# SportiX

Bleu blanc ciel

19 décembre 2022

Quelle dramaturgie ! Il n’y a que le sport, et en particulier le football, pour inventer des scénarios aussi fous que celui que nous avons vécu hier lors de la finale de cette coupe du monde de fout au Qatar.

Pendant 75 minutes, nous avons rongé notre frein, nous les supporters français, nous étions 25 millions devant la télévision, un record historique, et une vingtaine à la maison. Interrogé à la mi-temps sur la différence entre les Argentins et nous, Didier Deschamps s’emporte :  » La différence c’est que les Argentins jouent une putain de finale eux, pas nous !  » Pas sûr qu’il ait dit « putain » mais ça ne nous aurait pas choqué tant la frustration était grande. Mais que font-ils bordel, ils se font manger par les tatoués sans broncher, amorphes, absents, mous, quelle finale pathétique ! J’en connais qui ont éteint leur télé au milieu de la deuxième mi-temps. Ils n’auraient pas dû. Car c’est là que le scénariste céleste, céleste hein pas albicéleste (1), se dit qu’il serait de remettre un peu de suspens dans ce match bien terne, en tout cas du point de vue français. Entrée en jeu de Randal Kolo Muani, le petit gars de Bondy du 9-3, comme MBappé, et première insertion dans la surface Argentine, faute évidente (contrairement à celle de Dembele sur Di Maria), pénalty, Kylian prend ses responsabilités, il veut effacer l’épisode des tirs au but de l’Euro 2020, tir en force à gauche, ras du poteau, Martinez touche le ballon mais pas assez, but ! But putain !!! On est de retour dans ce foutu match. Vamos muchachos !!

Une minute plus tard, avec des supporters en feu partout dans l’hexagone, Rabiot fait une passe à Thuram dans la surface qui prolonge en lob sur MBappe, reprise de volée à ras du sol, du droit, Martinez touche de nouveau le ballon mais de nouveau pas suffisamment, petit filet, but et égalisation de la France à la 81ème, un match de dingos comme le crie Bixente Lizzarazu dans les micros de TF1. Mais ceux qui connaissent un peu le foot savent qu’il faut se méfier de l’euphorie, celle-ci peut vous galvaniser mais elle peut aussi vous déconcentrer, laisser de l’espace pour un but des adversaires qui, bien que sonnés, restent dangereux, surtout lorsqu’on a Messi dans son équipe. Et c’est à peu de choses près ce qui se passe, Messi récupère le ballon à l’entrée de la surface et sans même regarder le but balance un tir surpuissant du gauche. Lloris doit sortir une parade en forme de vol plané et une main super solide pour éviter une douche froide monumentale. Nous avons failli reboucher la bouteille de champagne que nous n’aurions jamais dû ouvrir d’ailleurs. Fin du temps réglementaire, prolongations.

Une petite voix me dit qu’il aurait fallu tuer le match avant, car les Argentins vont reprendre leur sang froid, poser le jeu, faire circuler, remettre de l’agressivité et nous endormir comme au début du match. Et la petite voix avait raison, un jeu à trois millimétré dans la surface bleue, tir des ciel et blanc, Lloris repousse sur Messi, erreur fatale, le dieu argentin crucifie les tricolores. Désillusion pour les bleus foncés, Di Maria mange son maillot sur le banc.

Le match aurait pu s’arrêter là, nous avions fait le plein d’émotions, l’ascenseur avait alterné les aller-retours entre la cave et le dernier étage de l’immeuble à vitesse décoiffante, mais c’était sans compter sur Mbappé, le prodige de Seine Saint-Denis qui voulait marquer l’Histoire, et son coup de pied droit qui heurte un coude malheureux. Deuxième pénalty, deuxième tir en force du droit, Martinez qui touche encore et encore ce foutu ballon qui lui échappe encore, les Français égalisent un nouvelle fois, 3-3. Euphorie totale dans le salon de notre petite maison et partout en France. Encore un effort, une action, une seule, une percée et nous les renvoyons chez eux ces tatoués de la pampa. Encore une minute à jouer, à cet instant le temps s’arrête, Kolo Muani file seul au but face à Martinez, deux peuples retiennent leur souffle, l’un tout au sud de l’Amérique du Sud, l’autre au beau milieu de l’Europe du Nord, image au ralenti, Randal décoche un tir puissant au sol sur la droite du portier tout de vert vêtu, quasi impossible à arrêter sauf à faire un grand écart facial. Mais en face, le gardien a déjà arrêté deux tirs au but face aux Hollandais en demi-finale, une demi-finale au scénario aussi dingue que celui de la finale, suspens à couper au couteau, il a touché le ballon sur les deux pénaltys et sur la reprise de volée de Mbappé un quart d’heure plus tôt, il est chaud bouillant et réalise l’exploit du match, une figure de souplesse digne d’un gymnaste, jambe gauche tendue, ballon dévié, la balle de match. Place aux tirs au but, la spécialité de Martinez, le point faible de Lloris.

Peu de Français, de ceux qui connaissent bien le gardien de Tottenham, recordman des sélections en équipe de France, un excellent gardien c’est certain, mais plus fort sur des actions de jeu qu’à cet exercice de nerfs, d’intimidation et d’intuition qu’est la séance des TAB (tirs aux buts). MBappé premier tireur, contrairement à Neymar qui n’aura même pas l’opportunité de tirer le sien et finira en pleurs, une fois de plus, tir en force à droite, toujours à droite, Martinez touche le ballon, toujours, mais il rentre. 1-0 pour la France. Au tour de Messi d’assumer son statut de leader, tir moyen mais bien placé, 1-1. Vient le tour de Kingley Coman, qui n’a pas démérité loin de là, c’est lui par exemple qui récupère le ballon sur Messi lors de l’action qui mène au second but de l’EDF. Le tir de Kingley n’est ni assez puissant ni assez bien placé, aucune difficulté pour Martinez. Dybala tir au centre, un tout petit tir tout pourri mais Lloris a plongé trop loin pour revenir sur ses pas. Puis Tchouaméni manque le cadre… on connaît la fin de l’histoire, celle qu’on redoutait, perdre une finale d’anthologie aux tirs au but. Terrible, cruel, frustrant.

Kylian MBappé est passé à ça de marquer l’Histoire en effet, renverser presque tout seul un match très mal embarqué, triplé, on aurait même pu imaginer un quadruplé si Kolo Muani avait réussi, et voulu, et pu, faire une passe sur sa gauche au lieu de tirer. L’Histoire en a décidé autrement. L’Histoire a consacré Messi et les siens, point d’orgue d’une carrière hors du commun pour ce gamin, non pas de Bondy non, Lionel de son prénom, aujourd’hui sur le toit du monde.


(1) Albicéleste signifie une alternance de bleu ciel et de blanc, couleur du maillot argentin.

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