcèlement, qu’il soit en ligne ou dans la vraie vie.

Marving, ou plutôt Hazerka, s’en sortira grâce à l’écriture et à la musique, notamment une chanson où il raconte sa solitude, faisant écho à celle de milliers d’autres enfants.

Petit homme ordinaire qui sort du lot
Une tête en l'air ravagée par vos mots
Les joues en feu, les larmes aux yeux
La main tremblante, le teint vitreux
Chaque soir dans mon lit, je crie à l'aide
Mais personne ne répond
A force d'être seul et sans personne
Je tombe dans la dépression
Tellement peur de souffrir
Que je profite plus de rien
Qu'il est froid ce sourire
Car je n'ai plus le mien
Vos mots me frappent
Me cognent, m'épuisent
Dans un tourbillon d'insomnie
Je finis ma chute
Vous m'avez critiqué, épuisé, amoché
Maintenant je veux le silence
Et pour l'éternité...

Sources / Références

Plus jamais seul, journal d’un collégien harcelé, Hazerka, Les Arènes, 2020

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