Edouard, mon pote de droite – Episode 3.2
A la fin du précédent épisode, nous étions en droit de nous demander si Edouard Philippe allait, oui ou non, être candidat à l’élection présidentielle 2022, tant son ambition politique ne semblait pas avoir été endommagée suite à son remplacement par Jean Castex à Matignon. Bien au contraire, dirais-je. Celui qui avait soutenu Alain Juppé à la primaire de droite en 2016 et s’était donc retrouvé cramé suite à la victoire de Fillon, puis tel un phénix renaissant de ses cendres, remis sur le devant de la scène politique en devenant le premier premier ministre d’Emmanuel Macron. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin si jeune ?
Seulement, Emmanuel Macron étant probablement candidat à sa réélection, bien qu’il ne l’ait pas annoncé officiellement, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand étant certains d’y aller tous les deux, la fenêtre de tir pour l’homme politique le plus populaire de France, est malgré tout réduite. En fin stratège qu’il est, il a dû faire le même constat et a annoncé cette semaine qu’il ne serait pas candidat. Ce qui ne veut pas dire qu’il va se contenter de regarder le match sans s’exprimer. Ce serait mal le connaître que de penser qu’il va resté terré au Havre, d’autant qu’il habite Paris.
Autre point, sa mutation en père Noël est bientôt terminée comme l’atteste la couverture de Challenges, à qui il a accordé une interview, ce qui nous promet un joyeux réveillon.
Son truc, et nous allons beaucoup en entendre parler dans les mois qui viennent, c’est la dette. La dette, la dette, la dette. La dette, le déficit et les dépenses publics, le père la rigueur est de retour. « La dette est un problème éminemment politique, il faut sortir des postures pour le prendre à bras-le-corps. Cette question doit être débattue pendant la campagne afin que les Français votent en connaissance de cause et que la prochaine majorité ait les moyens d’agir. Je sonne l’alerte et comptez sur moi pour revenir dessus dans les prochains mois », annonce-t-il en bombant le torse, tel un coq gaulois et il vient nous parler de posture ! Mort de rire.
Très bien Edouard, tu veux débattre – et dans débattre il y a « battre », comme se battre et ça tu aimes bien n’est-ce pas – eh bien on va débattre. Tu veux faire des économies dans les dépenses publiques ? Commence par réduire le salaires des parlementaires, des ministres, des conseillers et des centaines de hauts fonctionnaires payés grassement pour ne pas en faire très lourd. Le problème de cette droite que je qualifierais de budgétaire ou financière, c’est que les économies, les coupes, les restrictions, les serrages de ceinture, c’est toujours pour les autres. C’est comme devoir monter au sommet d’une montagne avec un gars qui a un sac quatre fois plus petit que vous et des chaussures quatre fois moins lourdes. Et le gars te dit, très sérieusement en plus car il a fait l’ENA, l’Ecole Nationale d’Alpinisme, eh faut faire des efforts ! Et là forcément, t’as envie de te déchausser et de lui foutre sur la gueule ta chaussure de randonnée. Jamais aucun gouvernement, aucun homme politique, hormis Hollande s’agissant du salaire des ministres en 2012, n’a annoncé vouloir débuter un programme des réduction des dépenses par les dépenses occasionnées par les responsables politiques : salaires, primes, avantages, retraites, etc. etc. Et pour cause, ils ne vont pas s’amputer eux-même s’ils peuvent amputer la jambe du voisin, faudrait être con quand même. Ce que nous sommes, nous les Français, et depuis des décennies.
Mais Edouard Philippe est tenace. Le Covid a interrompu sa réforme des retraites, une bataille de perdue, mais certainement pas la guerre, pense-t-il dans son for intérieur. Il veut faire passer l’âge de la retraite à 65, 66, 67, voire 68 ans comme les Allemands. En oubliant qu’un ouvrier, à 68 ans, c’est pas une retraite qu’il va avoir, quelques années de répit tout au plus, s’il n’a pas choppé un cancer avant. Résonner de manière globale en matière de retraite, c’est oublier la question de la pénibilité, pourtant centrale. Et oublier la pénibilité, c’est une injustice insupportable.
Insupportable, c’est aussi ce que je me dis quand j’entends François Xavier Bellami, eurodéputé de droite, droite catholique conservatrice nous dire qu’il est allé à la rencontre des pêcheurs et des coiffeurs – on dirait presque qu’il voudrait une médaille pour avoir serré la paluche au patron d’un chalutier – et tous lui disent que leur problème numéro un, ce n’est pas l’activité, mais les difficultés à trouver du personnel. Et notre bel ami d’ajouter, bah oui quand vous touchez plus au chômage qu’à travailler, pourquoi iriez-vous travailler ? Voilà, nous y sommes, on a trouvé la cause de tous nos problèmes, l’assurance chômage bien sûr. Supprimons l’assurance chômage, ou diminuons-la significativement et le problème du chômage sera résolu, vous verrez. Quelques mois dans la merde et ils feront moins les fiers ces chercheurs d’emploi. A aucun moment, FX ne se dit, et si le problème venait plutôt du salaire proposé. Sur un bateau de pêche, je ne sais pas combien on paie, mais dans la coiffure, on ne gagne pas bézef. Ni dans la restauration, ni dans les services à la personne, ni dans les centres d’appels, ni dans l’éducation nationale quand on est un jeune prof, ni à l’hôpital quand on est aide soignante, etc. etc. Mais non, le problème vient des indemnités chômage trop élevées.
Il a beau être l’homme politique préféré des Français – après je demande à voir l’âge des Français en question – j’en ai ma claque de ces soit disant responsables politiques qui nous annoncent la rigueur sans jamais se l’appliquer à eux même.
Alors viens débattre, viens te battre, si tu veux Edouard, viens jouer ton rôle dans cette grande comédie qu’est devenue l’élection présidentielle.
Référence :
Edouard Philippe sonne l’alerte, Challenges n°712, 30 septembre 2012
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