# PolitiX

Revenu universel : Hamon vs Duflo

16 février 2021

En politique, c’est ce qu’on appelle un fonds de commerce. Marine Le Pen, c’est l’immigration et l’insécurité, les deux étant forcément liés n’est-ce pas, surtout au fond de la Creuse. Benoît Hamon, c’est le revenu universel ! Benoît Hamon ? Mais si, faites un effort, c’est ce type que feu le PS a choisi pour le représenter aux dernières présidentielles et qui a fait 6 et quelques %, un record historique pour le parti de Jaurès. Mais il y tient, Hamon, à son revenu universel. Il s’est même fait pousser la barbe façon SDF pour se donner un look Abbé Pierre. Après le pape Benoît, voici l’abbé Benoît.

Il est vrai que l’idée est séduisante, du moins sur le papier, un monde sans pauvreté, ou plus exactement un monde où tous auraient un minimum garanti pour se nourrir, se loger etc. Sauf qu’avec 750 ou 1000 euros, on ne va pas très loin camarade ! Surtout vu les prix de l’immobilier aujourd’hui. Vous me direz qu’il y a les aides au logement en plus mais vous aurez tort car la contrepartie du revenu universel, c’est la suppression de toutes les autres formes d’aides, en tout cas la majorité, CAF, allocation chômage etc. Ce que vous gagnez d’un côté, vous le perdrez en partie de l’autre, faut pas rêver non plus.

Benoît Hamon propose une mise en place en trois temps : d’abord les 18/25 ans qui n’ont pas le droit au RSA et vivent souvent dans la misère quand leurs parents ne peuvent pas les aider. La plupart d’entre eux vivent même encore chez leurs parents jusqu’à 25 ou 30 ans – il n’y a pas de honte à ça oh, ça arrive à des gens bien, moi par exemple. Mais que se passe-t-il quand le jeune atteint son 26ème anniversaire ? Soit il trouve un travail, soit il tombe de nouveau dans la précarité. Donc, on n’a pas résolu le problème de la pauvreté des jeunes avec cette mesure temporaire, on l’a juste décalée dans le temps.

Deuxième étape, les enfants et la tirelire. Il propose ensuite de verser 300 euros à chaque enfant, enfin 200 euros aux parents et 100 euros mis de côté pour l’enfant jusqu’à sa majorité, soit tout de même 21600 euros (100 euros x 12 mois x 18 ans), ce qui devrait suffire à lui payer le permis, au jeune. Enfin pas sûr, quand moi j’ai passé le permis, il y a 25 ans, j’avais payé 2500 francs. Aujourd’hui, il faut compter 2500 euros, soit 7 fois plus. J’exagère ? Je peux vous ressortir la facture si vous voulez. Il n’est donc pas impossible que dans 20 ans, le permis vaille 7 fois plus, soit l’intégralité de cette dotation jeune. Mais bon, il n’y aura peut-être pas un deuxième effet « euro » d’ici là. Reste la question des 200 euros versés aux parents. 200 euros par enfant et par mois, sans plafond ? Voilà une belle incitation à faire des enfants même quand on ne peut pas les assumer. Et quid des parents séparés, on fait comment ? C’est 100 euros chacun ? 150 euros si tu fais les semaines et 50 euros si tu ne les as que le week-end ? On voit rapidement qu’il va falloir faire des comptes d’apothicaire et que dans une famille harmonieuse et raisonnable, l’argent sera bien dépensé, mais personnellement je ne connais pas de telle famille, y compris la mienne. Je me vois d’ici devoir acheter le dernier jeu vidéo ou le dernier téléphone à la mode à mon gosse qui me dira, hey oh c’est mon revenu universel ! Tais-toi et mange ta soupe.

Dernière étape, l’allocation pour tout le monde, universelle, individuelle et inconditionnelle. Alors là, on arrive dans le grand n’importe quoi ! On arrive dans ce travers bien connu de la classe politique, cette capacité à dépenser l’argent des autres sans se préoccuper un instant de la faisabilité effective ou de l’efficacité d’une telle politique. Reprenons la calculette : 1000 euros x 12 mois x disons 65 millions de français (je ne prends que les Français dans mon calcul car l’abbé Benoît ne nous dit pas si le monde entier fait comme nous ou pas, ce qui change aussi pas mal la donne car si nous sommes les seuls à filer 1000 balles par mois à tout le monde, il est probable que toute la misère de la planète rapplique en France, un vrai festival !). Mais restons sur 65 millions de bénéficiaires pour simplifier les choses : 1000 euros x 12 mois x 65 millions = 780 milliards d’euros par an !!! Question : quel est le budget actuel de la France ? Réponse : 300 milliards d’euros. L’abbé Hamon nous propose tout simplement de tripler le budget. C’est vrai que personne ne l’avait fait avant lui, reconnaissons-le. Alors il est vrai également qu’en ces temps de Covid, on dirait que l’argent nous tombe des arbres mais quand on va redescendre sur terre, la chute va être douloureuse. Même avec des taux d’intérêt négatifs, il va bien falloir la rembourser cette dette. Mais Benoît Hamon a une botte de Nevers, un financement magique ! La fameuse taxe sur les transactions financières ou taxe Tobbin, qui certes pourrait rapporter des sommes folles aux Etats mais qui suppose une harmonisation fiscale mondiale et ça il n’y a que les imbéciles qui croient que cela arrivera un jour. Nous ne sommes même pas capables de le faire à l’échelle européenne (lire le Triomphe de l’Injustice), qui pense sérieusement pouvoir le faire à l’échelle mondiale ? Un peu de sérieux Benoît !

Mais la critique essentielle n’est pas là. Invitée hier sur France Inter à l’occasion de la sortie de son dernier livre Economie utile pour des temps difficiles, Esther Duflo (pas Cécile Duflot hein, l’ancienne ministre de l’écologie et actuelle dirigeante de la branche française d’une ONG qui a viré son boss pour harcèlement sexuel, non, Esther Duflo, la spécialiste des questions de pauvreté et prix Nobel d’économie, excusez du peu les gars !) objecte à Benoît Hamon l’inutilité de verser un revenu universel à ceux qui ont déjà des revenus suffisants, voire confortables, voire très confortables, voire très très… bref ! CQFD ! Avec ton système Benoît, même Bernard Arnault et Killian M’bappé percevraient leurs 1000 euros de revenu universel par mois. Donc là, Benoît il se dit, euh non non, laissez-moi réfléchir cinq minutes. Dans ce cas, le revenu universel sera versé en dessous d’un certain revenu, par exemple 2000 euros par mois. Donc le gars qui gagne 1999 euros par mois, il touchera désormais 1000 euros de plus mais le gars, ou la fille, ne soyons pas misogyne, qui gagne 2000 pile, il ou elle se fait enfler. Donc ça ne marche pas non plus ! Et là Benoît il dit, bon bah ce sera progressif, ou plutôt régressif, plus vous gagnez, moins vous toucherez de revenu universel pour tendre vers zéro. On voit d’ici l’usine à gaz que cela pourrait être, au delà même de toute question de budget raisonnable et supportable.

Il est gentil mais s’il veut être crédible, il va falloir trouver mieux. Allez courage Benoît !


Bibliographie

Benoît Hamon, Ce qu’il faut de courage. Plaidoyer pour le revenu universel. Les Equateurs, 2020.

Abhijit V. Banerjee, Esther Duflo, Economie utile pour des temps difficiles, Seuil, 2020.


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