# PolitiX

Voter à droite

10 avril 2022

Enchaînons par les six candidats de droite, de la droite en place à la droite extrême.

Commençons par le Président sortant, Emmanuel Macron. Le débat de savoir si Emmanuel Macron est de droite ou de gauche, ou de droite et de gauche, le fameux « en même temps », un en même temps qui ne veut absolument rien dire car on ne peut pas être et de droite et de gauche. On peut à la rigueur être centriste comme François Bayrou et considérer bonnes des idées de gauche, et bonnes aussi des idées de droite, mais d’un point de vue idéologique, la différence est bien claire. La gauche est interventionniste et sociale, la droite est libérale et sécuritaire. Maintenant, soyons clairs, tout est une question de perspective. Pour les Anglosaxons, la France est un pays de gauchistes, quel que soit le parti, et nos aides sociales (sécu, chômage, caf etc.) les font halluciner. Qu’importe les autres, pour nous autres français, même s’il a démarré au PS, Macron est un homme politique de droite, n’a-t-il pas gouverné avec deux premiers ministres de droite sans y avoir été contraints par des élections législatives perdues (la jurisprudence Chirac/Juppé). J’ai voté Macron il y a 5 ans parce qu’il représentait la jeunesse, s’était affranchi des vieux parti politiques pour fonder son propre mouvement, En marche !, et semblait animé d’une vraie volonté de bousculer les lignes. Soyons honnêtes, j’y croyais sans vraiment y croire. Emmanuel Macron avait un parcours on ne peut plus classique : issue d’un milieu bourgeois, brillant écolier, brillant étudiant, Sciences Po, l’ENA, Inspection des Finances… bref un pure produit politique français comme on en a connu tant. Sa politique fut donc finalement sans surprise, barre à droite, tâchant de continuer à libéraliser un maximum les services publics, à réduire la dépense, à cause de la dette vous comprenez, sans réduire pour autant sa rémunération, comme l’avait fait Hollande avant lui, Sarkozy lui l’avait fortement augmenté, au moins c’était clair, ni celle de ses nombreux conseillers. Sans compter ses conseillers à l’extérieur du Château, Mc Kinsey et compagnie, sous l’ère Macron la France est devenue une grande entreprise dont la stratégie est définie par des cabinets conseil américains. Je ne suis pas certains que tous les gens qui ont voté pour lui en 2017 ont voté pour ça. Je passe sur le fait qu’il s’agit du quinquennat le plus catastrophique en termes d’évènements majeurs depuis la Seconde Guerre mondiale : Gilets Jaunes, grèves sur les retraites, Covid, pour finir dans l’apothéose avec la guerre en Ukraine et l’inflation délirante. Certes Emmanuel Macron n’est pas à l’origine de tous ces maux, enfin je parle du Covid et de l’Ukraine, mais il incarne la période la plus merdique qu’on ait connu depuis longtemps. J’ai le sentiment que Jupiter nous porte la poisse, en tout cas s’il est le dieu du ciel comme il prétend l’être, eh bien alors il nous a foutu un beau bordel. Merci Jupiter !

Alors, je ne serais pas déçu de le voir laisser son trône. Mais à qui ?

Mon fils veut que je vote Jean Lassalle, le défenseur des campagnes. Attention, mon fils ne vit pas à la campagne, ni moi d’ailleurs, au secours, mais il aime bien ce candidat, j’ignore pourquoi, je crois que lui aussi. En même temps, comme dirait Macron, il est marrant ce Lasalle. Personne ne comprend rien à ce qu’il dit quand il parle et tout le monde se marre. Et il en joue aussi. Il y a une idée qui me plaît dans son programme, c’est la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé, mais je souhaiterais qu’elle soit assortie d’une notion de corum, en y ajoutant les absentions, c’est à dire un nombre suffisant de votants (non blanc) pour valider des élections. Je ne comprends pas qu’on valide des élections où la moitié de la population ne se déplace plus et où les votes blancs ne sont même pas pris en compte. Le RIC aussi est intéressant, tout comme le service citoyen, militaire ou civil. Par contre, Lassalle n’est pas écolo, lui c’est pas les transports publics dont il passe la TVA à 5,5% mais le carburant. SMIC à 1400 euros, à l’instar de Mélanchon, réouverture des hôpitaux de campagne, création de poste dans la santé, réforme de la politique agricole… bref rien d’extravagant et certaines pistes à creuser. Je ne veux pas décevoir mon fils mais Jean Lassalle n’a jamais dépassé la barre olympique des 1%, je doute donc qu’il fasse mieux cette fois, ce qui rend la probabilité de son élection relativement faible. Next !

