Les copains d’abord !
Je viens de terminer deux billets sur les migrants, un sur le trafic de cannabis, et j’en prépare un autre sur le diable, pas le Diable avec un grand D, qui n’existe pas au demeurant, mais plutôt ses incarnations ici-bas, qui eux existent bien, malheureusement. Alors, pour me changer les idées, j’avais besoin d’un sujet plus léger, j’avais besoin qu’on me fasse marrer ou qu’on m’éblouisse, j’avais besoin d’un truc chouette, qui mette du baume au coeur, un truc cool, un truc comme l’amitié, tiens. C’est à ce moment que je suis tombé sur le portrait croisé de Jonathan Cohen, Pierre Niney et François Civil (1). Unis comme les trois doigts de la main, ces trois-là.
Alors, je sais ce que vous allez me dire. Une main n’a pas trois doigts mais cinq, à part celle de Casimir. Et pourquoi pas, c’est peut-être à Casimir, de l’Ile aux enfants, que je faisais allusion, qu’en savez-vous après tout ? Et pourquoi croyez-vous que j’ai appelé mon fils Hippolyte, le copain de Casimir, hein ? Non, bon, ok, j’arrête. Figurez-vous que je le sais très bien qu’une main a cinq doigts et non trois mais je voulais faire un clin d’oeil aux vannes absurdes que ces trois amis s’envoient dès qu’ils ont l’occasion d’être ensemble, sur un plateau ou pour une interview/shooting comme ici pour GQ. Et puis deux d’entre eux ont tourné dans le film Five (2), un film de potes, des potes unis comme les cinq doigts de la main cette fois, d’où le titre. Je voulais m’en inspirer mais en mode débile, vous voyez ? Non ? Pas grave 🙁
J’ai découvert Jonathan Cohen dans la série Family Business où il joue le rôle d’un fils d’un boucher interprété par l’inoxydable Gérard Darmon, qui propose à sa famille de se lancer dans le trafic de beuh (lire Cannabisness pour plus d’infos sur ce sujet). Dans cette série décalée et désopilante, JoCo (rien à voir avec le tennisman) est irrésistible. On ne se dit pas, voilà le nouveau comique français des vingt prochaines années, le nouveau De Funès ou le nouveau Pierre Richard, non. Mais il se dégage de son humour une telle bienveillance, une telle gentillesse, qu’on aurait bien envie d’être son ami. On comprend alors ce qui peut le lier à ses deux comparses que sont Pierre Niney et François Civil.
Est-il nécessaire de présenter Pierre Niney, césarisé pour son incarnation d’Yves Saint-Laurent dans le film éponyme. Ce Niney, à l’allure de minet, sociétaire de la Comédie Française, on doit obligatoirement le mentionner au générique des films dans lesquels il tourne donc je le fais aussi ici, je ne voudrais pas froisser Môsieur le Sociétaire, sait tout jouer avec la même puissance : du théâtre classique de Molière forcément aux comédies loufoques telles que le prochain OSS 117, en passant par des drames (Sauver ou périr), des films d’aventure (L’Odysée), des polars ( L’homme idéal, Boîte noir bientôt) et même un tas de films légers tels que 20 ans d’écart, LOL ou encore Five, j’y reviens, où il donne la réplique à François Civil.
François Civil, c’est l’étoile montante du cinéma français, un monde dans lequel il est entré par hasard, sans savoir où il allait ni ce qu’il venait y faire au juste. Il a vu de la lumière, il est entré et celle-ci ne l’a plus quitté. Car François a quelque chose pour lui qu’on ne peut ni acquérir, ni travailler, ni même améliorer avec l’expérience, quelque chose qu’on a ou qu’on n’a pas, François a une putain de gueule de cinéma. Dans Five, où il joue le plus crétin des cinq, celui qui trafique de l’herbe, décidément le cannabis est vraiment partout dans mes derniers billets et je n’en fais même pas exprès, croyez-le ou pas, donc son charisme ne saute pas forcément aux yeux. Mais mettez-le dans Le chant du Loup, d’Antonin Baudry, le génial touche à tout à qui l’on doit la BD Quai D’Orsay, et ça change tout. Vous y verrez sans doute comme moi un grand acteur en devenir. J’attends avec impatience de voir Bac Nord où on le retrouvera aux côtés de Gilles Lelouche dans un Marseille aux allures du Naples de Gomorra. Cela promet.
Quand on observe ce trio, on se dit qu’on aimerait bien faire partie de leur bande tant leur amitié paraît sincère, malgré la concurrence inévitable du métier d’acteur, un métier en trompe l’oeil où les paillettes et les sentiments sont le plus souvent factices et les coups bas plus nombreux que les coups de main. On a le sentiment que l’amitié sincère a le pouvoir de les protéger de tout ça. Ils ont aussi quelque chose d’une autre bande d’acteurs, celle d’un Eléphant ça trompe énormément, les regrettables et regrettés Guy Bedos, Claude Brasseur, Victor Lanoux et Jean Rochefort. Il en manque juste un pour ressusciter ces mousquetaires de la comédie.
Aristote le Grec pensait, nous rappelle Marie Robert dans son podcast Philisophy is Sexy, que l’ami est un autre soi même, un alter ergo, l’amitié une manière morale de se comporter entre gens de bien, une condition du bonheur, le ciment de la communauté politique, ce qui devrait lier les citoyens entre eux. Cicéron le Romain en faisait le pilier de la vie en société dans la mesure où celle-ci est véritable et sincère. Montaigne quant à lui, qui croisa un jour le chemin de La Boétie, comprit que l’ami est cet être rare et cher qui nous révèle à nous-même. Parce que c’était lui, parce que c’était moi.
L’amitié, la vraie, c’est ce lien étrange, indéfectible qui rend les âmes inséparables, même si les êtres vivent chacun leur vie de leur côté. Avoir un bon copain, ou une bonne copine, c’est, pour en revenir à Aristote, la condition du bonheur et ce depuis nos tout premiers jours. Je le vois en observant mes enfants. Ils ne sont jamais si heureux que lorsque leurs copains sont là et déprimés lorsque ceux-ci sont repartis. Ma fille est toujours proche de son amie Lea, qu’elle a rencontré dès ses premiers jours de crèche. Elle avait trois mois. Ces deux-là ne se quittent pas, nous disaient les assistantes maternelles. Plus de dix ans après, elles ont chacune leur vie en effet, chacune leurs copines, leur école mais le lien reste, un lien noué dans les tous premiers mois de leur existence. Parce que c’était elles.
Et pour terminer ce billet léger, un peu de Brassens, ça ne peut faire que du bien.
Non, ce n’était pas le radeau
De la Méduse, ce bateau
Qu’on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards
Et s’appelait les Copains d’abord
Les Copains d’abord…
Références
(1) Bande originale, portrait de Jonathan Cohen, Pierre Niney et François Civil, GQ n°149, 28 avril 2021
(2) Five, film de 2016 réalisé par Igor Gotesman avec entre autres Pierre Niney et François Civil.
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