# PandémiX

Au service de la France

25 mai 2021

Il y a chez nous les Français un côté grotesque à nous croire au centre du monde alors que démographiquement, économiquement, diplomatiquement, nous ne pesons rien sur la scène internationale. A l’image de cette rencontre entre Sarkozy et Poutine que l’on raconte en off, comme on dit (1). Tout juste élu président en 2007, Sarkozy veut jouer le coq, bomber le torse et montrer sa désapprobation notamment vis à vis de la politique russe en Tchétchénie. Poutine répond d’abord par le silence puis riposte en rapprochant son pouce vers son index pour ramener la France à ce qu’elle est réellement dans le grand bain mondial, un nain monté sur des talonnettes.

Heureusement qu’on a un peu d’humour et qu’on sait aussi se moquer de nous même. Comme dans la série Au service de la France (2), où des agents des services secrets français, dans les années 50, enchaînent les gaffes les unes après les autres, que ce soit en Afrique, au coeur de l’Algérie indépendantiste ou dans l’URSS de Kroutchov. La scène de la bombe atomique transportée sur la galerie d’une vieille 2CV en plein Sahara pour y faire nos premiers essais nucléaires, j’adore.

Il y a quelque chose de cet ordre là dans la façon dont l’Institut Pasteur a abordé la recherche d’un vaccin au covid-19. Alors que le monde entier est submergé par une pandémie sans précédent, l’Institut Pasteur, un des leaders historiques dans le domaine des vaccins, se paie le luxe de s’offrir une guerre des ego entre chercheurs, comme le révèle une enquête de Paris Match de février 2021. Le plus fou dans cette histoire, c’est que l’ARN messager, technologie au coeur du vaccin proposé par Pfizer/BioNTech a été découverte par quatre Pasteuriens, découverte qui leur valut le Prix Nobel de médecine en 1965 (3). Mais près de soixante après, l’Institut fonctionne comme un ensemble de baronnies qui travaillent chacune de son côté sans concertation ni synergie, quitte à s’apercevoir plus tard qu’elles travaillent sur des projets identiques. Cela rappelle étrangement le développement de la Vel Satis chez Renault, pendant que chez Matra, filiale de Renault, on construisait la même voiture mais avec un nom différent : l’Avantime. Plutôt que d’avancer, Matra a reculé pour finir par fermer quelques années après. On est vraiment pas loin de la 2CV avec sa bombe nucléaire sur le toit de la série.

Ainsi, pendant que les chercheurs de Pasteur jouaient à mesurer leurs ego, Özlem Türeci et Ugur Sahin, les deux fondateurs de BioNTech trouvaient un accord avec Pfizer pour développer le premier vaccin mis sur le marché en un temps record. Il y a malgré tout une part de chance dans ce dénouement car comme l’expliquent les deux chercheurs, leurs travaux portaient initialement sur des traitements contre le cancer. Par ailleurs, l’ARN messager étant relativement instable, très peu de laboratoires voulaient prendre le risque de miser dessus. Il fallait donc une bonne dose d’audace pour investir autant sur cette molécule capricieuse, et c’est à des Turcs émigrés en Allemagne et financés en partie par des Américains qu’on le doit. La mondialisation a parfois du bon.

Doit-on pour autant considérer qu’il s’agit d’un échec pour la France ? Clairement oui ! Car la France a beau être un petit pays, nous y avons des ressources considérables : écoles, instituts de recherche, grands laboratoires, infrastructures, apéros… Mais nous ne savons pas les mettre en valeur et faire travailler tout ce petit monde ensemble. Ainsi nous perdons des chercheurs, des projets et des brevets qui profitent à d’autres, Américains en tête. Emmanuel Macron peut se mettre en colère et qualifier ce fiasco d’inadmissible, le même « inadmissible » que Sarkorzy avait servi à Poutine avant de se faire renvoyer dans les cordes, comme un poids mouche qui aurait défié Mohammed Ali, cela ne change rien à l’affaire.

Qu’il sorte de la posture et se mette réellement au service de la France. Etre au service de la France, c’est par exemple empêcher des entreprises comme Sanofi, dont la branche production de vaccins de Pasteur fait partie du groupe et dont le président du conseil d’administration n’est autre que Serge Weinberg, l’homme qui avait parrainé Emmanuel Macron pour rentrer chez Rothschild, de réduire les effectifs en R&D en France pour mieux dépenser des milliards en acquisitions aux Etats-Unis.

Etre au service de la France, c’est défendre l’intérêt général et non les intérêts particuliers. C’est ce qu’on apprend en première année à l’ENA et qu’on s’empresse d’oublier une fois sorti.


Références

(1) Comment Sarkozy s’est fait humilier par Poutine, documentaire de Nicolas Henin, 2007.

(2) Au Service de la France, série en deux saisons diffusée sur Arte à partir de 2015. Egalement disponible sur Netflix. A voir sans faute pour tous ceux qui ont aimé OSS 117.

(3) François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff obtiennent en 1965 le Prix Nobel de Médecine pour leur découverte de l’ARN messager dont ils ont mené la recherche fondamentale à l’Institut Pasteur. L’ARNm est utilisé par BioNTech pour son vaccin contre le covid-19 développé en partenariat avec Pfizer, le principal vaccin utilisé aux Etats-Unis et en Europe.

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