Nicolas Dupont-Aignan nous propose de « choisir la liberté ». Slogan puissant mais cela me rappelle étrangement un bouquin d’un auteur d’extrême droite que je me suis empressé de rendre à la FNAC, de peur qu’il empeste ma maison. Bien que la liberté soit une notion essentielle, elle est d’ailleurs le premier pilier de notre triptyque national, Liberté, Egalité, Fraternité, elle est aussi totalement illusoire. Dans la vie, on n’est jamais vraiment libre car on dépend toujours d’un ou plusieurs autres pour avancer dans la vie, de ses parents, ses enfants, ses collègues, de son patron, ses clients, des banques, des services publiques… Alors c’est bien beau la liberté, mais cela ne fait pas un programme Nicolas. Tu veux « remplacer l’Union européenne par une communauté des nations libres », c’est joliment dit, dis donc, poétique même, et tu comptes faire ça tout seul dans ton coin ? Tu veux devenir indépendant d’un point de vue militaire ? Mais bien sûr, je crois que les Russes et les Américains se disent, espérons que Dupont-Aignant ne sera pas le prochain président des fromages qui puent sinon ils vont nous mettre la pâtée à la guerre. Et là on voit bien les trois commandants Silvestre américains se fendre la poire. Tu veux une école où les enfants « sachent lire, écrire et compter », une école quoi ! Tu veux protéger la santé des Français, dis-tu, en supprimant le pass sanitaire et vaccinal. Dieu sait si je n’aime ce fichu masque mais là, je ne vois pas la logique. Tu veux expulser les clandestins et les délinquants étrangers, les deux étant assimilés, cela va sans dire, rappelons que nous avons à faire à des candidats de droite dont l’électorat a besoin de mots forts, et non de morts faux, à l’encontre des arabes, noirs et basanés de toutes origines.

Il y a cependant quelque chose qui me touche chez lui, profondément, bien qu’il n’en ait pas fait une rubrique importante. Sur la quatrième page de son tract, on le voit embrasser un gros chien blanc, on dirait Belle et le petit Nicolas devient à présent Sébastien. Et si on fouille dans les idées en bas de page, on y voit le « financement des refuges pour animaux abandonnés ». Il est le seul candidat à avoir formalisé une idée concernant les animaux, ce qui confirme la sensibilité du bonhomme. Et je crois qu’au fond, ce doit être un homme bon. Il est donc tentant pour moi de voter pour lui, bien que je ne partage pas du tout ses idées les plus droitières. Le problème, c’est qu’avec ou sans moi, il ne fera pas plus de 5%, ce qui est loin d’être suffisant pour être au second tour. Le second tour se jouera entre les trois candidats qui suivent à droite et Mélanchon à gauche.

