# CitizenX

Ecrire pour exister

23 septembre 2021

Ma fille de 11 ans me demandait l’autre jour : pourquoi tu écris papa ? Puis juste après, est-ce qu’il y a des gens qui lisent ce que tu écris ? Elle est de cette génération où le succès se compte en abonnés ou en followers, au point que cela en devient l’objectif, si ce n’est unique, au moins principal, le but ultime étant, évidemment, d’en tirer une rémunération ou une certaine forme de célébrité, éphémère bien entendu.

Seulement, je ne suis pas de cette génération là. Je suis un vieux de la vieille, déjà, mais ces deux questions m’intéressent néanmoins.

Pourquoi est-ce que j’écris ?

J’écris parce que écrire est pour moi aussi essentiel que parler. Or je ne vais pas parler tout seul comme un con dans mon bureau, donc j’écris. J’ai toujours écrit. Bien sûr, j’ai commencé par parler, beaucoup apparemment, selon mes parents. Mais dès que j’ai su aligner deux phrases consécutives, puis trois, puis quatre, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de limite. J’écrivais des cahiers de vacances, au jour le jour, je décrivais tout ce que je voyais, vivait, ressentait, les gens que je rencontrais. J’écrivais et dessinais des bandes dessinées avec mon oncle Yves comme personnage principal. Je lui faisais vivre des aventures à la James Bond, sauf que j’avais remplacé l’Aston Martin par une Citroën BX. Oui, je sais, c’est pas la même chose, mais on fait des histoires avec ses propres matériaux, inspirations et on prend ce qu’on a sous les yeux. J’écrivais des lettres enflammées à des copines qui me prenaient pour un bouffon. Au lycée, je rédigeais de longues dissertations de français très travaillées. Je me souviens d’ailleurs d’une fois où la prof avait lu des extraits d’une copie, extraits qu’elle trouvait formidables. Tous provenaient de ma dissert. J’étais fier et me suis dit, je vais avoir une note canon. Et bim, 7/20. La gueule de bois ! J’avais des idées, plein d’idées même, de belles tournures de phrases, mais j’étais nul en orthographe. Je me disais, qu’importe le contenant, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le fond m’intéressait davantage que la forme. Bon, j’ai fait des efforts pour soigner cette vilaine orthographe, je n’allais tout de même pas me taper des notes pourries toute ma vie à cause d’un manque d’effort et de concentration, et j’ai continué à écrire, car encore une fois, écrire est pour moi un exercice vital, au même titre que respirer, boire ou manger, très haut sur la pyramide de Maslow.

Ecrire, raconter sa vie ou celle d’un autre est une chose, mais cela s’inscrit ici dans une démarche spécifique. J’ai créé le site Citizn.org en réaction au grand débat national organisé par Emmanuel Macron et Edouard Philippe pour sortir de l’ornière dans laquelle ils s’étaient mis avec les gilets jaunes. Je trouvais l’initiative intéressante et beaucoup de Français aussi puisque nous avons été des millions à faire des contributions, sur papier ou sur internet, croyant naïvement à l’utilité démocratique de la démarche. La déception fut à la hauteur de l’espérance quand après l’incendie de Notre Dame, notre cher président déclara qu’il n’y aurait ni synthèse, ni mesure particulière à la suite du grand débat puisqu’il avait été élu sur un programme et qu’il entendait aller jusqu’au bout. Il allait à présent s’attaquer à la réforme des retraites. Dont acte ! J’ai donc créé Citizn.org pour pouvoir faire émerger et promouvoir les idées citoyennes, que ce soit au niveau local ou national.

Puis le Covid est arrivé et tous les bars et lieux de discussions spontanées ont fermé. M’est alors venu l’idée, le besoin plus exactement, de recréer mon café du commerce à moi au travers de ce petit journal d’un citoyen ordinaire. Au café du commerce, on parle de tout, de politique bien sûr, mais aussi de sport, de sujets de société, d’économie, d’écologie, de philosophie, du dernier film qu’on a vu, de potins mondains, etc. etc. Voilà le sens de ma démarche. Je tiens aujourd’hui ce petit journal pour m’exprimer, donner mon avis sur des sujets divers et variés, comme je le ferai avec des potes au café d’en bas.

Est-ce qu’il y a des gens qui lisent ce que j’écris ?

Bon il y a déjà ma mère, ma tante et mes deux chats, ce qui est pas mal, mieux en tout cas que le nombre de téléspectateurs devant les films de BHL diffusés en pleine nuit sur le service public, et ce malgré leur intérêt majeur, cela va sans dire.

Plus sérieusement, je n’en sais rien car je ne regarde jamais les statistiques, et surtout cela ne m’intéresse pas. Je n’écris pas pour être lu, du moins ce n’est pas ma préoccupation initiale. J’écris pour exprimer des idées et faire réfléchir, bousculer même parfois, cela ne me dérange pas, au contraire. Cela fait toujours plaisir quand quelqu’un vous dit, j’ai lu votre texte et j’ai trouvé ça super. Bien entendu, dirais-je. Mais ce n’est pas mon moteur. Ce serait ridicule d’ailleurs car je ne suis pas un auteur américain à succès, vendant ses romans à des millions d’exemplaires. Je ne me considère même pas comme un auteur à proprement parler, mais plutôt comme un type ordinaire qui écrit parce que cela l’amuse, parce que cela le stimule et lui fait du bien.

Voilà ma chérie, ton père écrit, depuis toujours ou presque, parce qu’il aime ça, tout simplement, que cela fait partie de sa vie, cela l’équilibre. Combien de personnes lisent ce que j’écris ? Trois, trois cents, trois mille, trois millions… ? Vous trouvez que je m’emballe un peu vite peut-être ? Sans doute, disons alors entre trois et trois millions, à la louche. Mais franchement, peu importe.

Quelques temps après, ma fille, toujours elle, se souvenant peut-être de cette conversation, me propose de regarder le film Ecrire pour exister, avec Hilary Swank, deux fois oscarisée pour son rôle dans Boys don’t cry et dans Million Dollar Baby. Le film raconte l’histoire d’une jeune prof dans un lycée un peu « chaud », c’est à dire un établissement où l’on passe plus de temps à se défier entre gangs qu’à lire des livres. Erin a beaucoup de mal à se faire respecter et à intéresser les élèves au début mais grâce au Journal d’Anne Franck, parvient à accrocher leur attention, leur montrer que quelle que soit leur origine, qu’ils soient latinos, asiatiques, noirs ou blancs, ils ont plus de points communs que de différences, que leur vie, leurs interrogations, leurs frustrations et leurs souffrances se ressemblent plus qu’ils ne le pensent. C’est cette vie qu’elle leur propose d’écrire dans un journal personnel, comme le fit Anne Franck en son temps. Ce film est inspiré d’une histoire vraie et tellement inspirant. En le voyant, en tout cas, je me suis reconnu, quelque part moi aussi j’écris pour exister.

En commençant ce petit journal le 3 novembre dernier, je m’étais lancé le défi d’écrire au moins cent billets.

Celui-ci est le centième !

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