# SociétiX

Et mes fesses…

18 septembre 2022

Tu les trouves jolies mes fesses ? Demande Bardot à Piccoli dans Le Mépris (1). Jean-Luc Godard nous a quitté cette semaine à 92 ans. En toute franchise, je n’ai jamais vraiment aimé les films de Godard, ni même ceux de la Nouvelle Vague (2) en général. Je lui reconnais néanmoins un vrai talent, immense même, de la mise en scène où la musique avait toute sa place, une sorte de personnage en plus, et en particulier dans Le Mépris où le thème signé Georges Delerue est tout simplement inoubliable, tout comme la réplique de Bardot à propos de ses fesses. J’ignore si Piccoli aimait les fesses de Bardot mais le monde entier sans aucun doute, au moins s’agissant de la gent masculine.

Hasard du calendrier, France 5 diffusait le 12 septembre, la veille du décès de Godard, un documentaire sur les fesses (3). Les fesses, toutes les fesses, celles des femmes comme celles des hommes, pas d’un point de vue lubrique ou pornographique, en tout cas pas que, surtout les fesses comme phénomène de société. Il faut dire que les fesses occupent une place prépondérante dans l’imaginaire collectif et ce depuis que l’Homme est capable d’en faire une représentation à peu près digne de ce nom. Je veux dire par là que sur les fresques préhistoriques, on ne voit pas bien le derrière des petits bons hommes qui chassent le mammouth, cela ne semble donc pas être un sujet significatif pour les bipèdes de cette époque. Il est vrai aussi que leur niveau en dessin n’avait rien à voir avec Michel-Ange, la grotte de Lascaux n’a clairement pas la magie picturale de la Chapelle Sixtine.

Mais dès que les artistes ont su dessiner, peindre ou sculpter des fesses et des corps nus, ils n’ont plus arrêté. Normal, me direz-vous tant le corps est l’objet de tous les fantasmes, tous les désirs. Et certaines ont vite compris qu’elles pouvaient en tirer un avantage certain. C’est par exemple le cas de Marie-Louise O’Murphy qui entra dans l’histoire grâce à son séant. Originaire d’Irlande, elle fut peinte à 15 ans par Boucher (4) complètement nue, sur le ventre et les jambes écartées. Elle devint grâce à ce tableau scandale, rappelons qu’au XVIIIème siècle, ni Playboy, ni Lui, Ni Youporn n’existaient, l’une des favorites du roi Louis XV, fin spécialiste et consommateur de fesses comme tout bon roi qui se respecte. Celui-ci lui donnera une éducation, des titres, des domestiques et la vie de château qui va avec. Marie-Louis O’Murphy entra donc dans l’histoire en étant une des premières femmes connues à faire fortune grâce à son cul, bien avant Kim Kardashian.

On y retrouve aussi avec un certain plaisir cette Une mythique du magazine Elle de 2003 avec Emmanuelle Béart complètement nue, dans l’eau, de trois quart dos, laissant juste apercevoir le haut de ses fesses mais aussi des seins ronds et des tétons tendus. Ultra ultra sexy ! En tout cas, une vraie première pour un magazine féminin grand public. Sylvie Lancrenon, la photographe, essaie de nous vendre une histoire à l’eau de rose en prétendant qu’Emmanuelle Béart avait été prise par surprise. Bah voyons ! L’actrice fait le déplacement sur l’Ile Maurice avec toute une équipe de Elle pour un shooting photo, elle va se baigner nue au petit matin et elle est surprise que la photographe la suive et la shoote ? De qui se moque-t-on ? Déjà, qui va se baigner nue alors qu’il y a tout un aréopage de photographes, techniciens, stylistes qui s’affairent à proximité ? Et quand Emmanuelle Béart est interrogée en direct du festival de Cannes au JT du soir de France 2, celle-ci nous fait bien sûr du Béart : « Les gens parlent beaucoup mais pour moi c’était juste un moment de ma vie. C’est particulier d’être exposé de cette façon là. Mais je l’ai décidé et je l’assume ! » Bah encore heureux cocotte, personne ne t’a obligée à prendre l’avion pour Maurice et à te désaper au petit matin devant tout le monde sachant qu’à la base, les photos étaient prévues pour être habillées. Ah Emmanuelle Béart, merveilleuse Manon des sources… tout un roman ! A l’époque, c’était ses fesses qui étaient rebondies, pas ses lèvres.