Je dois à Valérie Pécresse d’avoir perdu mon pari. J’avais parié avec des amis que Xavier Bertrand serait le prochain président. En 2017, j’avais parié que ce serait Emmanuel Macron et j’avais gagné. Là, j’ai perdu. De peu, cela s’est joué à quelques points lors des primaires chez Les Républicains. Voilà, ça commence mal, mon histoire avec Valérie. L’autre petite anecdote, c’est que je m’étais dit, à un moment, et pourquoi pas essayer la présidence au féminin ? Nous n’étions pas loin en 2007 avec Ségolène Royal, heureusement diront certains, toujours est-il que jamais dans l’histoire de la 5ème République, une femme n’a été présidente. Les Allemands ont essayé et cela leur a plutôt pas mal réussi. Alors pourquoi pas, m’étais-je dit. J’en avais parlé à ma mère, qui a toujours été de gauche, et elle m’a pris pour un fou. Cela ne va pas bien mon fils ? Tu es sérieux ? Tu vas vraiment voter pour Pécresse ? Et pourquoi pas, lui ai-je répondu. Jusqu’à ce qu’elle ressorte le Karcher de la cave où Sarkozy l’avait laissé. A ce moment, je me suis dit, cela ne va pas être possible, désolé Valérie, toi et moi on n’est pas fait pour s’entendre. Mais l’anecdote n’est pas terminée. Il y a quelques jours, ma mère m’appelle pour me dire qu’elle a reçu une message enregistré de Valérie Pécresse sur son téléphone fixe et que cela l’a convaincue. Ils sont forts ces gens du marketing politique ! Evidemment, Valérie Pécresse n’a pas appelé ma mère mais des robots l’ont fait à sa place et ça a marché. Curieux, j’ai écouté ce message. La magie qui a opéré pour ma mère n’a pas fonctionné pour moi. Et quand je prends son tract, page 4, première mesure : « Rétablissement des peines planchers pour les multirécidivistes violents et peines minimum d’un an de prison pour les agresseurs de forces de sécurité, d’élus et d’enseignant ». Mesure n°2 : « Polices municipales armées et obligatoires dans les villes de plus de 5000 habitants. » Et mesure n°3, je m’arrêterai là : « 16000 recrutements dans la justice pour réduire les délais de jugement et garantir l’impunité zéro ». Je rappelle que François Fillon, candidat des Républicains en 2017, n’a toujours été condamné pour avoir pillé les caisses de l’Etat avec sa famille, l’impunité zéro vaut-elle pour lui aussi ? Valérie Pécresse fait de la caricature de droite pour aller chercher les électeurs de Le Pen et Zemmour, jamais je ne pourrai voter pour elle. Ciao Valérie !

Marine Le Pen, une autre des quatre femmes en compétitions, quatre sur douze candidats, c’est à l’image de la politique française, machiste et ringarde. Marine Le Pen titre son flyer « Femme d’Etat ». Elle a dû oublier à comment elle s’est fait humilier par Emmanuel Macron lors du débat de l’entre deux tours en 2017, pour une femme d’Etat, elle manque singulièrement de compétences et de répartie. Surtout, je ne comprends pas comment Marine Le Pen, l’héritière de Jean-Marie, qui la déteste autant qu’il l’aime, a pu construire son électorat sur les ruines du communisme et du socialisme réunis. Comment des ouvriers et des gens de milieux modestes peuvent croire une seule seconde que Marine Le Pen, qui a été élevée dans l’opulence bourgeoise construite par les escroqueries de son père, se soucie une seule seconde du sort des travailleurs de ce pays ? Eh les gars, elle s’en fout royalement de votre vie de merde, de vos usines qui ferment et de vos fins de mois difficile. Elle, elle paie l’ISF, l’impôt sur la Fortune, enfin elle le payait avant que Macron ne le supprime. Alors il va sans dire qu’elle est très loin de concevoir ce que c’est de devoir se serrer la ceinture pour donner à manger à ses gosses. Comme joueuse de flûte, elle a le niveau conservatoire 5ème dan. Alors quand je la vois sur son tract avec un casque de chantier, je me marre.

En fait, je ne crois pas que les gens soient cons à ce point là. Je crois qu’ils votent « Marine », non par conviction, mais pour emmerder le monde. Une manière de dire, vous n’en avez rien à foutre de nous, de nos emplois, de nos usines, de nos quartiers, de nos gosses, eh bien on va vous faire chier, on va bousculer votre petite morale bobo et on va vous mettre Le Pen au second tour. On repense d’ailleurs à ce propos à la réaction de Jospin en 2002 lorsqu’un journaliste lui demanda quelle serait sa consigne si toutefois il n’était pas qualifié pour le tour suivant. Et Jospin de répondre en rigolant, suffisant, que cela était peu probable. C’est donc peu probablement que Jean-Marie Le Pen arriva devant le grand frisé Trotskiste aux élections présidentielles de 2002. Parce que la gauche s’est embourgeoisée et a trahi les classes populaires. Voilà pourquoi les gens votent Le Pen, pour emmerder la gauche.

