Keynes
John Maynard Keynes (1883-1946) est un économiste anglais, décidément ces Anglais, du XXème siècle à qui l’on doit La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). On lui doit aussi cette phrase de 1930, qui pourrait parfaitement caractériser la situation en 2020 : « Nous nous sommes engagés dans une pagaille colossale, en nous heurtant au contrôle d’une machine délicate, dont nous ne comprenons pas le fonctionnement. » Son idée était que plutôt que de laisser faire (la vision des économistes classiques), en temps de crise, l’Etat devait soutenir l’économie par la relance de la demande, par exemple en lançant de grands travaux.
Quelques années plus tôt, dans Les conséquences économiques de la paix (1919), il avait déjà tenté de faire comprendre que l’Allemagne ne pourrait s’en sortir, et donc payer ses dettes (puisqu’il avait été décidé que l’Allemagne paierait le coût de la guerre 14-18), qu’en exportant des biens. Les Alliés, qui n’entendaient pas les choses ainsi, paralysaient les exportations allemandes. L’Allemagne n’eut d’autre choix que d’imprimer de la monnaie, qui entraîna une forte inflation, une récession économique et la misère, amenant en fin de compte Hitler au pouvoir au début des années 30.
Keynes pensait que l’Etat devait contrer les cycles économiques, en particulier quand ceux-ci étaient à la récession, par le déficit. L’idée se tient car la récession est un cercle vicieux que l’on peut enrayer. Moins de dépenses => moins de travail => moins de revenus => moins de dépenses => moins de travail, etc. etc. jusqu’à ce que la courbe atteigne un plancher et que le travail revienne, que les salaires augmentent et avec les dépenses et ainsi de suite. Ce sont les fameux cycles économiques qui tout au long de l’histoire ont ressemblé à des montagnes russes. Si vous injectez de la demande au bon moment, la courbe plonge moins vite ou se redresse plus vite. Vous avez contrecarré le rythme naturel du cycle économique.
Seulement le déficit et la dette, c’est un peu comme l’impôt, quand il y en a de trop, ça tue. S’il est trop élevé, il n’y a plus personne pour le payer. Si la dette souveraine est trop élevée, l’Etat se trouve tôt ou tard asphyxié sous le poids de celle-ci, d’où les mesures prises par l’Europe depuis plusieurs années pour limiter le déficit public à 3% du PIB. Un Etat en faillite, on voit ce que ça donne en Grèce. C’est un pays à l’arrêt, des services publics en panne, une population massivement dans la misère, y compris les plus diplômés, mais qui survit malgré tout, qui s’adapte, les bac + 8 se mettent à vendre de l’huile d’olive sur les marchés ou sur internet et gagnent 500 euros par mois. La machine est grippée et c’est violent.
Avant le covid, la France avoisinait gentiment les 100% de dette par rapport à son PIB. Après, nous nous rapprocherons de la Grèce et ses 160%. Enfin d’ici là, eux seront peut-être passés à 200% ou 250%. Une chute sans fin. D’autant que les recettes de l’Etat (TVA, Impôt sur le revenu, Impôt sur les sociétés) vont plonger sur les prochaines années. Les dépenses vont exploser pendant que les recettes vont se tarir. C’est comme un ménage qui dépense tous les mois plus qu’il ne gagne. Dans un contexte où il y a du travail et des revenus qui rentrent, ça passe encore, tout est une question de flux dans le temps. Il suffit d’étaler. Mais le jour il n’y a plus de travail, il y a un vrai souci. Non seulement on ne peut plus assumer le rythme des dépenses habituelles mais en plus on est incapable de rembourser la maison, la bagnole et la ribambelle de crédits conso qu’on a pris quand tout allait bien. Quand on casse l’économie, on casse le travail et quand on casse le travail, c’est la faillite personnelle pour des millions de gens à travers le monde… Alors oui on est tous dans le même bateau sur ce coup-là, encore qu’il semble que l’Asie s’en tire mieux que nous économiquement. Cela signifie-t-il que tout ou partie des dettes, publiques et/ou privées, sera annulée ? Je n’y crois pas une seconde. En tout cas pas les dettes privées. Et si trop de dettes privées deviennent irrécouvrables, ce sont les banques qui vont tomber.
Les Etats sont donc coincés. Ils vont devoir continuer de mener des politiques Keynésiennes, sans doute plus que jamais, et la dette continuera de grimper.
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