# PolitiX

Borne is dead

10 janvier 2024

Le poste ne réussit pas aux femmes, Edith Cresson y était restée 11 mois, de mai 1991 à avril 1992, Elisabeth Borne quant à elle, y sera restée 19 mois et 24 jours pour être tout à fait précis. Je veux bien entendu parler du poste de Premier ministre. La Cinquième République aura vu défiler 25 Premiers ministres, dont deux femmes seulement. Le mandat moyen est de deux ans et demi. Bien entendu, pour les femmes, c’est moins comme on peut le constater facile en faisant un petit produit en croix, mais faire une moyenne avec deux individus, est-ce bien pertinent ? On peut néanmoins en conclure que la charge est lourde, le siège éjectable, tel un fusible sur un tableau électrique en surcharge. Pourtant, Elisabeth Borne n’aura pas démérité. Elle aura même fait ce que le Président attendait d’elle, à savoir faire passer la réforme des retraites et la loi sur l’immigration, deux sujets hautement casse-gueule pour tout premier ministre, qu’il soit homme ou femme ne change rien à l’affaire. Quand on fait de la politique à un tel niveau et quand on entre au gouvernement, a fortiori à sa tête, on connaît parfaitement la règle du jeu : ne pas défaire totalement ses cartons, et surtout les garder en réserve pas trop loin, car ça peut resservir. Peut-on faire le bilan d’Elisabeth Borne sur une période aussi courte ? Je ne sais pas, et qu’importe, cela n’a aucun intérêt. La politique, c’est comme les dessins sur la plage, c’est vite recouvert par la marée et on passe à autre chose. Repose en paix Elisabeth, après en avoir fait la réforme, tu as bien mérité de prendre la tienne, de retraite.

A sa place, Emmanuel Macron a fait le choix de la jeunesse en nommant Gabriel Attal, le plus jeune Premier ministre de la Cinquième, plus jeune que Fabius, près de 30 ans de moins qu’Elisabeth Borne. Emmanuel Macron lui-même avait incarné le choix de la jeunesse pour l’électorat français en 2017, pourquoi ne pas tenter de refaire le même coup. Je dis coup car il faut bien se dire les choses, Macron n’avait au final que son âge de jeune, tout le reste, ses références, son idéologie, ses idées, sa politique, son look, sa femme, tout chez lui était vieux, déjà vu et revu, usé jusqu’à la corde, comme cette vieille démocratie représentative qu’est la nôtre.

Venons-en à la sensation du jour, Gabriel Attal. Il fut un temps, à ce qu’on peut lire sur sa fiche Wikipédia, où il se faisait appeler Gabriel Attal de Couriss, en référence à son grand-père russe. Attention Môsieur de Courciss ! Gabriel a en effet un parcours personnel ultra-classique et la particule, vraie ou fausse, lui va bien : famille bourgeoise, enfance dans les beaux quartiers de Paris, Ecole Alsacienne, la bien nommée et renommée, Sciences Po, fac de droit, militant au PS et membre du cabinet de Marisol Touraine avant de rejoindre le train En marche – on peut même dire qu’il était sur le quai de la gare, ce qui lui vaut la confiance d’Emmanuel Macron depuis le début de cette aventure politique unique. Autant dire que le profil de Gabriel Attal n’a rien d’original, certes il est jeune, mais le talent n’attend pas le nombre des années, on commence à le savoir depuis 2017. Ce qui est plus original en revanche, assurément plus moderne, c’est que Gabriel Attal est en couple avec Stéphane Séjourné, autre pilier de la Macronie. Un Premier ministre ouvertement gay, c’est nouveau, personne ne peut le contester. Et si Gabriel Attal succédait à Emmanuel Macron en 2027, de l’eau va certes couler sous les ponts de Paris d’ici là mais tout le monde y pense déjà, nous aurions non pas une première dame à l’Elysée mais un premier monsieur, là aussi, d’un point de vue sociétal, cela aurait une certaine allure, à l’opposé du poutinisme ou du trumpisme et tous les clownismes de la planète politique, pour qui l’homosexualité est un crime et les pédés bons à enfermer ou à être brûlés, vive l’inquisition !

Sur la forme donc, la nomination de Gabriel Attal me convient, je suis même assez fier de mon pays sur ce coup-là. Sur le fond par contre, on ne peut que constater, une fois encore, que la table n’a pas été renversée et il est fort probable que le nouveau Premier ministre ne fasse pas mieux que la précédente, à savoir servir de porte voix et de passe plat au Président. On peut aussi regretter que l’Education Nationale ne soit pas mieux considérée, pour faire du bon travail, dans la durée, il ne faut pas changer de ministre tous les quatre matins.

Mais le plus regrettable, et c’est vrai pour la politique en général comme pour ce billet en particulier, c’est qu’on passe plus de temps à parler de la forme et des personnes que du fond et des idées. Pour les idées, on verra plus tard.

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