Anatomie d’un conflit
Aujourd’hui, Israël commémore les attentats du 7 octobre 2023, que d’aucuns décrivent comme le 11 septembre de l’Etat hébreu, à ceci près qu’une centaine d’otages sont toujours aux mains du Hamas, on se demande d’ailleurs bien comment vu qu’il ne reste pratiquement plus rien qui tienne debout à Gaza, sous terre sans doute, vivants ou morts, est-ce que cela importe encore ? A cette occasion, France Inter a invité Anne Sinclair, la journaliste du PAF qu’on ne présente plus tant elle a occupé l’espace médiatique dans les années 90 avec son émission 7 sur 7 sur TF1, mais pas tant pour sa qualité de journaliste que pour sa confession. Soit ! Tout à coup celle-ci déclare que les gens de LFI commémoreront plutôt eux l’entrée du Hezbollah dans le conflit. J’en suis resté bouche bée. Comment une journaliste d’un tel niveau peut-elle prononcer de telles inepties ? Je ne suis pas pro LFI et encore moins pro Mélenchon, peut-on cependant nuancer le propos pour comprendre pourquoi on en est arrivé là, sinon comment peut-on imaginer une issue possible ? Alors j’ai zappé et à la place je me suis écouté le podcast d’un autre journaliste d’Inter, Thomas Snegaroff pour ne pas le citer, et de l’historien Vincent Lemire, qui analyse le conflit israélo-palestinien en six dates clés, six dates qui permettent de remettre les choses dans leur contexte et de mieux comprendre la situation au lieu de se contenter de penser que la gauche française emmenée pour son leader maximo soutient le Hezbollah, le Hamas et fêtent les attentats du 7 octobre dans la joie et la bonne humeur. Pauvre Anne, après tout ce que Dominique, Strauss Kahn hein, pas Pelicot, lui a fait subir, c’est dur de finir aussi mal sa carrière.
1897
A la fin du XIXe siècle, la Palestine est une région arabe qui appartient à l’empire Ottoman, certes en déclin mais toujours debout. Pour bon nombre de Juifs en Europe à l’époque, la question de trouver un territoire où construire un état juif se pose, car on n’a pas attendu Hitler pour s’en prendre aux Juifs, les pogroms se multiplient par exemple dans la Russie tsariste. La Palestine fait partie des principales pistes pour des raisons historiques, le mouvement pour la construction d’un état juif s’appellera d’ailleurs le sionisme en rapport avec le nom d’une des collines de Jérusalem (Sion), mais ce n’est pas la seule piste, l’Ouganda ou l’Argentine ont également été envisagés lors du congrès de Bâle, en 1897. 1897 est donc une date importante car c’est la date de création de l’Organisation Sioniste Mondiale, par Théodore Herzl lors de ce fameux congrès en Suisse. C’est réellement l’acte fondateur du sionisme. Il faut noter que le sionisme de la fin du XIXe, début du XXe n’est pas un sionisme religieux comme il l’est devenu aujourd’hui, et les conflits entre Juifs et Arabes palestiniens n’existent pratiquement pas, juste une vague inquiétude de la part des Arabes de la région de voir arriver tous les Juifs du monde sur ce que sont alors, leurs terres.
1917
Arrive la Première guerre mondiale et la chute de l’empire Ottoman, chute au cours de laquelle le Britannique Lawrence d’Arabie s’est illustré, Hollywood en fera d’ailleurs cinquante plus tard l’un de ses plus grands chefs d’œuvre avec Peter O’Toole dans le rôle de Lawrence et Omar Sharif dans celui du sherif, CQFD. La SDN, Société des Nations, confie alors aux Brits la gestion de la Palestine, des Anglais passés maîtres dans l’art de l’intrigue et du double jeu, le MI6 et James Bond ne sont pas anglais pour rien, qui soutiennent les Arabes d’un côté et aussi les Juifs de l’autre avec Lord Balfour qui se déclare publiquement pour la constitution d’un état juif en Palestine, une diplomatie dangereuse qui conduira aux premiers conflits et à l’attentat de l’hôtel King David à Jérusalem perpétré par des colons juifs et qui fera une centaine de morts. Les ennuis commencent et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
1947
La Seconde guerre mondiale fait des dizaines de millions de morts et la Shoah verra l’extermination industrielle par le régime Nazi de millions de Juifs européens. La question d’un territoire où les Juifs puissent vivre en paix n’a donc jamais été aussi primordiale qu’au sortir de la Seconde guerre mondiale et les rescapés affluent par milliers en Palestine. En 1947, l’ONU propose un plan de partage de la Palestine qui divise le territoire grosso modo à 50/50 alors que jusque là les Arabes palestiniens en possédaient plus de 90%. La réaction des Palestiniens et des pays arabes alentours, Jordanie, Syrie, Liban, Egypte, ne se fait pas attendre, c’est la première grande guerre israélo-palestinienne entre mai et juillet 1948. De son côté David Ben Gourion déclare l’indépendance et la création de l’Etat d’Israël. La victoire d’Israël est éclatante et les arabes sont humiliés, une défaite conduisant à l’occupation par Israël de 78% du territoire palestinien. Vous vous demandez peut-être comment un état si jeune et si peu peuplé a pu l’emporter si franchement et si rapidement sur des ennemis beaucoup plus nombreux. Une question de mobilisation, de motivation et de soutien des occidentaux, déjà. De l’autre côté, côté arabe, la question palestinienne n’était pas si fondamentale pour les Jordaniens, les Syriens ou les Egyptiens mais l’orgueil blessé, leur dernier mot n’avait pas été prononcé.
