# PolitiX

Edouard, mon pote de droite

19 juin 2021

Le week-end dernier, j’étais au Havre. Le dimanche matin, mon fils voulait absolument profiter du super skatepark qui se situe non loin de la mer et les filles voulaient mettre les pieds dans l’eau. La veille je m’étais baigné à Etretat et croyez-moi, les pieds c’est bien suffisant pour se rendre compte que l’eau de la Manche, ce n’est pas celle de la Méditerranée.

En attendant, je me détends, je profite du soleil et du cadre très agréable de la plage du Havre, entre les cabanes multicolores, les cafés, les marchands de glaces, le terrain de beach volley et les trottinettes free style, et Sainte-Adresse la bien nommée qui nous contemple derrière le quartier Saint-Vincent. Quand soudain je vois arriver un couple, lui grand, svelte et elle, lunettes de soleil, élégante, ils filent vers la plage d’un pas décidé. Ils sont beaux. L’homme porte un masque anticovid noir et une casquette mais je le reconnais dès qu’il passe à ma hauteur. En même temps, j’ai une très bonne mémoire visuelle. Je peux reconnaître un camarade de classe de primaire près de quarante ans après sans l’avoir revu entre temps. Alors, Edouard Philippe, premier premier ministre de Macron qu’on a vu régulièrement à l’écran pendant presque trois ans, pas moyen que je l’oublie. Mais de là à le croiser le seul week-end où je viens au Havre, alors que nous sommes des centaines sur cette plage, peut-être davantage tant le lieu semble être la destination dominicale préférée des Havrais, voilà qui est jubilatoire pour quelqu’un qui s’intéresse à la politique comme moi.

Cette rencontre fortuite tombe bien car le 4 juillet sortira le troisième volet du documentaire de Laurent Cibien : Edouard, mon pote de droite. Laurent Cibien est effectivement un pote de lycée d’Edouard Philippe. Devenu journaliste pour Arte, un journaliste qu’Edouard qualifie même de gauchiste et qui le suit ainsi depuis 2004. Je recommande vivement ce documentaire à tous les gens qui veulent savoir comment fonctionne la politique en coulisse. Le premier volet, tourné en 2014, concerne l’élection municipale du Havre justement.

L’intérêt de ce genre de documentaire, c’est que le cameraman essaie de se faire le plus discret possible au point que le sujet en oublie presque sa présence. Vous connaissez cette expression : j’aimerais bien être une petite souris pour voir… eh bien c’est exactement ça, on est une petite souris sur l’épaule de Philippe et on va le suivre dans cette campagne.

Le premier truc qui saute aux yeux, c’est le côté chiraquien du bonhomme. Grand, élégant, dynamique, puncher même (il pratique la boxe), drôle, il a le contact facile, on sent qu’il peut parler à n’importe qui sans le prendre de haut, comme Francis le coiffeur chez qui il semble avoir ses habitudes. Il est de ces hommes politiques qui charment avant même d’avoir à convaincre, ce qui est une arme fatale dans ce métier. En plus, il partage avec l’ancien maire de Paris un goût pour la Corona, cette marque de bière mexicaine (je précise pour les non-alcooliques).

Fils d’une instit et d’un prof de français, petit-fils d’un docker du Havre, passé par Janson de Sailly (ou les deux amis se sont donc rencontrés), l’ENA et le Conseil d’Etat, juge, avocat, maire, député et trois ans plus tard premier ministre, Edouard Philippe va vite, très vite même, un point commun avec Emmanuel Macron. Mais le premier volet se concentre sur la campagne municipale de 2014. On y voit les aspects concrets de l’exercice, constituer une liste avec des dizaines de noms, hommes et femmes, et les appeler un par un pour leur dire s’il les a retenus ou jetés. Les réunions publiques, la mobilisation des troupes et de l’électorat, majoritairement masculin, âgé et blanc, les interviews, les photos, les communiqués de presse, tout cela constitue le quotidien d’un candidat. Ce qui signifie, pour cet homme marié et père de trois jeunes enfants, des sacrifices au niveau de la vie de famille. A un moment d’ailleurs, il dit avec un humour que l’on sent légèrement teinté de tristesse que sa fille l’appelle Monsieur. Et pour cause, il n’est pas rentré chez lui depuis trois semaines. Car Monsieur le maire n’habite pas Le Havre mais Paris – oups ! Quand, lors de la séquence suivante, il est dans sa voiture et on entend à la radio Mon fils ma bataille de Daniel Balavoine : « Tu leur dis que mon métier c’est du vent, qu’on ne sait pas ce que je serai, dans un an… c’est mon enfant ! » On se dit qu’il faut accepter une certaine dose de sacrifice pour faire de la politique.

Au travers de ce documentaire, on comprend qu’Edouard Philippe se positionne à droite car il considère la liberté comme une valeur cardinale et croit dans le rôle du chef, et le chef c’est lui. Il y a ceux qui décident et ceux qui subissent, confie-t-il au journaliste, lui a manifestement choisi son camp. On sent l’honnête homme quand il différencie la politique de bonne gouvernance de la politique politicienne. On sent surtout le destin national derrière l’élu local. Il ne s’est pas positionné pour l’élection présidentielle 2022, reviendra t-il sur le devant de la scène en 2027 ? Faut admettre qu’il aurait quand même de la gueule avec le costume de président. Mais bon mon pote, faudra me raser cette barbe trop bizarre hein. A suivre…


Lire aussi : Edouard, mon pote de droite, Episode 2


Références :

Edouard, mon pote de droite, Documentaire de Laurent Cibien, 2015.

Edouard, mon pote de droite, Episode 2, Documentaire de Laurent Cibien, 2017.

Edouard, mon pote de droite, Episode 3, Documentaire de Laurent Cibien, le 4 juillet 2021 sur Arte.

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