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Lampedusa

24 septembre 2023

Cette semaine, près de 11 000 migrants ont débarqué sur l’île de Lampedusa, ce petit bout de caillou italien situé au beau milieu de la Méditerranée entre la Tunisie et la Sicile. Au loin, on peut presque apercevoir Linosa et un peu plus loin encore à l’est, Malte, mais il est peu probable que les embarcations de fortune parcourent sans encombre les centaines de kilomètres qui séparent Malte des côtes tunisiennes. Lampedusa, elle, est atteignable et son nom est désormais célèbre pour être l’une des portes d’entrées vers l’Europe pour tous ceux qui fuient l’Afrique et le Maghreb en quête d’une hypothétique vie meilleure de l’autre côté de la mer.

Georgia Meloni, la Première ministre italienne, a donc une fois encore tiré la sonnette d’alarme, jugeant insoutenable la pression migratoire qui s’exerce sur son pays, appelant même Ursula Van der Leyen, la Présidente de la commission européenne pour qu’elle vienne se rendre compte sur place de la réalité de la situation. Meloni a d’ailleurs prévenu, l’avenir de l’Union européenne se joue à Lampedusa. Si l’UE laisse tomber l’Italie sur le dossier migratoire, l’Italie sortira tôt ou tard de l’Union, ce qui serait un véritable tremblement de terre politique pour ce pays central et fondateur de l’Europe des 6. Chacun doit donc prendre sa part du problème et ne pas laisser l’Italie se débrouiller seule. Que Georgia Meloni monte au créneau, on peut parfaitement le comprendre, après tout la plupart des migrants ne souhaitent même pas aller en Italie, plus de la moitié d’entre eux sont d’ailleurs originaires de pays francophones, dont la Côte d’Ivoire. La tentation est donc grande pour les Italiens de les envoyer en France, qui bien entendu, ne les veut pas sur son territoire, le temps des colonies, c’est fini, à part s’il s’agit d’exploiter les ressources locales, mais ce temps-là aussi est terminé, les Chinois ont pris la place des Français. On peut donc comprendre l’exaspération des Italiens, par contre, ce qui me dégoûte au plus haut point, c’est de voir Marion Maréchal Le Pen, prendre son bâton et son avion, débarquer à Lampedusa pour répondre aux interviews des médias pour dénoncer à quel point l’Europe est une passoire et que si nous n’y remédions pas rapidement, par exemple en ratissant la zone avec des navires militaires, nous serons prochainement envahis. Quel cynisme ! Quel ignominie que d’aller faire sa propagande à quelques mètres de pauvres gens qui ont parcouru des milliers de kilomètres au péril de leur vie, évitant tant bien que mal les escrocs et les trafiquants, tous ces profiteurs de la misère humaine qui se font des fortunes sur leur dos à coup de milliers de dollars la place sur un rafiot pourri. Comment ose-t-elle ? Elle mériterait qu’un de ces réfugiés comprenne son manège, sorte du rang, et vienne lui en coller une. Elle en serait sans doute ravie, pouvant prouver devant les caméras qu’en plus ces gens sont des sauvages, incapables de s’intégrer, tout juste bons à voler et agresser des citoyens honnêtes qui n’ont rien demandé. Tout s’est bien passé pour elle heureusement, elle a pu faire sa promo, lancer sa campagne puis prendre son avion pour retrouver son petit confort.

