# SeX

Drôle d’endroit

30 mars 2023

Un homme et une femme se rencontrent sur une aire de repos de l’autoroute du sud. La femme a été abandonnée par son mari à la suite d’une dispute plus violente que d’habitude mais elle a quand même décidé de d’attendre qu’il revienne. L’homme lui, est en panne, il répare son moteur. Désireux d’être seul, il veut d’abord la chasser, puis finalement, tente de la conquérir. La femme, c’est Deneuvre, l’homme, c’est Depardieu et le pitch, c’est celui de Drôle d’endroit pour une rencontre (1).

Ma rencontre à moi a plus des airs de Tenue de soirée, toujours avec Depardieu, et Michel Blanc dans le rôle de la femme, Depardieu aussi ceci-dit. Ma rencontre à moi se situe dans un club de sport, ce social club du 21ème siècle. Je reviens au vestiaire plein de transpiration après une heure de course mi-élyptique mi-tapis-de-course. Je vais vers mon casier et je tombe nez à nez, si je puis dire, avec un type à poil, le sgueg à l’air, décontracté du gland, aurait-dit Depardieu, se souvenant des Valseuses. Après tout c’est un vestiaire masculin, chacun a le droit de s’y habiller ou de s’y déshabiller à sa guise. Sauf que si 95% des mecs qui fréquentent ce lieu porte un caleçon ou une serviette autour de leur taille, ce n’est sans doute pas pour rien. C’est pour ne pas gêner ceux qui ne souhaitent pas voir des bites à l’air tous les 20 cm. C’est un club de sport merde, pas une boîte à partouze gay ! Mais bon soit admettons, soyons tolérant, le gars est dans son droit, il n’y a rien d’écrit sur la porte d’entrée en ce sens, ni dans l’autre et donc rien qui interdit de se balader tout nu. Le temps que je prenne mes affaires de douche, le gars a eu le temps d’enfiler, son pantalon, sans slip je précise, bah oui c’est gênant un slip, et un sweat. Je file en direction des douches, qui sont des douches fermées et privatives, les archi qui conçoivent l’agencement des clubs de sport doivent avoir l’habitude d’éventuelles problématiques s’ils construisent des douches ouvertes et collectives, comme dans les gymnases ou les stades de foot par exemple. Les temps changent, les gamins doivent même prendre leur douche en slip aujourd’hui, des fois qu’un pervers se soit fait passer pour un entraîneur sportif.

Je ferme le robinet d’eau, m’essuie, mets un caleçon tout propre, certains mettent le même que celui qu’ils avaient en arrivant et qui a épongé une heure de sport, moi non, j’ouvre la porte de ma douche privée et sur qui je tombe ? Je vous le donne en mille, pas besoin d’être devin ou voyant pour avoir une idée, mon copain le sgueg ! Bah merde alors, me dis-je interloqué, il partait quand je suis arrivé et le voilà de nouveau dans les douches, de nouveau tout nu le sexe à l’air, avec une serviette sur l’épaule pour faire un peu plus genre celui qui se douche. En toute franchise, je ne l’avais pas anticipée celle-là. Je suis resté comme deux ronds de frite, pourquoi moi quoi ? Parce que j’ai les cheveux longs c’est ça ? Certes je fais le maximum pour avoir l’esprit ouvert, mes chroniques le prouvent je crois, mais juste l’esprit. Pour ce qui est du reste, je reste assez fermé. J’ai filé vers mon casier, il m’a suivi mais il a bien compris qu’il s’était trompé de cible. La question que je me suis posée, c’est est-ce que j’en parle aux responsables du club ? Après tout, il ne m’a rien dit, il ne m’a pas touché et ne s’est pas touché non plus, il a juste pris deux douches coup sur coup. Je me suis dit aussi, et si cela avait été une femme, est-ce que tu aurais réagi pareil ? Alors déjà cette idée n’a pas de sens car que viendrait faire une femme à poil dans le vestiaire des hommes ? Ce serait l’émeute, ou plutôt la meute. Mais admettons, si une femme s’était redéshabillée pour venir prendre sa douche avec moi, je pense que je me serais dit : cooool ! Encore que ça dépend de la femme en question. Le temps que je sorte de mes pensées et de ces considérations existentielles, le sgueg s’était taillé et je n’en ai pas parlé à l’accueil, considérant qu’il avait bien le droit de draguer, que les gays ont peut-être des manières plus directes de procéder, des manières un peu familières dont je ne suis pas familier, d’où ma réaction de vierge effarouchée.