1967
Le général égyptien Nasser se voit comme le grand homme du panarabisme, un mouvement idéologique qui vise à unir tous les peuples arabes de la région et il a dans l’idée de reprendre à Israël, ce qui a été perdu en 1948. Erreur fatale, pire que vingt ans auparavant, Israël déclenche les hostilités le premier, là-bas on appelle ça une guerre préventive, c’est encore le terme utilisé aujourd’hui contre le Hezbollah, frappé votre ennemi avant qu’il ne vous frappe, pas bête ! Il ne leur faudra que 6 jours pour terrasser l’adversaire et prendre le contrôle du Sinaï, de Gaza, Jérusalem-est et la Cisjordanie. Une débâcle complète pour les Arabes, digne de celle des Français face aux Allemands en 1939, une victoire magistrale pour Israël, qui marque l’accélération de la colonisation et côté Palestinien la création de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), représentée par un certain Yasser Arafat.
1987
Considérée comme une organisation terroriste à ses débuts, l’OLP finira par tenter de chercher des compromis avec Israël, malgré des affrontements violents et fréquents, notamment la première Intifada de 1987 à Gaza, Jérusalem et en Cisjordanie, des pierres côté palestinien, des chars côté israélien, le déséquilibre des forces ne laissait pas planer le moindre doute sur l’issue du conflit. Il fallait trouver une autre solution, il fallait des gens de bonne volonté de chaque côté pour sortir par le haut et ce furent Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, grâce à l’entremise de l’Amérique et de Clinton, qui signèrent les accords de paix d’Oslo en 1993, Monica Lewinsky n’était pas du voyage apparemment. Seulement, face aux partisans de la paix, il y a les ennemis de la paix, des ennemis qui ont commencé à gagner du terrain sur le plan politique, le Hamas, ce mouvement islamiste issu de la branche la plus conservatrice des Frères Musulmans, a progressivement remplacé l’OLP et l’extrême droite israélienne a vu ses premiers élus arriver à la Knesset, le parlement israélien. Un seul obstacle à leur ambition de colonisation totale et à la déportation des arabes palestiniens ou israéliens, car les Israéliens ne sont pas tous juifs, Rabin ! Qu’à cela ne tienne, Ygal Amir, un Israélien ultra-orthodoxe et nationaliste s’en chargera en assassinant lui-même Yitzhak Rabin le 4 novembre 1995, le lendemain de mon anniversaire, le salaud ! La voie vers le chaos est désormais grande ouverte.
2007
Dans les années 2000, les plus radicaux parviennent à s’imposer. La rivalité politique opposant le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas d’Ismaël Haniyey se termine en guerre civile au profit du Hamas. Côté israélien, la droite traditionnelle de Benyamin Netanyahou domine, bientôt rejointe par l’extrême droite portée par des représentants tels que Bezalel Smotrich, actuel ministre des finances et des colonies, qui déclarait en 2015 que le Hamas était leur « chance ». Dont acte ! Pendant ce temps, au nord, l’Iran a financé et armé le Hezbollah, ce mouvement politique terroriste né au lendemain de la guerre du Liban, qui opposa Israël à l’OLP, alors réfugié au Liban. Le Hezbollah est devenu avec les années une organisation militaire puissante, bien plus puissante que le Hamas, un danger majeur qu’Israël a décidé d’anticiper en frappant dès maintenant le Liban.
Les attentats du 7 octobre ne sont donc pas un acte isolé mais un épisode de plus dans la longue liste des conflits sanglants qui ont opposé Israël aux Palestiniens et aux autres pays arabes de la région, des voisins qui cela dit ne sont pas tous alignés sur la position de l’Iran. L’Arabie Saoudite par exemple, et son prince héritier 2.0 Mohammed Bin Salman, autre poids lourd du Proche-Orient, s’est rapproché d’Israël ces dernières années pour essayer de trouver un terrain d’entente, ou au moins, de non-agression. Ce qu’il faut comprendre surtout, et je trouve que ce podcast le montre bien, c’est que ce conflit perpétuel n’oppose par réellement les Juifs et les Arabes, qui en réalité ont plus de points communs et de liens culturels que de différences, il oppose les partisans de la paix, de moins en moins nombreux, aux partisans de la guerre, qui sont eux de plus en plus nombreux. Et pour cause, les Palestiniens de Gaza voudront se venger, si ce n’est demain, ce sera après-demain ou après après demain, et ce seront les gamins qui ne sont pas morts dans les bombardements qui iront assassiner d’autres gamins qui écoutent de la musique à un festival. Car il y aura d’autres 7 octobre, c’est écrit. Oeil pour oeil, dent pour dent, la loi du Talion est la seule qui vaille dans la région.
Références / Sources
Israël-Palestine, Anatomie d’un conflit, Podcast de Thomas Snegaroff avec Vincent Lemire, oct 2023, France Inter
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