En dénonçant Marion Maréchal, je ne dis pas pour autant qu’il faut régulariser à tout va comme le demandent certains responsables politiques de gauche. Promouvoir l’inverse n’est pas responsable, justement, et ils le savent bien, ou alors ce sont des imbéciles et ils jouent à un jeu dangereux. On voit bien que ceux qui sont parvenus jusqu’en France le regrettent pour la plupart car leur situation ici n’est pas meilleure que celle qu’ils avaient au pays, en tout cas, cela n’a rien de l’eldorado qu’on leur avait vendu. Ils vivent de petits boulots souvent mal payés, merci Uber et le BTP, en attendant une régularisation qui n’arrivera probablement jamais. Voilà la réalité. S’il en arrive des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’autres, cela ne facilitera en aucun cas leur intégration ou leur régularisation. Au contraire, cela favorisera le vote extrême droite et si celle-ci finit par remporter les élections présidentielles, la donne changera considérablement. On peut en tout cas penser que c’est le mandat qui leur sera confié, renvoyer chez eux les sans-papiers, avec ou sans boulot, possible ou illusoire. Cela promet un vrai chaos, une bombe à retardement, de ce point de vue, Georgia Meloni a parfaitement raison. Ursula Van der Leyen a donc bien fait de se déplacer, car ce sujet, bien que pas nouveau, est à prendre très au sérieux et il va falloir finir par trouver des solutions plus efficaces que de donner des centaines de millions d’euros à la Tunisie et la Lybie en espérant qu’ils vont nous aider à stopper l’hémorragie. Ces pays jouent un double jeu. D’un côté, ils prennent l’argent de l’UE pour jouer aux gendarmes, de l’autre ils ferment les yeux sur les trafics des voleurs car cela rapporte énormément d’argent.

D’autant que le problème ne se pose pas uniquement à Lampedusa. Il en va de même à la frontière grecque, notamment sur l’île de Lesbos, située au large des côtes turques. A ce propos, un ami anglais m’envoie un message hier, me disant, il faut absolument que tu vois le film The swimmers, les nageuses en français (1). Ni une ni deux, je m’exécute, d’abord la bande annonce, puis je me laisse capter et j’enchaîne les longueurs. The Swimmers, c’est l’histoire de deux soeurs syriennes de 17 et 20 ans, deux nageuses donc, qui décident de quitter leur pays en proie à une guerre civile que vous connaissez sans doute et qu’il ne sert à rien de raconter de nouveau. Certains ne comprennent pas que l’on s’enfuit de son pays, mais quand vous perdez vos amis les uns après les autres, que pas un jour ne passe sans que s’arrêtent les bombardements, qu’une roquette finit dans la piscine où vous vous entraînez en espérant participer un jour aux JO pour défendre les couleurs de la Syrie, eh bien oui vous voulez fuir. Et c’est un déchirement car vous laissez derrière vous vos parents et votre petite soeur de dix ans à peine qui vous a fait un dessin pour que vous pensiez à elle, toujours. Commence alors une série de péripéties et de dangers vers lesquels aucun parent au monde ne souhaiterait envoyer ses enfants, et c’est encore plus vrai pour des filles de 17 et 20 ans, même accompagnées par leur cousin de 22 ans. Que peut un jeune homme de 22 ans face à des trafiquants d’êtres humains, des passeurs, des mafieux armés jusqu’aux dents ? Absolument rien. Il ne vous reste plus qu’à prier Allah pour que tout se passe bien. Qu’elles ne soient pas enlevées pour être vendues comme prostituées. Qu’elles ne soient pas agressées, violées, tuées. Qu’elles n’aient pas la malchance d’embarquer sur un zodiac rapiécé de partout et surchargé avec un moteur qui menace de rendre l’âme à tout moment. Qu’elles ne finissent pas au fond de la Méditerranée ou échouées sur une plage grecque, mortes, comme ce petit môme de 3 ans qui fit la Une des magazines. Qu’elles ne soient pas enfermées dans des camps de réfugiés à Lampedusa, Lesbos ou ailleurs pendant des semaines, des mois, des années avant d’errer sur les routes de l’exil pour atterrir on ne sait où, on ne sait quand et dans quel état.

Yusra et Sarah ont fait ce chemin au péril de leur vie. Elles ont survécu et réussit à rejoindre l’Allemagne. Elles ont trouvé refuge à Berlin. Elles y ont repris l’entraînement et Yusra a réussi à se qualifier pour les JO de Rio dans l’équipe des réfugiés.

Fuck Marion Maréchal !


(1) The Swimmers, film de Sally El Hosaini, 2022.

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