Terminons par l’extrême droite, puisqu’à présent, il y a plus à droite que la femme d’Etat Marine Le Pen, avec Eric Zemmour. Celui-là, personne ne l’avait vu venir et pourtant tout le monde le connaissait depuis que Tout le monde en parle. Un grand merci d’ailleurs à Laurent Ruquier pour nous dégotter les pires chroniqueurs que les égouts rejettent et de les mettre en pleine lumière. Cela nous rappelle Thierry Ardisson quand il avait mis en scène Thierry Messan et son livre sur les avions qui ne se sont jamais crachés le 11 septembre. Jamais un livre de s’était vendu autant et aussi vite dans ce pays depuis Harry Potter, mais on ne parlait pas encore de Fake news à l’époque. Alors, encore une fois, merci Laurent Ruquier et merci Thierry Ardiçon d’avoir donné tant d’espace médiatique à des pourvoyeurs de merde tels que ces deux-là.

Je n’ouvrirai même pas son programme tant cela ne m’intéresse pas. Je voudrais juste lui dire d’où je viens. Moi aussi j’ai grandi en banlieue et moi aussi je viens d’un milieu modeste, disons plutôt moyen que modeste et moi aussi j’en suis fier. Mais moi, Monsieur, j’ai été à l’école avec des africains, des arabes, des turcs, des vietnamiens, des libanais, des musulmans, des juifs, des hindous, pas beaucoup de cathos j’avoue et j’en suis également fier. Hasard du calendrier ou concours de circonstance, j’ai regardé Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? (1) ce soir avec mes enfants, un film, plus précisément une comédie légère, et le mot est sans doute faible, qui raconte l’histoire d’une famille bourgeoise dont les quatre filles se marient avec un musulman, un juif, un chinois et un noir. Un film qui a fait 13 millions d’entrées en salle depuis 2014, un film qui se joue encore dans certaines petites salles et que 85% des utilisateurs de Google ont aimé. C’est ça la France Monsieur Zemmour, une grande et vieille famille bourgeoise, qui vit dans une belle maison, et qui se mélange avec des arabes, des chinois, des juifs, des noirs et tout ce que ce pays compte de diversité. Alors oui, si on regarde Bac Nord (2) ou Les Misérables (3), on n’a pas tout à fait le même tableau et on se dit qu’il y a un truc qui déconne dans ce pays. Mais je me suis déjà exprimé sur ce point, je pense que la gauche ne devrait abandonner le sujet de la sécurité et de l’immigration à la droite, voire à l’extrême droite. Ce n’est pas parce qu’on vit dans le centre de Paris qu’on doit laisser tomber ceux de la banlieue et mater ceux qui y foutent le bordel. Voilà ce que nous dirait sans doute Michou (5). Vous surfez sur cette vague, eh bien surfez ! On verra bien où votre planche vous emmènera, en espérant pour vous que personne ne vous en fournisse trois autres. Pour que la France reste la France dites-vous, eh bien sachez que votre France moisie n’est pas la mienne.

En ce qui me concerne donc, je viens de répondre au questionnaire du Monde, que ma femme vient de m’envoyer à cette heure tardive, plus de minuit, et donc jour d’élection. Apparemment, vu les idées qui sont les miennes, je suis le plus proche d’Hidalgo, Jadot, sans doute mon côté bobo qui ressort, et en troisième de Charles Trenet, non pardon de François Roussel.

Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t'ai gardée dans mon cœur

Mon village au clocher, aux maisons sages
Où les enfants de mon âge
Ont partagé mon bonheurOui je t'aime
Et je te donne ce poème

Oui je t'aime
Dans la joie ou la douleurDouce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t'ai gardée dans mon cœur (4)

Sources / Notes

(1) Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? de Philippe Chauveron, 2014

(2) Bac Nord, de Cédric Jimenez, 2020

(3) Les Misérables, de Ladj Li, 2019

(4) Douce France, de Charles Trenet, 1947

(5) La Crise, de Colinne Serreau, 1992. Le rôle de Michou est interprété par Patrick Timsit.

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