# CinémiX

D’Artagnan vs Dantès

6 août 2024

Rrrr lala lala, je me suis posé une colle tout seul sur ce coup-là. D’Artagnan ou Dantès ? Les Trois Mousquetaires ou Le Comte de Monte-Cristo ? Dumas ou Dumas ? Et surtout, plus actuel, Civil ou Niney ? Comment choisir entre ces deux potes dans la vie comme à l’écran (voir Five, le film de leur autre pote Igor Gotesman), choix cornélien entre l’ancien pensionnaire de la compagnie de Molière et celui qui a commencé chez Disney.

Dans les deux cas, ce qui est certain, c’est qu’on a affaire à deux monuments de la littérature française et à deux acteurs qui éclaboussent les écrans de leurs talents depuis quelques temps déjà. Les dignes successeurs de Depardieu, Belmondo ou Delon ? L’histoire le dira. Il faut du temps pour faire un monument. Choisir entre les deux, c’est comme de dire lequel de ses enfants on préfère, impossible ! D’ailleurs, on les aime tous de la même manière, non ?

Cependant, si j’ai eu l’idée de ce billet cinématesque d’été, un de plus, c’est que, vous vous en doutez, j’ai tout de même un avis sur la question. Et qui dit avis dit que je ne peux pas me contenter de dire un partout la balle au centre, vous êtes supers tous les deux les gars, vivement le prochain épisode, ce qui n’arrivera pas d’ailleurs pour Monte-Cristo, puisque toute l’histoire a été exploitée en un seul long, très long métrage. Par contre, on reverra forcément Civil et ses acolytes dans le troisième volet puisqu’il s’agit a priori d’une trilogie.

Alors que dire de cette performance comparée ? Eh bien, même si j’admire Pierre Ninet et sa capacité à tout jouer, comédies, sketchs, pièces de théâtre au Français, drames, polars, bref tout, et tout avec le même brio, celui d’un caméléon du jeu, je trouve qu’il n’a pas la carrure pour Monte-Cristo, au sens littéral du terme. Peut-être que je suis influencé par l’interprétation de Depardieu, l’acteur puissant par essence, ou par mon imaginaire qui me fait voir le Comte comme un personnage imposant, charismatique, costaud. Pierre Ninet est génial certes mais il n’est pas à proprement parler charismatique, en particulier parce qu’il est fluet, grand et mince, si ce n’est maigre. Rien à voir avec la bedaine et le pif de Gérard, celui qui distribue des coups de boules dans La Chèvre comme celui qui déclame des vers dans Cyrano. Par contre, Pierre Ninet dans le corps de Lord Halifax est un vrai moment de bonheur, jouissif, drôlissime, évitant de justesse le sur-jeu et le trop d’accent anglais roulé. N’importe qui d’autre aurait fait un flop dans cette scène, Ninet s’en tire merveilleusement. Ensuite, il y a le film en lui-même. Et là, mon ressenti est mitigé. L’histoire est selon moi bien meilleure que celle des Trois mousquetaires. Le personnage, Edmond Dantès, est unique et il y a des sentiments tellement puissants dans cette aventure romanesque : vengeance, justice, identité, fortune, pouvoir, amour, trahison… le meilleur de Dumas. Par conséquent, c’est hyper casse-gueule pour un scénariste, difficile en effet de tout résumer en deux heures sans faire un tas de raccourcis qui finissent par gâcher l’œuvre. Les dialogues sont un peu trop ampoulés, trop fidèles à Dumas, trop XIXème. Et le casting est bien, notamment le dernier de la fratrie Schneider, après Vadim, Niels, Aliocha, voici venir Vassili, en attendant Volodia, tous les cinq magnifiques, énigmatiques, incroyablement faits pour attirer l’attention, quelle famille ! Laurent Lafitte est à son niveau mais on le croirait sur la scène de la Comédie Française à réciter du Molière plutôt qu’à nous faire vivre un grand truc pour grand écran. Anamaria Vartolomei est certes très belle mais bon voilà quoi, what else can you do, Anaïs Demoustier n’est pas non plus à son meilleur je trouve. Je regrette aussi que Patrick Mille joue le méchant dans Monte-Cristo et dans les Trois Mousquetaires, c’est perturbant. Qui est-il celul-là, le baron Danglars jaloux de Dantès ou le Comte de Chalais qui conspire contre Louis XIII ? Bref, ça manque singulièrement de panache et de rebondissements. Il est vrai que le fait de connaître l’intrigue par cœur n’aide pas à se faire surprendre j’en conviens, c’est pour cela, disais-je en préambule, que faire une énième adaptation de Monte-Cristo était un exercice casse-gueule. Je trouve qu’ils se sont un peu pris les pieds dans le tapis, malgré le talent de Ninet et la beauté des décors, chapeau d’ailleurs au directeur de la photo !