Cela aurait été une faute journalistique que de ne s’intéresser qu’aux fesses des femmes, surtout dans un monde post Meetoo. Parce que évidemment, les fesses des hommes aussi, c’est sexy ! Et elles peuvent également créer la polémique quand elles ne sont pas représentées de manière aussi virile qu’il faudrait, comme celles de Michel Polnareff pour la pochette de son album Polnarevolution en 1971. C’était en effet le début de la révolution LGBT et ses représentations assumées, par exemple dans les oeuvres de Tom of Finland, cet artiste finlandais dont les personnages uniquement masculins ressemblent à s’y méprendre aux membres du groupe WMCA, blouson de moto, pantalon en cuir, lunettes de soleil et positions extrêmement érotiques. Au même titre que les femmes, les hommes devenaient des icônes sexuelles, en particulier dans le cinéma, et leurs fesses se devaient d’être à la hauteur. Jean-Paul Gauthier raconte d’ailleurs une anecdote marrante à propose de Bruce Willis, qui avait apparemment un gros paquet devant, mais le postérieur tristement plat. Il eut donc l’idée ingénieuse de rembourrer le costume du bad boy de La Tour infernale et du Cinquième Elément à l’endroit désiré, les push up fessiers pour les hommes venaient d’être inventés par notre Jean-Paul national.

Mais de manière générale, encore aujourd’hui en 2022, on voit peu de fesses au cinéma, sans doute la faute à Hollywood. Car les Américains n’aiment pas qu’on montre le sexe à l’écran. Cela ne les dérange pas de filmer des corps qui explosent dans tous les sens à coup de fusil, pistolet, pelle, pioche, machette, que sais-je encore, mais jamais vous ne verrez un zizi pendouiller ou pire en érection, une paire de seins ou une paire de fesses bringuebaler au gré des assauts d’un éventuel partenaire sexuel. Dans les films américains, les acteurs font l’amour en slip et en sous-tif car l’Amérique est pudique voyez-vous. Il est permis de tuer (deuxième amendement) mais pas tout nu !

Finissons sur une grosse touche d’humour avec la bande du Petit Rapporteur et son fameux reportage de Daniel Prévost dans le village de Montcuq (5), ne surtout pas prononcer le q à la fin de Montcuq, sinon ça devient tout de suite moins drôle. Ce village du Lot aux petites ruelles, c’est que Montcuq est étroit, voire parfois complètement bouché mais heureusement, la nuit, Montcuq est bien éclairé et l’hiver la mairie est bien chauffée, grâce au fameux poele de Montcuq. Si vous souhaitez vous y rendre, le mieux est encore de prendre le bus et descendre à l’arrêt de Montcuq. C’est de l’humour un peu potache j’en conviens, voire grossier, mais c’est tellement jouissif que je vous invite à revoir ce sketch sur Youtube, pas Youporn hein ;), tout comme ce documentaire de France 5, L’art du derrière, une folle histoire des fesses (3).


Sources / Notes

(1) Le Mépris, film de Jean-Luc Godard, avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli, 1963

(2) La Nouvelle Vague est un mouvement du cinéma français situé entre la fin des années 50 et la fin des années 60, avec des réalisateurs emblématiques tels que Godard donc, mais encore Truffaut, Rohmer, Chabrol, Resnais, Varda etc. Il s’agit d’un cinéma à l’opposé d’Hollywood et ses grands shows, un cinéma plus intellectuel, plus engagé et ce n’est pas un hasard car la plupart des réalisateurs cités précédemment étaient critiques aux Cahiers du cinéma avant de poser la plume pour prendre la caméra.

(3) L’art du derrière, une folle histoire des fesses, documentaire de France 5 réalisé par Elise Baudouin et Valentin Mollette, 2022.

(4) François Boucher est un peintre français représentatif du XVIIIème siècle. Une de ses oeuvres les plus connues est Le triomphe de Vénus (1740), exposé au musée national de Stockholm et représentant des personnages allégoriques nus : anges, nymphes, demi-dieux…

(5) Montcuq est un petit village du Lot popularisé en 1976 par un sketch du Petit Rapporteur avec Daniel Prévost.

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