Mister T.
Les Grecs ont Aristote Onassis, nous avons Bernard Tapie.
J’aime bien prendre le train ou l’avion et fréquenter les gares et les aéroports car on y trouve des boutiques Relay, cette sorte de caverne d’Ali baba où on peut acheter des livres, des magazines, des bonbons, des gadgets inutiles, de l’eau, des kleenex… bref tout ce dont vous avez besoin, ou pas, quand vous voyagez. C’est là que j’ai trouvé le dernier livre de Franz Olivier Giesbert consacré à Bernard Tapie.
Je pensais tout connaître ou presque du parcours de Bernard Tapie car étant né sous Giscard, c’est à dire au milieu des années 70, j’ai en quelque sorte grandi avec Tapie. En tout cas, je me souviens très bien de son émission Ambitions, diffusée entre 1986 et 1987 sur TF1. Je voyais ce beau gosse débarquer sur la scène avec son costard à la nanard et son assurance à toute épreuve, nous parler d’entreprise. Le concept n’était pas encore très clair pour le gamin de douze treize ans que j’étais mais je me disais, je ne sais pas ce que c’est l’entreprise, mais c’est ça que je veux faire. Dans le bouquin de FOG, on apprend que des entrepreneurs tels que Xavier Niel (Free), Marc-Antoine Granjon (Veepee, ex Ventes privées) ou encore Marc Simoncini (Meetic), excusez du peu, confient avoir été très influencés par cette émission et la personnalité de Bernard Tapie pour leur choix de vie professionnelle.
En même temps, qui n’a pas été impressionné par Tapie ? Franchement. Un ptit gars du 9-3, comme on dit, fils d’ouvrier qui vivait avec ses parents et son frère dans vingt mètres carrés où on faisait ses besoins dans un sot, qui devient trente ans plus tard milliardaire et patron de la plus grande marque de sport au monde à l’époque (Adidas), ce n’est pas banal tout de même. Après, il y en a certainement beaucoup d’autres des destins comme celui-ci dans le monde, Steeve Jobs, le fondateur d’Apple, était bien orphelin. Mais des parcours aussi éclectiques, on peut même dire rock’n roll, que celui de Tapie, il n’y en a pas beaucoup, car cet homme a réellement eu mille vie.
Sportif (il habitait en face d’un stade et y passait toutes ses journées quand il était gamin), musicien et grenouille de bénitier (il se découvre par hasard vers dix ans une passion et un talent pour le violon qui le feront jouer dans des églises ou dans de vraies salles de spectacles), livreur de charbon (pour arrondir les fins de mois de la famille), vendeur de télé (un jour un gars était venu lui vendre une télé et s’était vu à la place prendre un cours de méthode de vente qui fit sa fortune), entrepreneur bien sûr, ou plutôt repreneur d’entreprises (Wonder, Terraillon, La Vie Claire, Adidas, La Provence…), patron d’équipe de vélo (vainqueur du Tour de France avec Bernard Hinault sous les couleurs de La Vie Claire), patron de l’Olympique de Marseille (le seul club à avoir gagné la Ligue des Champions à ce jour, malgré les efforts et les milliards des Qataris), marin (détenteur du record de la traversée de l’Atlantique), Ministre (gouvernement Béregovoy), Député des Bouches du Rhône (de 1986 à 1989 et de 1993 à 1996), taulard (pour avoir prétendument enterré dix mille balles dans le jardin de la grand-mère d’un joueur de football de Valenciennes, même Audiard n’aurait pas osé mettre ça dans un scénario), acteur de théâtre (Vol au dessus d’un nid de coucou), et de cinéma (Homme, femmes mode d’emploi, Un beau salaud…), patron de presse (La Provence), père de famille (marié deux fois, quatre enfants), etc. etc.
Alors quand Franz-Olivier Giesbert lui demande s’il a des regrets, celui-ci éclate de rire et lui réponds : « Avec la vie que j’ai eue, tu penses sérieusement que je peux avoir des regrets ? » C’est sûr !
Et pourtant, certains choix de Bernard Tapie restent de l’ordre du mystère. Comment par exemple un type qui a grandi en face d’un stade et dont le sport restera une, si ce n’est La grande passion de sa vie, qui devient le patron d’une équipe de foot prestigieuse, connue dans le monde entier et en même temps celui d’une marque de sport mondiale, peut se dire, allez zoo je vends tout pour devenir Maire de Marseille et peut-être ensuite, si Dieu le veut (à l’époque c’est comme ça qu’on appelait Mitterrand) Président de la République française. Brader son empire pour aller se jeter dans la fosse aux lions ! Mais pourquoi ? Voilà une question qui reste sans réponse car le livre ne nous apprend rien sur ce point. Les Romains disaient que du Capitol, demeure des empereurs, à la Roche Tarpéienne, d’où on jetait les condamnés à mort, il n’y avait qu’un pas, cette formule s’applique parfaitement à Bernard Tapie.
Car après avoir atteint les sommets, Tapie est aujourd’hui condamné à rembourser les centaines de millions d’euros qu’il a touchés suite à l’arbitrage mis en place pour régler l’affaire Adidas-Crédit Lyonnais et atteint d’un cancer depuis plusieurs années.
Cet homme ne laisse personne indifférent, non. Certains le détestent, arguant qu’il a construit sa fortune sur le dos des salariés des entreprises qu’il a reprises et revendues après y avoir « fait le ménage ». C’est oublier que reprendre une entreprise vous amène forcément à prendre des décisions difficiles et à se séparer de certaines activités et de certains collaborateurs. C’est comme ça que cela se passe et ce n’est pas Tapie qui a inventé les règles du jeu du monde économique. Il était juste plus malin que les autres, au bon endroit, au bon moment et avec les bons appuis.
En tout état de cause, je ne veux pas porter de regard moral sur son parcours, qui suis-je pour le faire ? Pour moi, qui le regardait sur TF1 dans les années 80, Bernard Tapie restera quelqu’un d’une grande classe, doublée d’une grande gueule. En tout cas, comme il le dit, une sacrée putain de Vie. Sans regret, non !
Références
Bernard Tapie, leçons de mort et d’amour, Franz Olivier Giesbert, Les Presses de la Cité, 2021
-
# CinémiX
Les copains d’abord !
7 août 2021Je viens de terminer deux billets sur les migrants, un sur le trafic de cannabis, et j'en prépare un autre sur le diable, pas le Diable avec un grand D, qui n'existe pas au demeurant, mais plutôt ses incarnations ...Lire la suite -
# CinémiX
Un p’tit truc en plus
17 août 2024En dehors des JO, cet été vous avez peut-être fait comme dix millions de Français, vous êtes allés voir le premier film d'Artus, Un p'tit truc en plus (1). Un p'tit truc en plus, c'est d'ailleurs aussi ce qu'il faut ...Lire la suite
Catégories
- Toutes les catégories
- # ArtiX(1)
- # BooX(4)
- # CinémiX(35)
- # CitizenX(31)
- # EcologiX(23)
- # EconomiX(28)
- # FoodiX(5)
- # GeographiX(3)
- # GeopolitiX(7)
- # HistoriX(13)
- # Madame Y(22)
- # MetaphysiX(5)
- # Monsieur X(15)
- # MusiX(13)
- # NefliX(1)
- # NeXt(1)
- # PandémiX(8)
- # PhilosophiX(16)
- # PolitiX(70)
- # SériX(1)
- # SeX(6)
- # SociétiX(65)
- # SportiX(13)