Voter à gauche
Examinons d’abord les six candidats de gauche, du plus à gauche à celui qui se rapproche le plus du centre.
Première difficulté, qui est le plus à gauche entre Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ? Entre le nouveau parti anticapitaliste (NPA), qui n’a plus rien de nouveau, et Lutte Ouvrière, qui n’est pas nouveau non plus mais a rajeuni quand Arlette Laguiller a cédé sa place à Nathalie Arthaud. L’une était employée de banque, l’autre prof d’économie, pas vraiment des ouvrières mais bon ! J’ai un faible pour Poutou parce qu’il est sympa. J’avais aussi un faible pour Besancenot avant lui parce qu’il est facteur et que je suis un ancien facteur CDD temps partiel (pour financer mes études), fils et petit fils de facteur. Et aussi parce qu’il avait un aplomb terrible, l’un des animaux politiques les plus agiles que j’ai entendus. Mais bon, la première proposition du NPA, c’est d’exproprier les laboratoires pharmaceutiques, ce qui signifie que je vais me retrouver fonctionnaire, franchement sans façon. Il y a néanmoins des idées intéressantes, surtout pour les personnes concernées : SMIC à 1800 euros, retraite à 60 ans, semaines de 32 heures, gratuité des transports publics, plafonnement des indemnités de élus, mais on ne sait pas comment ils financent tout ça. La finance et la gauche ne font pas bon ménage apparemment. « Le capitalisme, c’est la guerre ! » déclarent-ils, euh le communisme aussi les gars. L’Homme c’est la guerre, serait une vision plus juste, me semble-t-il. Toujours est-il que LO et NPA, même combat ! Ils devraient songer à faire liste commune pour espérer dépasser les 1%.
Ensuite, Fabien Roussel, du PCF. On ne dit plus Parti communiste, car l’histoire nous a montré avec Staline, Mao et Pol pot, entre autres tyrans, où nous emmène le communisme dans la vraie vie, au massacre d’une partie de la population par l’autre. Ce qui n’est pas si différent des autres formes politiques mais il est vrai que nous les capitalistes n’avons pas massacré les Gilets Jaunes, à part quelques yeux, nez, bouches et boîtes crâniennes enfoncées par ci par là. Mais Fabien Roussel est l’opposé de Staline, Fabien Roussel, c’est Charles Trenet. Y a d’la joie, bonjour bonjour les hirondelles, y a d’la joie, dans le ciel par dessus le toit, et du soleil dans les ruelles, y a d’la joie, partout y a d’la joie… Il est sérieux lui avec sa France des jours heureux ? Lui aussi se prend pour Robin des bois avec un revenu de 850 euros pour les étudiants, bons ou mauvais, en cours ou au bistrot, et nationaliser les banques, enfin non, pas toutes, juste les grandes banques, est-il écrit. Là, les moyennes et les petites banques poussent un ouf de soulagement. Et aussi UNE compagnie d’assurance. Qui va être l’heureuse élue ? Tout ça est gentil, très gentil, rafraîchissant, mais ce n’est pas sérieux. Il ne lui manque plus que la chapeau de Charles Trenet, c’est dommage.
Mélanchon ! Je n’ai jamais aimé Mélanchon et je pense que je ne l’aimerai jamais, bien que les propositions de la France insoumise m’intéressent car ce sont celles qui nous rapprochent le plus d’une Sixième République, d’une nouvelle donne démocratique. Mais je ne peux pas voter pour quelqu’un qui veut nous faire croire qu’il est hors du système politique alors qu’il est dedans jusqu’au cou, nourri par lui depuis toujours : maire, conseiller général, sénateur, député, ministre, député européen, président de parti, ce type a bouffé à tous les rateliers politiques, a eu tous les mandats, il ne lui manque plus que le poste suprême tant convoité : Président de la République. Je fais partie de ceux qui pensent que la politique ne devrait pas être une profession, et encore moins une profession à vie, avec des avantages à vie. Vous me direz qu’on peut voter pour des idées et non pour un homme, ou une femme. Je vous répondrais que vous avez raison mais l’homme est ainsi fait, et je ne suis pas différent des autres sur ce point, qu’il a besoin d’incarnation pour concrétiser des idées. Tous les mouvements politiques qui ont essayé d’exister sans leader charismatique n’ont pas réussi à émerger. Jesus-Christ, Napoléon, Gandhi, Poutine… les hommes suivent des hommes qui les emmènent on ne sait trop où, en enfer sans doute ! Ainsi soit-il. Mélanchon a beaucoup de charisme, personne ne dit le contraire, il est drôle même, intelligent, mais je ne voterai pas pour un profiteur patenté de la chose publique.
