Dorcel ou Pornhub ?

J’ai décidé de terminer ma mini-série sur le sexe par le porno. Interrogée en 2018 par Ali Badou dans le cadre de son émission Drôle d’endroit pour une rencontre – tiens, tiens ! – Virginie Despentes y déclarait se sentir définitivement plus proche du porno à la Dorcel que celui façon Pornhub ou autre plateforme web de cul à la demande, elle qui avouait avoir beaucoup regardé de films porno à une époque. Elle ajoutait, Dorcel mettait l’accent sur la jouissance, en particulier féminine avec des hi, des ah, des ouh parce que la jouissance féminine même simulée ça fait bander les mecs. Pornhub, ajoute-t-elle, est tellement trash envers les nanas qu’on se demande pourquoi les mecs nous en veulent autant ? Pourquoi les mecs en veulent autant aux nanas pour les maltraiter de la sorte dans les porno d’aujourd’hui ? Question intéressante je trouve, Freud revient nous éclairer stp !

Il est vrai que les nouveaux porno n’ont plus rien à voir avec les bons vieux porno à papa. A l’époque de Dorcel, y avait un scénario, on faisait généralement un long métrage avec un début, un milieu et une fin, souvent c’était des adaptations de thèmes classiques, cap et épée, on enlevait vite la cap et on sortait l’épée, westerns ou science fiction avec des titres olé olé genre l’Arrière train sifflera trois fois ou Rencontre du 7ème type ! C’était super ringard, les ébats étaient filmés à trois mètres de distance, moi je fais même partie de ceux qui regardaient les films de boules sur Canal+ en crypté, paraît-il qu’avec une passoire on pouvait voir clair, je fais donc aussi partie des abrutis qui ont essayé avec une passoire. Bref, c’était ça Marc Dorcel, aujourd’hui reconverti en vendeur de sextoys dans des superstores à la sortie des villes.

Pornhub, c’est autre chose, une chose pas simple à définir car c’est comme les genres, y a des dizaines de styles différents. Plusieurs grandes tendances se dessinent toutefois. Le genre amateur à la Jacquie et Michel, un genre très populaire puisqu’avec un simple téléphone portable, on peut faire un film porno chez soi et en qualité HD. Jacquie et Michel proposent eux de vous envoyer deux ou trois bites chez vous pour que vous soyez la pornostar du jour. Pourquoi pas, pour ceux qui ont envie de voir leur cul à la télé et imaginer des millions de gens dans le monde se masturber dessus. Un autre genre en vogue, c’est le black’n white. Vous prenez une poignée de jeunes mecs noirs avec des membres de plusieurs dizaines de centimètres de long et de large et au milieu vous mettez une petite blonde. Je ne décris pas la suite, disons qu’elle va en voir, mais d’une seule couleur. Bien sûr, il y a les vidéos spécialisées par genre, gays, lesbiennes, trans, etc. etc. Il y a les vidéos cochonnes mais cocasses comme ces deux femmes fontaines qui baissent par terre sur le parquet d’une pièce vide. Sauf que lorsque vous inondez le parquet, vous savez ce qui se passe, tout le monde se pète la gueule car ça glisse le parquet mouillé. Les réalisateurs de porno modernes ont tout de même de drôles d’idées mal placées ! Bien entendu, les films ne sont plus des long métrages mais des successions de séquences courtes, il n’y a plus ni scénar, ni début, ni fin, ni milieu, ni queue, ni tête, juste des bites, des chattes et des bouches qui prennent des bites jusqu’à la nausée.

Je vais faire mon vieux con réac deux secondes, moi qui ait été ado sous Mitterrand second mandat et qui ai découvert le porno dans un remake des Trois Mousquetaires, un film inspiré des aventures de Roland Dumas, pas celles d’Alexandre. Je trouve que le porno moderne est une catastrophe pour la jeunesse actuelle. Déjà l’accès à ces contenus explicits est bien trop facile, bien trop jeune. A mon époque fallait aller dans la partie réservée des vidéo clubs sans se faire choper par le vendeur qui nous zieutait avec ses caméras de surveillance, je me suis même fait chopper une fois à voler des revues porno dans une solderie au fin fond de la campagne, ils avaient mis des antivol dedans les cons. La honte, je suis parti en courant et jamais je n’ai plus volé ce genre de revue. Aujourd’hui il suffit d’aller sur internet à partir d’un mobile, de taper Pornhub sur Google en mode anonymous, de cliquer sur Oui j’ai bien 18 ans, on imagine bien que les gamins ne vont pas mettre, non j’ai 10 ans et je suis en CM2, et zoo le môme se trouve en face d’une bite de 30 cm. Et là il se dit, bah pourquoi la mienne elle n’en fait que 5 ? Et quand la fille se fait bifler, cette pratique qui consiste à gifler avec un sexe masculin en érection, il se dit ah c’est peut-être pour ça qu’elle a les joues rouges maman parfois. Mais non petit, c’est pas pour ça, ou peut-être que oui après tout, je ne connais pas tes parents gamin. Les enfants peuvent aujourd’hui accéder à des contenus pornographiques complètement délirants qui déforment complètement leur vision de la sexualité et risquent de leur filer tout un tas de complexes destructeurs et d’idées fausses. C’est déjà pas simple d’être ado, ni d’être un être humain en général, alors si en plus on inonde leur cerveau de poubelles en tous genres, Pornhub, TikTok, Snap, Insta… comment voulez-vous qu’ils s’en sortent. Mais j’aurais l’occasion de revenir sur ce sujet dans la prochaine saison de Citizen X, précision au passage, le X n’est pas une évocation subliminale à la pornographie.

Je voudrais terminer ce billet et cette mini-série en répondant à Virginie Despentes. Pourquoi les mecs nous en veulent à ce point pour faire subir ça aux nanas ? Les mecs ne vous en veulent pas particulièrement Virginie, du moins pas consciemment, Freud arrête-moi si je me trompe, c’est juste qu’internet est un dévidoir à merde comme c’est pas permis. Tu dois en savoir quelque chose, j’imagine que tu ne dois pas manquer de haters, ces gens qui te détestent et qui se cachent derrière leur ordinateur et leur pseudo pour te cracher dessus. Le porno ne fait pas exception. Imagine que Sade ait eu accès à internet, que ce soit comme spectateur ou créateur de contenu, je pense qu’il aurait pu nous montrer toute l’étendue de sa créativité, et sans doute pas pour le meilleur. Internet permet d’exprimer ce qu’il y a de pire en nous de manière complètement anonyme, donc beaucoup se lâchent et montrent à voir des choses que jamais ils n’oseraient faire ou dire « dans la vraie vie ». Ali Badou t’a demandé cependant si tu étais plutôt XXème siècle ou plutôt XXIème, et tu as répondu, plutôt XXIème ! Et je te rejoins, car malgré tous ces excès, jamais la connaissance n’a été facile d’accès, jamais on n’a produit autant de contenus et fait autant de découvertes, dans tous les domaines, de l’art à l’architecture, en passant les sciences, la médecine ou les idées, alors oui ce XXIème siècle de fou vaut le coup d’être vécu, et croqué comme un putain de piment rouge (1).

Sources / Référence

(1) Blizzard, 150.900, Fauve, 2013