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Contr’un

6 novembre 2022

Alors que Xi démontre par A+B=C comme Chine, aussi appelée « solution chinoise », que le totalitarisme est plus efficace que la démocratie, une équation qui plaît aux dictateurs de tous poils, qu’ils soient africains, sud-américains ou arabes, nous les Français nous braquons face à l’utilisation de cette disposition autoritaire de la constitution que nous appelons le 49-3, article 49, alinéa 3, qui permet au gouvernement de passer en force face à l’Assemblée nationale. Le recours au 49-3 est limité à une utilisation par session depuis la modification de la constitution de 2008, sauf pour les lois de finance (budget) et de sécurité sociale (PLFSS). En pratique donc, Elisabeth Borne pourra utiliser autant de fois qu’elle le souhaite le 49-3 pour faire adopter son budget pour 2023.

S’agit-il pour autant d’un déni de démocratie comme on l’entend partout dans la presse et dans l’opposition, voire même au sein de Renaissance, le parti le plus représenté mais non majoritaire. Faisons d’abord un petit point définition. La France est une démocratie, du grec ancien demos (le peuple) et cratos (le pouvoir), le pouvoir au peuple donc. Sauf que nous devrions ajouter, afin d’être plus précis dans les termes, démocratie représentative, à savoir que le peuple ne dispose pas directement du pouvoir, notamment de voter les lois, mais il élit des représentants pour le faire. Le premier d’entre eux étant le Président de la République, qui dispose du pouvoir exécutif. Nous votons également pour élire les députés, qui avec les sénateurs, pour qui nous ne votons pas car ce sont les élus locaux qui le font à notre place, disposent eux du pouvoir législatif, celui de faire les lois qui régissent la vie publique de ce pays. Quand le gouvernement, qui a été nommé par le Président de la République, prend la main sur l’Assemblée via le 49-3, c’est le pouvoir exécutif qui domine le pouvoir législatif. Or les deux pouvoirs sont d’origine démocratique puisque le Président a été élu démocratiquement. Le 49-3 n’est donc pas un déni de démocratie, c’est juste une situation possible, comme aux échecs, certes non consensuelle, du jeu démocratique.

C’est pourquoi certains commentateurs et acteurs de la vie politique, sans parler des citoyens eux-mêmes, nombreux à être de cet avis, réclament la fin de l’élection présidentielle telle qu’elle existe depuis le début de la Cinquième République et qui donne semble-t-il trop de pouvoir au Président. Parmi eux, citons Gaspard Koenig, l’homme qui fit un tour d’Europe sur les traces de Montaigne et sur le dos de Destinada, qui n’est ni une bicyclette, ni un concept car innovant sans carburant, mais tout simplement un cheval, ou plutôt une jument, qui carbure elle à l’herbe fraîche et peut-être un peu d’avoine. Autant dire que Gaspard est un drôle d’animal lui-aussi, j’ignore de quoi il s’alimente ou s’il fume l’herbe de sa jument, mais ça doit être de la bonne. Gaspard Koenig s’était également lancé l’année dernière dans la course à l’élection présidentielle avec un parti créé de toute pièce pour cette épreuve, un parti qu’il nomma simplement Simple, comme Macron cinq ans plus tôt nomma le sien En marche, sauf que lui n’a pas reçu l’aide pro bono de Mc Kinsey and Co. Il y a une forme de paradoxe à se présenter à l’élection présidentielle tout en souhaitant la supprimer, ou au moins la réformer en profondeur, mais tel est la forme démocratique qui est la nôtre aujourd’hui, si vous voulez changer les choses, il faut d’abord gagner les élections, point de salut en dehors des urnes. Les idées étaient intéressantes, notamment la simplification du dédale administratif, des idées parfois proches de celles du Parti Pirate, pour lequel j’ai voté au premier tour, mais inutile d’être un fin politologue pour savoir que ce genre d’initiatives, quel que soit le bien fondé de la démarche, n’a que peu de chances d’aller au bout. D’ailleurs GK, à ne pas confondre avec JFK bien qu’il ressemble un peu à son frère Ted, on avait d’ailleurs proposé à Gaspard d’interpréter ce rôle au cinéma, n’a même pas eu la chance de se présenter sur la ligne de départ puisqu’il n’a pas obtenu le nombre de signatures nécessaire, ce sésame qui vous permet de pouvoir chausser vos crampons et vous mettre dans les starting blocs. Peut-on qualifier cette démarche d’utopie utile, comme le fait Piketty avec ses diverses propositions, peut-être. Cela lui permet en tout cas d’écrire des livres (1) et de continuer à faire ce qu’il aime, à savoir mélanger théorie et pratique. En attendant, cela ne change rien à l’histoire, avec un petit ou un grand H, puisque la France dispose toujours d’un Président de la République en 2022 et que celui-ci a toujours le pouvoir de nommer un gouvernement qui dispose lui toujours de la possibilité de passer outre l’Assemblée nationale via le 49-3, dont acte !