Un cran plus à droite, mais toujours à gauche, Anne Hidalgo, la candidate des bobos, elle aussi nourrie par la politique depuis qu’elle a l’âge de travailler. A la différence de Mélanchon, elle n’a ni charisme ni humour et hérité d’un parti moribond, réduit en cendres par Hollande et Macron. On la sent sensible aux problèmes sociaux, écologiques et démocratiques. Pas un mot par contre sur l’immigration ou la sécurité, à gauche, on préfère laisser ces sujets à la droite, de peur d’effaroucher les biens pensant du centre de Paris. Parce que Porte de la Chapelle, on a une idée un peu plus concrète de ce qu’est l’immigration. A chaque fois que ce sujet de la sécurité et de l’immigration vient sur la table, une scène du film La crise (1) me revient en mémoire. On y voit une famille bourgeoise recevoir un pauvre type interprété par Patrick Timsit, qui leur dit qu’il est raciste. La famille est ulcérée. Vous savez Michou, lui répondent-ils, c’est très mal d’être raciste. Et Michou de leur répondre, que c’est plus facile de condamner le racisme quand on habite le 5ème à Paris que quand on habite Saint-Denis. Bien entendu, c’est simplifier, caricaturer que de présenter les choses ainsi. Mais en abandonnant certains sujets à la droite, dont l’immigration et la sécurité, la gauche se coupe d’une partie des Français dont la vie quotidienne est difficile. C’est bien beau de vouloir des vélos et des voitures électriques pour tout le monde, sauf que ça ne résout pas les vrais problèmes de la plupart des gens. Pour voir le décalage de cette gauche caviar, il suffit de prendre juste la première proposition : « Augmenter le SMIC de 200 euros nets par mois pour que chacun puisse vivre décemment de son travail ». Qui peut penser une seconde qu’on vit « décemment » avec entre 1300 et 1400 euros par mois ? Surtout quand ceux qui écrivent ça habitent Paris, où un studio vous coûte 1500 euros. Ils ne sont pas sérieux les gens qui écrivent de tels programmes, et ils prennent les gens pour des cons. Remarquez il y a pire, Emmanuel Macron propose une revalorisation de 100 euros. Lui pense carrément que les Français demandent l’aumône. Le moment n’est pas venu cependant de parler d’Emmanuel Macron, puisque ce billet est consacré aux candidats de gauche.
Last but not least, comme on dit chez les Rosbifs, Yannick Jadot veut lui « faire face ». Et c’est ce qu’il fait parce qu’il occupe plus de 50% de la page de garde de sa profession de foi. Malgré de beaux yeux bleus, ce n’est pas très ragoutant de voir quelqu’un d’aussi près, le nez paraît immense, on voit toutes les rides et les défauts et on oublie qu’il ne s’agit pas d’un concours de beauté, encore que. Ou un concours de la plus belle vache, car, nous rappelle Jadot, « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. » C’est élégant l’écologie parfois ! Après, ce n’est pas le plus moche des candidats écolos que nous ayons eus, surtout comparativement à Brice Lalonde ou Antoine Waechter, que ce soit avec ou sans perruque – là je suis méchant et je m’en excuse auprès de tous les gens souffrant de calvitie précoce, à commencer par mon beau père 😉
Le problème de l’écologie politique, c’est que, à l’image des rapports du GIEC, ils ne nous font pas rêver. Avec les écolos, il faut s’excuser en permanence de vivre, s’excuser d’allumer la lumière, de rouler avec sa voiture, d’avoir une voiture, de voyager, en avion qui plus est, l’horreur absolue, de faire ses courses chez Carrefour ou Auchan, d’acheter des vêtements, des meubles, de la déco, s’excuser d’avoir un téléphone, une télé, une poubelle, de tirer la chasse d’eau, etc. L’écologie, c’est le manuel du parfait petit humain, vivre sans dépasser les lignes, rouge ou verte, parce que la planète elle n’en peut plus de ces petits bons hommes qui salissent tout ce qu’ils touchent. Est-ce cohérent de voter écolo quand on est un occidental moyen, c’est à dire un individu qui roule, consomme, voyage, jette et pollue ? N’est-ce pas se donner bonne conscience si par ailleurs on ne change rien à son mode de vie. L’écologie, ça commence par changer ses propres habitudes avant de vouloir changer celles des autres. Je serais curieux de suivre Yannick Jadot une journée et voir comment il vit et surtout si la manière dont il vit est conforme aux principes écologiques. Sans doute aurais-je une illustration du mot paradoxe, plus communément exprimé selon la formule fais ce que je dis, pas ce que je fais, une formule que tout parent connaît bien. Car il y a un peu de ça aussi dans l’écologie politique, des gens qui vous disent, comme vos parents, fais pas ci, fais pas ça, et qui finissent par vous saouler. Il y a pourtant des idées intéressantes, là encore, dans le programme d’EELV : SMIC à 1500 euros, mieux que le PS mais moins que les 2000 euros de LO, TVA à 0% sur l’alimentation bio, 5,5% sur les transports publics, on s’étonne même que ce ne soit pas encore le cas. Remarquez, il ne faut s’étonner de rien. Je fais partie des heureux privilégiés qui ont une voiture électrique, enfin c’est celle de ma femme mais ça ne change rien à mon propos, et puis la propriété est un concept dépassé. La TVA sur les voitures électriques est de 20% figurez-vous, la même que sur les autres véhicules en fait. L’Etat nous dit encourager l’achat de véhicules électriques, ils le font d’ailleurs en proposant des primes à l’achat, ou bonus écolo, de plusieurs milliers d’euros, mais sur la TVA, qui est un vrai outil d’incitation, rien. N’est-ce pas incohérent ? Je retiens aussi cette proposition : la fin des EHPAD à titre lucratif, les suites sans doute de l’affaire ORPEA. On se dit qu’ils vont avoir du pain sur la planche avec cette mesure, car il va falloir nationaliser 55% des 7500 établissements existant en France. Quand je lis ça, je me demande simplement à quoi ça sert de faire des propositions que vous savez pertinemment irréalisables ? C’est un des grands mystères de la politique. A moins que la politique ne soit que cynisme et que les promesses, ou les propositions, n’engagent que ceux qui les lisent.
En tout état de cause, je ne voterai pas pour Yannick Jadot.
Voyons à présent les six candidats de droite : cliquez ici.
Sources / Notes
(1) La Crise, de Colinne Serreau, 1992. Avec Patrick Timsit, Vincent Lindon et Zabou Breitman
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