Edouard, mon pote de droite – Episode 3
Le dernier épisode de la série documentaire sur Edouard Philippe est sorti cette semaine sur France 5, profitez-en il est encore possible de le voir gratuitement en replay. Après, il faudra acheter le DVD, ou le louer en VOD, ou pas 🙁 Quand je dis dernier, c’est parce que c’est le dernier sorti mais rien ne dit qu’il n’y aura pas un quatrième, voire un cinquième épisode, le principal intéressé n’ayant pas réussi à répondre à la question finale de son pote journaliste gauchiste : « Est-ce que tu veux être Président quand tu seras grand ? » Edouard Philippe aurait pu trouver une formule humoristique, une manière d’esquiver, comme en boxe, mais non, rien, Edouard est resté couat. Ah si, il a dit en substance : « Je n’ai jamais dit qu’en revenant au Havre, je me retirais de la vie politique nationale. » A bon entendeur…
Ce volet, comme les précédents, est très intéressant car il permet de découvrir la fonction de Premier Ministre de l’intérieur, pas Premier Ministre de l’Intérieur hein, voir la fonction de l’intérieur, suis-je clair ? Et là, ce qui choque immanquablement, c’est le côté hors du temps du job. Depuis la fenêtre du bureau du Premier Ministre, au premier étage de l’Hôtel Matignon, on voit un parc à perte de vue, des arbres centenaires, des pelouses au cordeau qu’un petit robot tondeuse tout blanc, un genre de R2D2 rase moquette, s’évertue à longueur de journée, doucement, très doucement, à couper l’herbe au millimètre. La France brûle, les gilets jaunes sont dans la rue, Notre Dame brûle, la France s’arrête net comme la Belle au Bois Dormant, mais le petit robot continue sa tonte invariablement. Et on imagine le Premier Ministre lui faire un petit coucou et buvant une tasse de thé.
Edouard Philippe n’est pas du genre à boire du thé et à regarder une tondeuse à longueur de journée. L’homme est plutôt décidé, il est « aux manettes » comme il aime le dire, comme si la France était un jeu vidéo, alors il compte bien les utiliser pour bousculer les lignes, faire avancer ce fichu pays de fainéants. Je suis là pour moderniser le pays, affirme-t-il face caméra. On a alors envie de lui répondre, t’as vu où tu bosses mec ? T’as vu le décor autour de toi, les tapisseries, les tableaux, même ton bureau, tout ça n’a pas bougé depuis des siècles ! Et tu prétends moderniser la France ? Commence par sortir de ton palais, aller dans la rue, prendre le métro, bosser sur un chantier à 6h et tu auras peut-être des idées. Mais là, tu ne fais rien de tes dix doigts, mon pote ! Tu ne fais pas à manger, tu ne fais pas le ménage, tu ne conduis pas ta voiture, tu n’ouvres pas les portes – à ce propos Chirac avait confié, en quittant le Palais de l’Elysée en 2007, une fois arrivé dans l’appartement prêté par la famille Hariri pour accueillir l’ancien président, comme si celui-ci n’avait pas les moyens de se payer une loc à Paris, bref toujours est-il que notre bon vieux chichi avait déclaré avoir perdu l’habitude d’ouvrir une porte. On a coupé la tête des aristos pour avoir à la place des barons, des impotents incapables d’ouvrir une porte eux-mêmes, avec une vraie clé, et tout ça payé par les deniers de l’Etat. Voilà ce que sont les hommes politiques une fois arrivé à ce niveau de pouvoir. Ils ne font plus rien eux-mêmes. Ils ne s’occupent même pas de leurs enfants, franchement pas le temps. Les citoyens se plaignent que leurs représentants sont coupés du réel, comment leur donner tort ? En tout cas, pas en regardant un documentaire comme celui-ci.
J’adresse à cet égard une critique au réalisateur, foutu gauchiste, car celui-ci a choisi de mettre en scène le Premier Ministre quasi uniquement dans le décorum de son bureau à Matignon, entre les dorures et les moulures. Ce qui renforce ce sentiment de déconnexion. Il est évident qu’Edouard Philippe n’a pas passé toutes ses journées dans son bureau. Il est sorti, quatre voitures devant, quatre derrière, peu probable qu’elles roulent à 80 km/heure sur les routes départementales, voir la France, serrer des louches, autre expression de Chirac qui aimait ça aussi, serrer des louches, et boire de la Corona.
Edouard Philippe se dit de droite car il se dit libéral. Il semble ignorer que le libéralisme, philosophique du moins, est plutôt une idée de gauche, chère à Voltaire et Rousseau. L’une des grandes différences entre la droite et la gauche, c’est le rapport à l’autorité. A droite, on aime l’autorité, à gauche, on la déteste et plus on va chercher dans les extrêmes, plus c’est vrai. Le centre étant un juste compromis entre ordre et liberté. Edouard Philippe est de droite car il aime l’autorité, surtout quand le chef c’est lui. C’est simple. Basique. Le chef a néanmoins des problèmes de gestion du stress, une colère qui affleure quand le journaliste l’interroge sur Notre Dame des Landes ou sur les casseurs des Champs Elysées, un stress qui se voit comme le nez au milieu de la figure ou plutôt comme un point blanc au milieu d’une barbe sombre. Puis deux, puis trois, et pour finir la moitié de son visage est couverte de neige, quand l’autre est restée immaculée. Un drôle de phénomène dermatologique tout de même, du jamais vu à ce niveau de l’Etat. Faut dire qu’aucun Premier Ministre, en temps de paix s’entend, n’aura eu à gérer autant d’emmerdes en si peu de temps qu’Edouard Philippe : gilets jaunes, retraites, Notre Dame, Covid 1, Covid 2… il ne manquait qu’un bon gros attentat façon Bataclan, ou un accident nucléaire façon Fukushima et on le retrouvait éparpillé aux quatre coins de Paris le Philippe, façon puzzle. On le plaindrait presque à vrai dire, car il a un côté sympathique malgré tout ce grand dadet d’1m94, jovial, énergique, chiraquien, encore et toujours, il aime d’ailleurs l’imiter.
Et on finit par la question du début. Ira, ira pas ? Se présentera-t-il à la présidentielle ou pas ? Personnellement, je pense que oui. Si ce n’est pas en 2022, ce sera en 2027, il n’aura alors que 57 ans, ce qui n’est pas si vieux pour pareille fonction.
La suite au prochain épisode !
Lire aussi
Edouard, mon pote de droite, épisode 2
Références :
Edouard, mon pote de droite, Documentaire de Laurent Cibien, 2015.
Edouard, mon pote de droite, Episode 2, Documentaire de Laurent Cibien, 2017.
Edouard, mon pote de droite, Episode 3, Documentaire de Laurent Cibien, 2021.
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