Bah oui, mon ptit Gil, mets-toi à la page mon grand, le monde a changé. Le monde n’est plus hétéro centré ou même gay comme dans les années 70 ou 80, le monde est multigenre de nos jours.«  D’ailleurs, on ne dit plus hétéro, on dit cis genre, c’est à dire que ton genre dans ta tête et ton corps correspond au genre qui est écrit sur ta carte d’identité. Y a bien sûr les gays, les lesbiennes et les trans mais il y a aussi pêle-mêle tête bêche les abrosexuels, qui ont une sexualité changeante, en fonction de la météo ou de leur humeur, c’est selon, les agenres, qui ne veulent pas se définir par un genre en particulier, et on les comprend vu le bordel que c’est devenu, les allosexuels, qui sont un peu tout à la fois, non mais allô quoi ! Il y a les androgynes, les centristes de la sexualité, les apogenres, qui n’ont pas de genre particulier et refusent même la notion de genre, les aroace, à la fois a romantiques et asexuels, les bears, c’est à dire des gays poilus (je vous jure que je ne me moque pas de vous, ça existe, il y a même une patte d’ours sur leur drapeau), les bisexuels, les bicurieux, les cétérosexuels, les skoliosexuels, qui ne sont pas des gens qui baisent avec d’autres gens qui ont une skoliose mais des gens qui aiment baiser avec des gens tordus, puisque skolio signifie « tordu » en grec, bonjour la gymnastique ! N’oublions pas les demi-filles, les demi-garçons, les cuirs, façon imagée d’appeler ceux qui se réclament de la communauté BDSM (bondage, discipline, sado-masochisme), demi non binaire, demi genre, gender fluide, gender queer, intersexe… et comme si ce n’était pas assez confus, chaque genre a son drapeau coloré. Je ne sais pas si Benetton avait ça en tête quand il a inventé son United colors. Certes leurs campagnes de pub ont toujours été créatives et provocantes, mais c’était juste pour vendre des pulls en laine. Aujourd’hui, faut aller la chercher sur des moutons à cinq pattes, la laine.

Que chacun puisse exister, se faire reconnaître en tant que tel, très bien. Mais doit-on inventer une communauté pour chaque particularité de l’être humain, son apparence, sa psychologie, sa sexualité ? Car nous sommes à la fois tous semblables et tous différents. C’est Fourquet qui a raison au fond, avec sa notion d’archipélisation de la société. Plutôt que de nous rassembler, nous cherchons dorénavant à nous replier sur notre petite identité et comme on ne veut pas être tout seul non plus, on va chercher les deux trois clampins qui nous ressemblent pour former une communauté, un groupe sur les réseaux. Au fond, il n’y a rien qui m’exaspère plus que le communautarisme, je crois. J’ai toujours pensé qu’à ce niveau la France se distinguait des Etats-Unis par exemple. Mais plus ça va et plus cette exception culturelle est mise à mal et la volonté d’affirmer ces 1001 genres me semble s’inscrire complètement dans ce mouvement.

C’est tellement déroutant qu’à bien y réfléchir, je ne suis plus trop sûr de savoir quel est le mien, de genre. Ah si je sais, le mauvais genre.


Sources / Références :

(1) Drôle d’endroit pour une rencontre, film de François Dupeyron, 1988.

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