Un p’tit truc en plus
En dehors des JO, cet été vous avez peut-être fait comme dix millions de Français, vous êtes allés voir le premier film d’Artus, Un p’tit truc en plus (1). Un p’tit truc en plus, c’est d’ailleurs aussi ce qu’il faut à un athlète de haut niveau pour devenir médaillé olympique, quelque chose qui ne s’apprend pas vraiment, même avec des heures d’entraînement. De la même manière, réussir un film sur le handicap n’est pas chose aisée, car il ne suffit pas de mettre un ou plusieurs personnes handicapées ensemble pour que cela fasse un bon film, ou un film qui marche, l’un n’allant pas forcément avec l’autre, tout est une question de goût après tout. Je veux dire par là que, par exemple, moi je trouve Bienvenu chez les Chtis complètement nul et pourtant ce film a cartonné. Attention, je ne dis pas Les Chtis est un film sur des handicapés, je prenais juste cet exemple pour illustrer les goûts et les couleurs. Bref, Un ptit truc en plus vient donc de passer la barre des dix millions d’entrées en France, ce qui en fait le film le plus vu ces dix dernières années et il entre ce faisant dans le club des dix films français les plus vus de l’histoire. Il faudra encore doubler la mise pour battre le numéro un qui porte bien son nom puisqu’il s’agit de Intouchable, une autre histoire d’handicapé, comme quoi le handicap peut s’avérer bankable si on sait s’y prendre.
Pour bien s’y prendre avec ce genre un peu particulier, il ne faut pas juste un bon scénario, un bon casting, un bon réal ou une bonne équipe technique, enfin si il faut ça mais ce n’est pas le point essentiel. Le point essentiel, c’est le cœur. Il faut y mettre beaucoup de cœur et surtout ne pas tricher. Ne pas tricher, c’est ne pas chercher à jouer avec l’émotion des gens, ne pas les manipuler en quelque sorte. Car les gens ne sont pas aussi cons qu’il y paraît, si vous cherchez à les faire pleurer avec des ficelles trop faciles, ils s’en aperçoivent et ils ne pleurent pas. Non seulement, ils ne pleurent pas mais ils ne vont pas voir votre film et le disent à tout le monde. Et là, votre film est foutu et vous l’aurez bien mérité.
On voit au contraire dans le film d’Artus de la sincérité, cette sincérité qui, si elle ne garantit pas le succès, évite au moins la grossièreté. On voit qu’il considère les personnes handicapées qui jouent dans son film comme de véritables acteurs et non pas comme des handicapés qu’on utilise pour leur handicap. Il leur fait jouer des rôles et des scènes pas si simples à jouer, les textes sont précis, il y a un tempo à respecter car le comique est un travail de précision, demandez à De Funès, il vous le dira. On sent en tout cas qu’Artus ne se moque pas, il a écrit ce film et joue dedans avec une véritable honnêteté intellectuelle et émotionnelle, plus que de l’honnêteté même, de la bonté. Voilà, le mot est dit, cet Artus a l’air d’un bon gars, un gars bien, et ça fait toute la différence. Tout comme l’acteur qu’il a choisi pour l’accompagner, Clovis Cornillac. Clovis Cornillac n’est pas un acteur comme les autres, on ne le verra jamais dans un film de super héros, ou alors un super héros du quotidien. Quoiqu’il joue, il y a toujours un supplément d’âme, quelque chose de pas évident à définir, une sorte de bienveillance, celle de l’ours mal léché mais qui veille à ce que tout se passe bien pour vous. Dans Un ptit truc en plus, il joue le rôle de l’abruti crasse, en tout cas le plus méchant des deux abrutis, Artus étant le plus gentil. Mais même en méchant, Clovis Cornillac a l’air d’un gentil, alors inutile qu’il essaie de jouer autre chose. Qu’il soit véto de campagne ou maire d’un village de montagne (2) qui se bat pour des filles-mères paumées à la recherche d’un eldorado, on se dit avec lui qu’on est entre de bonnes mains, celle d’un vrai super gentil. Et quand il passe derrière la caméra, c’est pour choisir de belles histoires, populaires et fortes à la fois, qui visent elles aussi directement le cœur, des histoires telles que Belle et Sébastien.
Alors Artus a clairement bien fait de choisir Clovis comme compère, un peu comme Depardieu et Richard, la brute et le maladroit, les deux forment un bon duo de choc pour accompagner cette brochette d’acteurs handicapés hilarants, notamment lorsqu’il s’agit de remercier le chauffeur de bus qui les emmène au gîte, alors qu’est-ce qu’on dit au chauffeur hein ? On dit : FILS DE PUUUTE !!!
Franchement, bravo Artus, continue comme ça, va savoir, peut-être qu’Intouchables ne l’est pas tant que ça.
Sources / Références
(1) Un ptit truc en plus, film d’Artus, 2024
(2) Monsieur le maire, film de Karine Blanc et Michel Tavares, 2023
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