En revanche, les Trois Mousquetaires est pour moi une vraie réussite cinématographique, bien que l’histoire est plus basique, celle d’un provincial qui monte à Paris pour réussir, du classique de chez classique, réussir à tout prix, que ce soit chez les mousquetaires du roi ou dans les affaires et la bourgeoise florissante du grand siècle, on connaît bien cette histoire à la Rastignac ou à la Rubempré, les personnages chers à Balzac. Sauf que, sauf que, les dialogues sont ici plus enlevés, plus modernes et surtout la brochette d’acteurs est juste dingue : Civil, Duris, Cassel et Marmaï pour incarner D’Artagnan, Athos, Aramis et Portos, beaucoup de testostérone à table, y compris chez Eva Green qui campe une Milady de Winter sombre et envoutante comme il se doit. Sans oublier Louis Garrel dans le rôle d’un Louis XIII un peu loufoque, drôle. En résumé, une distribution plus plus plus et un film d’aventure très efficace, parfait pour le cinéma grand format, ce qui n’est manifestement pas l’avis des spectateurs et de la presse sur Allocine qui donnent au film seulement 3,7 et 3,9 sur 5 respectivement quand ils donnent 3,6 et 4,5 pour Monte-Cristo. Pour moi, Les Trois Mousquetaires, c’est au moins un 4,5. En tout cas, les deux premiers épisodes de cette trilogie m’ont davantage embarqué que le Comte de Monte-Cristo. En plus, le second a l’inconvénient d’arriver après les deux premiers, par définition. Pas idéal.

Pour conclure sur Ninet et Civil, je dirais surtout qu’on a ici deux styles d’acteur bien différents. Pierre Ninet est très technique, chirurgical presque, que ce soit pour faire rire ou pour faire pleurer. L’un des plus jeunes pensionnaire de l’histoire de la Comédie Française quand il y est rentré à 21 ans, on sent que les années qu’il y a passé ont imprégné son jeu, même si, encore une fois, il peut tout jouer. Civil lui a commencé dans une série Disney pour ados puis il a suivi son bonhomme de chemin de saltimbanque au fur et à mesure des rencontres et des rôles qu’on lui offrait, souvent de mec sympa, sourire contagieux, un peu couillon parfois (Five, Mon inconnue, Deux moi, Ce qui nous lie). Puis avec le temps et l’expérience, le cuir s’est épaissi, la gueule aussi, une gueule de cinéma comme on dit, et les rôles se sont épaissis aussi (Le chant du loup, Bac Nord, Pas de vagues, En corps). Celui de D’Artagnan lui va à merveille, subtile mélange de naïveté joviale et de témérité face l’adversité, fusse-t-elle bandit de grand chemin ou mousquetaire du roi. Vous me provoquez en duel Monsieur ? Qu’à cela ne tienne, je serai au rendez-vous. J’aime dans Les Trois Mousquetaires ce qui manque au Comte de Monte-Cristo, le panache Monsieur ! Non pas que Ninet en manque à titre individuel, mais le film oui, un peu. En tout cas, c’est mon ressenti.

Et puis il y a cette maxime des Trois Mousquetaires qu’il est bon de se rappeler quand on est tenté de se replier sur soi et ses petits privilèges, une devise que les escrimeurs apprécient également, surtout quand ils tirent en équipe en cette période de JO, rappelez-vous en braves gens : Tous pour un et un pour tous !

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