CAC, boum, hue

Julia Cagé nous rappelle dans son livre Libres et égaux en voix, l’importance d’avoir des médias indépendants du pouvoir politique et économique. Tu m’étonnes ! Car ce n’est pas dans le Figaro, détenu par Dassault, ou dans les Echos, détenus par B. Arnaud (l’éco aime bien les noms en O), qu’on aurait vu une enquête comme celle que vient de publier le magazine Alternatives Economiques dans son numéro de février.

On y apprend, graphiques à l’appui, que le CAC 40, indice boursier composé des quarante plus fortes valorisations d’EuroNext, a retrouvé son plus haut niveau historique de fin 2019 alors que nous sommes en pleine pandémie et que bon nombre de ces entreprises vivent, on peut même dire survivent, grâce au soutien de l’Etat et surtout, en toile de fond, de la Banque Centrale Européenne. Accor a perdu 80% de CA mais elle est valorisée comme si de rien était. Idem pour AirFrance, etc. La théorie économique est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire en direct sous nos yeux. L’argent public coule à flots, les chiffres d’affaires s’affalent mais les entreprises continuent de valoir autant et de distribuer des dividendes faramineux à leurs actionnaires. C’est tout simplement du jamais vu.

Côté dividendes, c’est la fête ! Alors que le CA de ces entreprises a doublé en 15 ans, les dividendes ont eux été multipliés par 3,67, dit autrement les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté deux fois plus vite que l’activité des entreprises concernées.

Certaines d’entre-elles trouvent même le moyen de distribuer plus de dividendes qu’elles ne font de bénéfices : Vivendi, Safran, Engie…

Comme nous le rappelle Marc Chevallier, l’auteur d’un des articles : « ces grandes entreprises figurent parmi les premiers bénéficiaires des aides publiques qui n’ont cessé de pleuvoir sur les entreprises depuis plus de dix ans – crédit d’impôt recherche, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), baisse de l’impôt sur les sociétés, etc. – et singulièrement depuis le début de la crise sanitaire (chômage partiel, plan de relance). Sans qu’aucune contrepartie n’ait réellement été exigée à leur endroit, ni guère d’effet observé sur l’emploi, l’innovation ou le développement des capacités de production. La France a activement soutenu l’émergence de ces champions. Exiger un juste retour de leur part est plus que légitime. »

Et dire que ce sont ces mêmes entreprises qui pratiquent l’optimisation fiscale au Luxembourg ou autre paradis du même nom. A ceux qui espéraient que le Covid allait rebattre les cartes, faire prendre conscience des limites du système, que ce soit d’un point de vue écologique, économique ou social, ouvrez bien les yeux car la démonstration est encore une fois limpide, toujours la même morale de l’histoire, l’anti-thèse des contes de fées.

Le Covid va profiter aux gros (CAC, milliardaires, optimiseurs fiscaux de tous poils, fonds de pensions, etc.) et bousiller la vie de bon nombre de moyens et petits (salariés lambdas, précaires, petits commerçants, petits restaurateurs, étudiants, SDF…) qui auront le choix entre le télétravail et pas de travail du tout. Quand les éléphants se battent, écrivait Hugo, ce sont les fourmis qui meurent. Une pensée que je voudrais compléter par celle de Warren Buffet, le milliardaire américain : « Au 20eme siècle, les Etats-Unis ont connu deux guerres mondiales, des conflits militaires couteux, la grande dépression, une dizaine de récessions et de paniques financières, des crises pétrolières, des épidémies, et la disgrâce présidentielle. Et l’indice Dow Jones est passé de 66 à 11 497 points.” Rien n’arrête la bourse et le profit à tout prix. Ni le Covid, ni le réchauffement climatique, ni la guerre, rien !

Contrairement à Thomas Dallery, qui a également participé à l’enquête d’Altereco, je ne suis pas un économiste atterré, enfin économiste non, atterré certainement 🙁