Le plus intéressant à mon sens n’est pas d’ergoter pendant des plombes sur la constitution, les institutions et le 49-3, fut-il anti-démocratique ou non. Le plus intéressant est de savoir si nous sommes en mesure de répondre à Xi Jinping en lui prouvant que A+B+C=D comme démocratie. Mais en sommes-nous réellement capables ? La démocratie apporte-t-elle plus aux citoyens que le totalitarisme ? La question vous semble provocante ? Possible, mais posons-la quand même, à plat, sans caricature ni manichéisme car il ne va pas suffire de dire que la dictature c’est mal et les dictateurs sont d’affreux personnages, pour s’en tirer à si bon compte. Dans le cas très particulier de Xi, précisons qu’il a d’abord grandi dans le camp des parias et des humiliés avant de grimper les échelons du parti communiste un à un jusqu’en haut. Syndrome de Stockholm ou pas, une fois installé, il n’a eu de cesse de vouloir redonner à la Chine sa grandeur et sa puissance d’autrefois, réparer les affronts du passé et conquérir le monde. Pour réussir ce projet pharaonique, il faut une discipline de fer et ne pas s’embarrasser de vilains mots comme droits de l’homme, liberté ou démocratie, on ne construit pas de pyramide sans casser des esclaves, ni d’omelette sans casser des oeufs. Il y a un prix à payer à l’ambition nationale. Tous en rang et dans la même direction, je ne veux pas voir une tête qui dépasse, qu’elle soit Ouïghour, hong-kongaise ou bientôt taïwanaise. Et Xi est non seulement plébiscité par son parti, mais aussi par la majeure partie de la population chinoise qui s’est enrichie depuis qu’il est au pouvoir, après tout Hitler lui-même était très populaire, et également par bon nombre de dirigeants internationaux qui reçoivent de la Chine financements et infrastructures. Il semble donc que le modèle, ou la solution chinoise, ait bien plus de succès que notre bonne vieille démocratie. Et on comprend volontiers pourquoi car en fait de démocratie, nous avons aujourd’hui un système économique phagocyté par les plus riches au détriment de l’intérêt général. Résultat, les prix explosent, les classes moyennes se paupérisent à vitesse grand V, les services publics et notamment les hôpitaux, les prisons, les écoles sont délabrés, les fonctionnaires démotivés, les gens se détournent de la politique ou votent extrême droite, sans parler des plus jeunes qui dépriment, angoissent face à l’avenir réjouissant, pour ne pas dire réchauffant, qu’on leur promet et ne vont pratiquement pas voter, malgré une conscience politique bien réelle. Notre bonne vieille démocratie est dans un bien piètre état, avec ou sans Président, gouvernement et 49-3.

Comment redonner du souffle à cette belle idée qu’est la démocratie, si belle qu’elle va bientôt devenir en effet complètement utopique, telle est la question à laquelle les pays occidentaux sont contraints , ou contr’un, par exemple Xi, de répondre, et le plus vite sera le mieux si on ne veut pas se faire laminer par le totalitarisme en marche, et je ne parle pas ici du premier nom du parti d’Emmanuel Macron.


Sources / Références

(1) Contr’un, Pour en finir avec l’élection présidentielle, de Gaspard Koenig, éditions de l’Observatoire, 2022.

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