Radio begum
Vous écoutez la radio le matin ? A la maison en prenant votre café ou dans la voiture dans les bouchons sur le périph en braillant sur celui qui n’avance pas devant vous. Moi j’écoute France Inter, avec un faible pour l’équipe de Charline Vanhoenacker, celle d’Ali Badou et Natacha Polonium, le regretté Augustin Trapenard, la fraîcheur de Sonia Devillers, l’énergie d’Aline Afanoukoé et la voix sublime de Rebecca Manzoni. Je suis moins fan de Nagui que l’on voit partout et depuis une éternité, l’école Drucker sans doute, Léa Salamé la femme puissante qui rêverait sans doute d’en avoir une, Mathieu Vidard qui me déprime avec sa Terre au carré et me donne envie de me jeter du haut de mon immeuble avant que la terre n’explose, ou enfin Dominique Seu, apôtre du libéralisme économique et grand défenseur de tout ce que peut faire Emmanuel Macron, suppression de l’ISF en tête. Bref, il y en a pour tous les goûts, toutes les couleurs, sur France Inter et c’est ça qui est bien.
Les Afghans n’ont pas la même diversité sur les ondes mais les Talibans ont cependant laissé à Hamida Aman, une jeune femme qui vit entre l’Afghanistan et la France, la possibilité d’animer une émission de radio destinée aux femmes, avec des cours (histoire géo, éducation civique, théologie et anglais) mais aussi une séquence où intervient une gynécologue pour répondre aux nombreuses questions des auditrices. La radio s’appelle Radio Begum, « reines » en persan, dans un pays où les femmes ne sont pas vraiment considérées comme telles puisque tout ou presque leur est désormais interdit.
Radio Begum est donc une petite bulle d’oxygène dans ce cauchemar à ciel ouvert qu’est devenu l’Afghanistan abandonné par les occidentaux et laissé aux Talibans. Il va sans dire qu’elles marchent sur un fil très mince et qu’au moindre dérapage, le Ministère pour la promotion de la vertu et les répression du vice, ou vice versa, leur coupera l’antenne, si ce n’est la tête. Mais Hamida et sa bande d’une quinzaine d’animatrices et journalistes s’accroche : « On est en permanence menacé mais on tient bon. Notre ligne éditoriale (et ce qui fait que nous sommes toujours là), c’est que nous ne touchons absolument pas à la politique et aux talibans. Mais quand il y a des nouvelles qui touchent les femmes, on en parle« , ajoute-t-elle. Ainsi, elle raconte que « quand le décret interdisant aux femmes d’aller dans les universités est tombé, le standard de Radio Begum a été assailli d’appels. Forcément, on a été débordé. Tout le monde ne parlait que de cela…. On n’allait pas faire la sourde oreille.«
En Afghanistan, tout le monde est en dépression, et pas seulement les femmes, depuis que les Talibans ont banni tout ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, alors elle ajoute : « J’ai été très étonnée par le dernier décret qui interdit aux femmes de travailler dans les organisations non gouvernementales. Tous mes collègues s’attendaient à ce que les femmes travaillant dans les médias soient écartées et renvoyées chez elles. Mais paradoxalement, les talibans ont commencé par les ONG« , relate Hamida Aman. Selon elle, « cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ont voulu marquer les esprits, donner un grand coup et secouer un peu les occidentaux et la communauté internationale pour dire : on est là et on a les moyens de faire du mal. Pour l’instant, les femmes dans les médias continuent de travailler. Mais nous avons un couperet au-dessus de la tête et ça peut s’arrêter à n’importe quel moment« .
Dorénavant, je pense que j’écouterai la radio autrement, même en écoutant Dominique Seu. Je me dirai que j’ai bien de la chance d’écouter la radio et de vivre dans un pays où je peux faire à peu près ce qui me chante, quand ça me chante, dire et penser ce que je veux, sans craindre de finir en prison ou six pieds sous terre. Désormais, j’aurai une petite pensée pour Hamida et son équipe à qui je souhaite tout le bonheur, et le courage, du monde.
Source :
« Radio Begum, un îlot de liberté surveillée piloté par des femmes dans l’Afghanistan des talibans », Interview de Valérie Crova pour Radio France, publiée le dimanche 15 janvier 2023.
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